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Pourquoi y a-t-il un si long délai entre le jour du scrutin et le jour de l’investiture du nouveau président, qui a lieu à la mi-janvier ? Je comprends que le jour du scrutin est le 17 décembre, mais comment expliquez-vous ce retard de six semaines, alors que le nombre d’électeurs pour chaque État est déjà établi et que les résultats des élections sont connus quelques heures après la fermeture des bureaux de vote ? électoral? Et est-ce le président sortant qui continue d’exercer le pouvoir et de diriger le pays jusqu’au jour de son investiture ?
Près de 75 jours s’écouleront entre l’élection de Donald Trump, le 5 novembre, et son entrée officielle à la Maison Blanche, le 20 janvier. Pourquoi la passation du pouvoir prend-elle autant de - aux États-Unis, alors qu’ailleurs, comme dans notre système parlementaire, elle peut se produire en aussi peu que 24 heures ?
Si elle paraît longue aux adeptes du système parlementaire britannique, la transition présidentielle américaine est plutôt courte au regard de la liste des tâches à accomplir, souligne Kathryn Dunn Tenpas, entreprise au Miller Center de l’Université de Virginie, qui étudie les transitions présidentielles depuis une cinquantaine d’années.
« La particularité de notre gouvernement et de notre système politique est que tous les quatre ou huit ans nous coupons le sommet de la pyramide de l’administration publique », explique le chercheur en sciences politiques. L’exécutif désigné doit le remplacer en procédant à des milliers d’embauches dans tous les secteurs du gouvernement fédéral. »
Dans le système politique américain, le président est à la tête du gouvernement fédéral et de l’État. Il devra d’abord choisir l’équipe qui l’entourera à la Maison Blanche et les membres de son cabinet, mais aussi les hauts fonctionnaires des ministères et agences fédérales.
On estime qu’un président élu doit occuper environ 4 000 postes administratifs de haut niveau. Tout cela en prenant les rênes d’un gigantesque État qui emploie plus de 2 millions de fonctionnaires et doté d’un budget d’environ 6 milliards de dollars. Beaucoup de ces nominations doivent également être approuvées par le Sénat, notamment celles des secrétaires (l’équivalent ici des ministres), des ambassadeurs et des juges fédéraux.
« Le pourcentage de postes politiques dans l’administration publique est beaucoup plus élevé [aux États-Unis] qu’au Canada », explique Kathryn Dunn Tenpas.
Une période « plutôt courte ».
« La période de transition de 70 jours est en réalité assez courte, car nous devons pourvoir de nombreux postes vacants avant le 20 janvier. Lorsque le président élu entre en fonction, tous les membres nommés par l’exécutif précédent doivent avoir été remplacés. »
La période de transition est également une période cruciale durant laquelle le futur gouvernement pourra se familiariser avec les dossiers brûlants (et souvent secrets) de l’appareil d’État américain, notamment en matière de politique internationale et de défense.
« Plus la période de transition sera ordonnée et efficace, plus la présidence elle-même sera organisée et efficace », a déclaré Dunn Tenpas, citant une étude du Miller Center. Et la meilleure façon de s’organiser est d’avoir un accès anticipé à tous les ministères et organismes gouvernementaux afin que, le 20 janvier prochain, vous sachiez à quoi vous attendre. »
En 2004, la Commission d’enquête sur les attentats terroristes du 11 septembre 2001 a conclu que la transition écourtée entre les administrations de Bill Clinton et de George W. Bush (en raison des procédures de la Cour suprême visant à déterminer le vainqueur des élections de 2000) avait « affaibli la capacité des États-Unis à identifier et à dissuader les conspirateurs des attentats terroristes du 11 septembre 2001. »
La période de transition était encore plus longue avant l’adoption du 20e amendement en 1933 : elle durait de novembre au 4 mars.
A pied ou à cheval ?
La tradition veut que ce soit pour des raisons logistiques que les pères fondateurs américains aient prévu un intervalle aussi long entre le jour du scrutin et l’investiture du président.
À une époque où les déplacements se faisaient principalement à cheval, en calèche ou à pied, le président élu mettait parfois plusieurs semaines pour atteindre Washington afin de prêter serment. Même chose pour les électeurs de chaque État, qui élisent officiellement le président lors d’un vote organisé en décembre, et pour les membres du futur gouvernement.
La mesure s’avère vite obsolète face au développement des moyens de communication, mais surtout face à l’émergence de crises qui nécessitent l’intervention rapide du futur président, comme la sécession des États du Sud en 1861 pour Abraham. Lincoln et la Grande Dépression pour Franklin Delano Roosevelt en 1933.
Fin du royaume
Puisqu’il ne peut y avoir deux chefs d’Etat en même -, le président sortant reste maître des affaires courantes du pays jusqu’à l’investiture officielle de son successeur, le 20 janvier à midi précises. La portée de ses actions est cependant globalement limitée compte tenu de la fin imminente de son mandat.
“Tous les pouvoirs constitutionnels du président sortant restent intacts” jusqu’à la fin de son mandat, précise Kathryn Dunn Tenpas. « Il est évidemment difficile de faire adopter de nouvelles lois par le Congrès pendant la transition, mais le président sortant reste chargé de diriger le pouvoir exécutif du gouvernement. »
Les présidents en fin de mandat profitent généralement de l’occasion pour consolider leur héritage politique en approuvant des projets, comme la protection de certains domaines publics, par exemple, au travers de décrets présidentiels.
La tradition veut également que le président sortant distribue des grâces aux personnes (alliés politiques, membres de la famille, partisans de causes célèbres) reconnues coupables de crimes criminels. Le président Obama a notamment mis fin à la condamnation de la lanceuse d’alerte Chelsea Manning quelques jours seulement avant de céder la place à Donald Trump en janvier 2017.
Récemment, Joe Biden a créé une certaine controverse en graciant son fils Hunter, qui attendait sa condamnation pour possession illégale d’armes à feu et évasion fiscale.