Les chiffres sont vertigineux et permettent de mesurer la violence du cyclone Chido. “Plusieurs centaines” de morts seront certainement à regretter, “voire quelques milliers”, a annoncé le préfet de Mayotte dimanche dernier vers 17 heures, alors que le bilan officiel comptait pour l’instant encore 14 victimes. La préfecture de Mayotte a annoncé dimanche après-midi la fin de l’alerte rouge et le début de la phase de sauvegarde contre les cyclones.
Un budget lourd encore incertain
“Je pense que ce sera certainement plusieurs centaines, peut-être qu’on approchera le millier, voire quelques milliers” de morts, a déclaré François-Xavier Bieuville sur la chaîne publique Mayotte la 1ère. Il sera “très difficile d’avoir un bilan définitif” étant donné que la tradition musulmane, profondément ancrée dans les quartiers où les habitations précaires ont été entièrement détruites, exige que les personnes soient enterrées “dans les 24 heures”.
Même le ministre de l’Intérieur sortant Bruno Retailleau, attendu lundi à Mayotte, a estimé qu'”il faudra probablement des jours” pour “parfaire” le bilan des morts. Pour l’instant la remontée d’information est très fragmentée avec une population confinée chez elle, dans un état de stupeur, sans eau ni électricité.
En visite en Corse ce dimanche, le pape François a déclaré soutenir “en esprit” les victimes de cette “tragédie”, à l’issue de la prière de l’Angélus dans la cathédrale d’Ajaccio.
Des destructions massives
« L’hôpital est touché, les écoles sont touchées. Les maisons sont dévastées. Le phénomène n’a rien épargné», a décrit le maire de Mamoudzou. Ibrahim, un habitant de Mayotte contacté par l’AFP, a tenté dimanche matin de rejoindre la partie ouest de l’île principale, dégageant les routes au passage, dans “un scénario apocalyptique”. « Seules quelques maisons permanentes ont survécu. Il ne reste rien des bidonvilles », a-t-il déclaré.
L’UNICEF, présent sur place, a déclaré que « de nombreuses maisons, écoles et centres de santé ont été partiellement ou totalement détruits ». L’organisation évalue actuellement l’impact du cyclone et fournira des médicaments, des produits de purification de l’eau et d’autres biens essentiels, a indiqué l’UNICEF dans un communiqué.
De nombreux sans-papiers vivant dans des bidonvilles n’ont pas rejoint les refuges mis en place par la préfecture “pensant que ce serait un piège qui leur serait tendu (…) pour les attraper et les faire sortir de la frontière”, Ousseni Balahachi, infirmier à la retraite et secrétaire départemental de la CFDT. « Ces gens sont restés jusqu’à la dernière minute. Lorsqu’ils ont vu l’intensité du phénomène, ils ont commencé à paniquer, cherchant un endroit où se réfugier. Mais il était déjà trop tard, les draps commençaient à s’envoler”, a-t-il regretté.
Selon les données fournies ce dimanche par le ministère de la Justice, le toit de la chambre d’appel a disparu” et “deux palais de justice sur trois sont inutilisables”. Le centre pénitentiaire a mieux résisté que les autres bâtiments publics.”
Le premier avion humanitaire est arrivé
Bruno Retailleau a annoncé l’envoi de “cinq vagues successives jusqu’à mercredi de renforts pour la sécurité civile”, soit environ “800 personnes en plus du matériel (…) mais aussi du personnel médical”. La piste de l’aéroport de Pamandzi est toujours praticable, même si les appareils de navigation et la tour de contrôle ont été endommagés. Selon Météo France, les rafales ont atteint 226 km/h.
Chef de file d’un pont aérien et maritime organisé par l’île de la Réunion, territoire français situé à 1 400 kilomètres à vol d’oiseau, le premier avion de la sécurité civile après le cyclone a atterri à Mayotte dimanche à 15h30 heure locale (1h du matin). 30h00, heure de Paris), transport du matériel de secours et du personnel médical.
Dès le début de la semaine, 162 militaires de la sécurité civile et pompiers de France viendront renforcer les 110 prépositionnés dans l’archipel à partir de vendredi, avant le confinement rendu obligatoire par l’activation de la surveillance violette.
« L’inventaire des besoins des services d’urgence et des populations continue d’organiser des rotations (air et mer), aussi longtemps que nécessaire », indique la préfecture de la zone de défense dans un communiqué qui détaille plusieurs rotations d’un DASH, de deux avions militaires CASA et d’un navire de la marine nationale. Ce même dimanche, ils transporteront à Mayotte 21 agents de santé, trois tonnes de matériel du service médical, des colis du centre français de transfusion sanguine, deux tonnes de matériel d’EDF pour remettre en état les systèmes d’électricité et de traitement de l’eau, ainsi que des bâches et nourriture.
Priorité à la réouverture de l’aéroport
La tour de l’aéroport de Mayotte est “hors service” depuis samedi, a indiqué dimanche le préfet de la Réunion. La « priorité » est donnée par les autorités à la réouverture des infrastructures. A cet égard, les professionnels de l’aviation civile sont attendus.
Ce dimanche, seuls le matériel et le personnel pourront être transportés par des moyens militaires, compte tenu de l’ampleur des destructions sur place. Les militaires devront œuvrer pour “rétablir l’eau courante, maintenir l’ordre public” et garantir “l’approvisionnement en eau”, a précisé Jean-Marc Giraud, commandant en chef des forces armées de BFM.
Dans les prochains jours, la Sécurité civile mettra en place un hôpital de campagne pour soigner les nombreux blessés. L’agence régionale de santé et l’hôpital de Mayotte devront donner la priorité aux blessés les plus urgents, dont certains pourront être rapatriés à la Réunion ou en France métropolitaine.
Un cyclone « exceptionnel ».
Selon les explications de François Gourand, météorologue à Météo France, le cyclone Chido était “exceptionnel” car il a frappé directement l’archipel, alors que sa puissance était renforcée par les eaux particulièrement chaudes de l’océan Indien liées au changement climatique.
Au milieu du désastre, les Mahorai ont désormais au moins la certitude que Chido ne reviendra pas semer encore la désolation. Le cyclone poursuit sa route vers le continent africain, à une vitesse de 26 km/h. A l’aube ce dimanche matin, son œil se trouvait à 420 km de Mayotte et à 1 710 km de la Réunion. De fortes pluies étaient attendues dans certaines parties des Comores.
Chido devrait atteindre le Malawi d’ici lundi, apportant des précipitations importantes dans ce pays frappé par la sécheresse. Le Zimbabwe a également émis un avertissement concernant les fortes pluies associées au cyclone. Selon les services météorologiques, le cyclone semble s’être intensifié en traversant le canal du Mozambique dans la nuit pour toucher terre à environ 40 km au sud de la ville de Pemba, dans le nord du Mozambique. L’intense cyclone tropical devrait se dissiper mardi à l’intérieur des terres de l’Afrique australe.