Le président russe, du fait de son incapacité à défendre son allié syrien, a fait preuve d’une faiblesse militaire importante alors que son armée est toujours bloquée sur le front ukrainien. Pour plusieurs experts interrogés par BFMTV, la chute de Bachar al-Assad représente un coup dur sur le plan diplomatique et militaire pour Moscou.
Un tournant historique et la fin d’une dictature sanglante et indivise. 24 ans après son arrivée au pouvoir, Bachar al-Assad et sa famille sont contraints à l’exil face à l’avancée et à l’offensive spectaculaire des forces armées. rebelles islamistes radicaux de Hayat Tahrir al-Sham (HTS)notamment de l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda.
Alep, Hama, Homs… Depuis fin novembre, ces derniers ont rapidement conquis plusieurs villes du pays avant d’entrer dimanche dans la capitale Damas.
“Le monde entier a été surpris”
Ce renversement du régime marque une défaite pour Vladimir Poutine, le Kremlin s’étant montré incapable de défendre son allié syrien, malgré des dizaines d’attaques signalées ces derniers jours dans plusieurs endroits de la Syrie conquise par les rebelles.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a refusé lundi de confirmer la présence du dictateur syrien sur son territoire. “Le monde entier a été surpris par ce qui s’est passé (…) Nous ne faisons pas exception”, a-t-il également ajouté.
Pourtant, le théâtre syrien a été l’occasion pour Moscou, entre 2011 et 2015, de briller à nouveau à l’échelle internationale et de retrouver sa stature.
«Le soutien que la Russie avait apporté, sous la houlette de Vladimir Poutine, au régime syrien en 2015 dans la lutte contre Daesh avait marqué son retour sur la scène internationale, une sorte de volonté de puissance de la part de la Russie qui commençait à se manifester. exprimé à ce moment-là », explique Jean-Didier Revoin, correspondant de BFMTV à Moscou.
« Les Russes ont capitulé en rase campagne »
Cependant, ce soutien s’est progressivement estompé, pour devenir presque inexistant, à mesure que les rebelles islamiques progressaient rapidement à travers la Syrie. Un renoncement qui véhicule une image de forte faiblesse de la part du régime russe et de sa force militaire. « Concernant la Russie, nous sommes confrontés à quelque chose de vraiment ridicule », confirme Frédéric Encel, géopolitique spécialiste du Moyen-Orient, sur BFMTV.
“Voilà cette grande puissance qui est clairement incapable de mener une simple expédition sur un front secondaire face à des gens qui ne sont pas aujourd’hui la grande armée de Bonaparte en 1810. Les Russes ont capitulé en rase campagne”, répond-il.
Pour lui, l’affaiblissement de la Russie n’est pas si récent et coïncide avec le début du conflit ukrainien. « Il y a deux ans et demi, les chars russes ont échoué devant Kiev. Depuis, nous n’avons cessé de voir des signes de faiblesse dans cette armée qui, il y a seulement trois ans, était considérée comme la deuxième ou la troisième au monde”, ajoute-t-il.
Kiev, par la voix du chef de la diplomatie Andriï Sybiga, a également profité de cette situation pour critiquer la Russie, soulignant que « les événements en Syrie démontrent la faiblesse du régime de Poutine, incapable de combattre sur deux fronts et abandonne ses alliés les plus proches au profit de la Russie ». de son agression contre l’Ukraine.
Moscou n’a-t-elle plus les moyens de ses ambitions ?
À l’échelle internationale, l’incapacité de Vladimir Poutine et de la Russie à défendre le régime de Bachar al-Assad n’envoie évidemment pas de message positif. Pire encore, Moscou semble perdre progressivement du poids à la table des négociations internationales.
«La question qui se pose désormais pour Vladimir Poutine est la suivante: étant donné que Moscou n’est pas en mesure de soutenir et de venir en aide à son allié syrien, qu’adviendra-t-il des autres partenariats importants que la Russie tente de conclure, notamment en Afrique et dans d’autres régions? “Au niveau mondial, c’est la question de la crédibilité du soutien russe qui est remise en question”, indique Jean-Didier Revoin.
Depuis plusieurs années en effet, la Russie tente de s’implanter durablement sur le continent africain, notamment à travers la force Wagner, qui s’immisce progressivement dans la vie politique locale, notamment au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Mais l’image donnée ces derniers jours par Vladimir Poutine pourrait conduire certains dirigeants africains à reconsidérer leur collaboration avec la Russie, visiblement réticente à défendre ses alliés et qui ne semble créer des alliances que par pur opportunisme.
«La duplicité de Poutine s’est encore une fois exprimée lorsqu’il a ouvertement capitulé face à ses alliés arméniens en 2020 lorsqu’ils ont été attaqués par l’Azerbaïdjan, Vladimir Poutine n’a jamais vraiment soutenu Bachar al-Assad après 2016, et enfin Poutine est proche de l’Iran parce que l’Iran est capable de fournir avec ce qu’il n’a même pas, à savoir des drones suicides pour être utilisés sur le front ukrainien», précise encore Frédéric Encel.
Des points stratégiques bientôt perdus ?
Ce déclin de l’influence russe dans la région pourrait aussi s’illustrer par la perte des deux bases qu’elle possède dans le pays, la base navale de Tartous, qui remonte à l’Union soviétique, et cette base aérienne de Lattaquié, créée après son intervention en 2015. .
“C’est un affront à Poutine qui disposait de deux bases dans la mer chaude, une navale et une aérienne, qui lui permettaient de se projeter en Afrique depuis les côtes syriennes”, déclare Antoine Basbous, politologue et directeur de l’Observatoire des pays arabes. . .
Comme le précise RFI, ces deux bases constituent des atouts militaires importants pour le Kremlin et sont des « points d’approvisionnement essentiels pour les opérations militaires russes en Libye, au Sahel et en Centrafrique ».
« Les bases militaires russes sur le territoire syrien sont en alerte. Pour l’instant, il n’y a aucune menace sérieuse pour leur sécurité », a tenté de rassurer le ministère russe des Affaires étrangères. “La Russie est en contact avec tous les groupes d’opposition syriens”, assure la même Source.
Dix autres bases russes, beaucoup plus modestes, sont implantées à travers le pays, notamment à Palmyre et Deir ez-Zor. Peu d’informations sont disponibles sur leur situation actuelle.