Le 15 décembre 1970, il fut libéré Émotionsune compilation qui témoigne des débuts de la carrière inspirée par un tandem légendaire de la musique italienne : Lucio Battisti et son parolier Mogol.
En 1970, il a été publié Émotions Depuis Lucio Battisti. Un Greatest Hits officieux de 1966-1970 qui va détériorer les relations entre Baptistes et sa maison de disques Enregistrements de souvenirs. Cet album, basé sur des singles du début de carrière du chanteur, est sorti principalement par opportunisme commercial. Une compilation avec 8 titres en commun avec Émotions sortira également, uniquement sur cassette et cartouche 8 pistes (Lucio Battisti Vol.2) Un album concept de Baptistes il était prêt mais son côté rock trop progressif était inquiétant Enregistrements de souvenirs. Petit examen des morceaux deÉmotions dans l’ordre chronologique de sortie des singles, pour suivre l’émergence d’un classique italien.
Dessert du jour/Pour une lire : 23 juillet 1966, Lucio Battisti sort son premier single en tant qu’interprète, à une époque où les maisons de disques estimaient que sa voix manquait de profondeur. Parce que sa musique est un joli pastiche de la pop anglo-saxonne des années soixante, Dessert pendant la journéeseule pièce conservée ici, ce n’est pas une introduction aussi tonitruante que Le punch au lilas. Mais l’art est déjà signé Magnat parolier : la peinture de ce qu’un homme peut être pathétique, faible, ridicule, vaniteux… dans une relation amoureuse.
Ici, le narrateur annonce à une partenaire qui joue le chaud et le froid sur le terrain des sentiments qu’il la quitte. « Quand il fait beau / tu parles d’amour / puis quand c’est le soir / tu es une statue de cire / mais j’ai déjà décidé que c’était la dernière fois que je sors avec toi. » (Quand il fait beau tu parles d’amour. Quand c’est le soir tu es une statue de cire. Mais j’ai décidé que c’était la dernière fois que je sortirais avec toi.)
Luisa Rossi/Ère : De ce single de juillet 1967, seule la face B Ère a été maintenue. Une pièce composée de Baptistes en 1965 sur la base de paroles de Roby Matano escroquer Hier en ligne de mire. Pas (encore) un chef d’oeuvre mais cette fois une guitare acoustique proche des ballades de Beatles sans donner une impression de pastiche ou de variété Yé Yé. Baptistes il le chante avec les paroles de Magnat ce qui, en matière d’amour, est plus proche de l’ironie que Lennon (Tu dois cacher ton amour) seulement la douce nostalgie de McCartney (Hier).
Les souvenirs de la beauté d’une femme aimée, des désillusions à son égard. Le narrateur se dit que tout cela est derrière lui et qu’il est heureux avec une autre femme. Avant la cruauté de la chute finale : son ex lui rappelle son ex actuelle et la peur l’envahit. « J’ai peur / J’ai peur / Quand je pense que / C’était, c’était, c’était, c’était / C’était comme toi » (J’ai peur. J’ai peur. Quand je pense qu’elle était, c’était comme toi)
Ma chanson pour Maria/Je vivrai (sans toi) : Single d’octobre 1968 contenant uniquement la face B Je vivrai (sans toi) a été sélectionné. Une pièce déjà interprétée par Rokesun groupe composé d’expatriés anglais en Italie. L’arrangement estival au style lent et l’approche vocale du Blues maussade de la version Rokes souligner davantage le côté vaincu de la voix de Baptistes dans sa version. Le narrateur se tourne vers la femme qui s’apprête à le quitter pour lui dire ce qu’il va faire… au lendemain de la rupture. « Voici ce/que/ce qui va m’arriver à partir de demain » (Voici ce qui va m’arriver à partir de demain) Mais celle annoncée est tout sauf une rupture apaisée pour le moment N’y pense pas à deux fois, tout va bien. Le narrateur prédit l’acceptation d’un retour impossible… accompagné d’une longue tristesse. « Je vivrai sans toi / même si je ne sais toujours pas comment je vivrai » (Je vivrai sans toi même si je ne sais pas encore comment je vais vivre)
Une aventure/Ce n’est pas Francesca : Voilà pour B Ce n’est pas Francesca de ce single de janvier 1969 est le seul morceau de l’album. Un sommet de l’art du duo Baptistes/Magnat. La partie musicale débute par un mariage d’une guitare proche des ballades de Je suis Fab Four et des arrangements de cordes avec une sentimentalité très italienne de manière sobre. Avant la surprise de la fin très psychédélique du morceau. Le coup de génie des paroles de Magnat est de représenter une version masculine de la figure du cocu qui refuse d’affronter l’infidélité. Le narrateur répond à un ami qui lui raconte les infidélités de sa compagne ce qui est faux.
Eau bleue, eau claire/Dix filles : Un single sorti en mars 1969. Histoire d’une histoire d’amour accompagnée des dernières sorties, Eau bleue, eau claire ce n’est pas la chose la plus inspirée que Battisti ait faite musicalement. L’équilibre entre influence pop et variété italienne de ses meilleurs titres se brise en faveur de ces derniers.
Dix filles c’est plutôt un chef-d’œuvre baptiste. Combinaison parfaite de guitares avec un son proche de celui de la Stone classique Coeur de pierrecordes et chœurs omniprésents et influence Rythm’n’Blues. Le texte de Magnat aurait pu être écrit par Yuddy (Nos années folles) o Chow Mo-wan (2046). Avec ces playboys wongkarwaiens dont les femmes conquièrent chaque kilomètre, ils ne leur laissent pas oublier le souvenir de leur ancien amant. Aussi le des lèvres rouges à mourir (lèvres rouges à mourir) Je n’y peux rien. Ce qui permet de souligner qu’aux yeux de l’exégèse italienne des textes de Battisti le terme mort serait synonyme d’orgasme pour Mogol.
Tu reviens dans mon esprit/7h40 : En octobre Battisti sort son troisième et dernier single de 1969. Marqué une nouvelle fois par l’influence du psychédélisme, Tu reviens dans mon esprit s’applique également à la ligne de basse et aux breaks rythmiques. Le souvenir de la femme qu’il aimait est douloureux, celui d’un ange tombé en fuite. Avec son introduction et le rythme du C’est la même vieille chanson, 7 et 40 (19h40) pourrait ressembler à une chanson de rupture. Le narrateur demande à la femme qui part de mettre dans ses bagages tout objet susceptible de lui rappeler la femme qu’elle aime. Mais c’est peut-être la souffrance de la voir loin, un besoin (malade) d’être près d’elle en permanence.
Fleurs de pêcher roses/Il est - de mourir : Belle photo de groupe de juin 1970. Une paire de pics baptistes. Fleurs de pêcher roses puise sa force dans des arrangements et des pauses rythmiques parfaitement synchronisés avec les fluctuations émotionnelles du narrateur. Ce dernier revient rendre visite à son ex, en espérant recoller les morceaux. Elle a refait sa vie et lui, déçu, y retourne. Orgue en ouverture alors que l’espoir existe encore, guitare quand elle se présente, cordes qui viennent alors qu’il déclare à nouveau sa flamme…
Il est - de mourir c’est l’Everest du tandem Baptistes/Magnat. Une pièce qui ressemble à un ailleurs Armée des Sept Nations– d’un deuxième titre non officiel –Moto-. La voix pleine de fragilité Baptistes y augmente dans les notes aiguës sans accentuation. La partie instrumentale en est un bon exemple moins c’est mieux. La chanson commence par une guitare acoustique jouant un riff entendu dans un milliard de chansons de blues. La basse et la batterie n’arrivent qu’au bout d’une minute et demie. Et des cris angoissants précèdent l’arrivée d’une guitare électrique blues en fond sonore. Le narrateur est follement amoureux d’une femme qui est avec un autre homme. Juste pour une nuit avec elle, il est prêt à lui offrir ce qu’il a de plus précieux : un Moto, 10 CV (moto de 10 chevaux fiscaux). Un véhicule auquel on ne renoncerait pour rien au monde… sauf en cas de cas désespéré. « Cela me coûte une vie / Je la donnerais pour rien / Mais mon cœur est malade / Et je sais que j’irais mieux » (Ça m’a coûté toute ma vie, je n’y renoncerais pour rien au monde. Oui, mais j’ai mal au cœur, et ça me guérirait.)
Magnat Admettons que 10 chevaux fiscaux correspondaient à un modèle bas de gamme. Mais peu importe : le public a perçu ces mots comme si le narrateur lui offrait une Harley Davidson. La mort revient comme métaphore sexuelle (le titre). Et le plaidoyer de Ne dites pas : “Non” (Ne dites pas « non ») reste longtemps après avoir écouté. Un morceau qui explique sans doute l’admiration des rockers transalpins pour Baptistes. Car son sujet est celui d’une série de classiques du rock commençant par Elvis : Je veux ce que je ne peux pas avoir.
Émotions/Anna : L’autre single de 1970, en octobre. Peut-être Bowieadmirateur déclaré de Baptistesvu dans la course acoustique Émotioni, dans lequel Nature fait écho aux émotions du narrateur, un ton proche de ses pièces lentes et acoustiques du début des années 1970. Annac’est le souvenir de l’ex. Un ex forcément plus sympathique que celui dont le narrateur semble heureux. Car c’est aussi parfait que le souvenir. « Et le soir, il y a ceux qui / Ne peuvent pas me dire non / Qu’est-ce que je veux de plus ? / Tu as raison. / Qu’est-ce que je veux de plus ? / Qu’est-ce que je veux ? /Anne. / Je veux Anna. » (Je suis avec quelqu’un qui ne me dit jamais non. Qu’est-ce que je veux de plus ? Tu as raison. Qu’est-ce que je veux de plus ? Qu’est-ce que je veux ? Anna. Je veux Anna).
On peut être agacé par l’excès de chœurs féminins de style gospel au début. Mais la chanson compense largement le reste. L’explosion psychédélique du moment où le narrateur évoque ses étreintes sexuelles avec Anna. « J’ai dormi là / Dans ses cheveux / Moi avec elle / J’étais un homme / Combien de oui Elle a crié / Combien tu ne sais pas / J’étais un homme » (J’ai dormi ici, dans ses cheveux. Moi avec elle, j’étais un homme. Combien de “oui” elle a crié. Combien on ne sait pas. J’étais un homme.) Et après qu’un proche ait ralenti le rythme, l’accélération et la finale envolée qui accompagne le je veux Anna. Concernant la synchronisation musique/paroles, il faut aussi retenir la méthode de travail du duo : Baptistes composé et Magnat puis il a écrit les paroles.
L’album sera le premier album numéro un de Baptistes en Italie, revendiquant financièrement le pari mercantile de Enregistrements de souvenirs. Mais après tout le tandem Baptistes/Magnat il méritait sans aucun doute de l’avoir à ce stade de sa carrière Chapeau plein de vide à lui. Après tout, le public italien qui n’attendait pas la sortie de chaque nouveau single méritait également cet album. Enfin un album qui pourrait avoir un sous-titre La modernisation de la chanson italienne rencontre le changement de la dynamique romantique du pays à la fin des années 1960 méritait d’exister.
Ordell Robbie