Si un pays déclenchait une arme nucléaire, que se passerait-il immédiatement après son tir ? – Édition du soir Ouest-

Si un pays déclenchait une arme nucléaire, que se passerait-il immédiatement après son tir ? – Édition du soir Ouest-
Si un pays déclenchait une arme nucléaire, que se passerait-il immédiatement après son tir ? – Édition du soir Ouest-France

Depuis plusieurs mois, la dissuasion nucléaire occupe le champ lexical des médias et agite les relations diplomatiques. Même si la menace brandie par Vladimir Poutine reste aussi théorique que rhétorique, quelle procédure serait engagée si un pays décidait un jour d’utiliser l’arme ultime ? L’édition du soir révèle les dessous du protocole nucléaire.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine a évoqué à plusieurs reprises le spectre des armes nucléaires pour menacer les pays occidentaux. Il n’est pas le seul à invoquer cet argument hautement inflammable pour tenter d’influencer le rapport de force. En octobre 2024, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a déclaré qu’il n’hésiterait pas à recourir à l’arme atomique en cas d’attaque contre la Corée du Nord. Dès 2016, avant sa première élection, Donald Trump lui-même avait accru la pression sur la Russie. « Si nécessaire, il y aura une course aux armements. Nous surpasserons [nos ennemis] à chaque étape et nous y survivrons », il a insisté.

La rhétorique des chefs d’État autour de cette menace n’est donc pas nouvelle. Toutes les grandes puissances – dont la – l’utilisent pour tenir à distance leurs ennemis potentiels, selon le principe de « dissuasion nucléaire ». Ainsi, même si Vladimir Poutine a accru la pression ces derniers mois, la possibilité d’agir reste très improbable, selon François Géré, directeur de l’Ifas (Institut français d’analyse stratégique) et historien spécialiste de la stratégie nucléaire, interrogé par l’édition du soir. “Aucun gouvernement n’envisage sérieusement de s’engager dans une guerre nucléaire totale car cela serait mutuellement dévastateur, dit-il. Toute décision d’utiliser l’arme nucléaire n’est prise que dans le cadre d’une contrainte, de la réponse de l’adversaire. »

Mais que se passerait-il si, un jour, le dirigeant d’une puissance nucléaire décidait d’appuyer sur le bouton rouge, au terme d’une escalade incontrôlable ? Quel protocole suivrait-il ? Et quelle serait la réaction du pays ciblé ? Décryptage.

« Relations diplomatiques rompues »

Pour rappel, neuf pays disposent actuellement de l’arme nucléaire : la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine, le Pakistan, l’Inde, la Corée du Nord et Israël. La Russie et les États-Unis possèdent à eux deux environ 88 % de l’arsenal nucléaire mondial, selon la Fédération des scientifiques américains. Et dans la course aux armements, la Russie arrive en premier. Elle détient 5 580 ogives nucléaires (47 % du stock mondial) contre 5 044 pour les États-Unis.

Si le scénario cauchemardesque d’un pays déclenchant l’arme nucléaire devait se produire, une vague d’échanges diplomatiques aurait nécessairement été organisée au préalable. “Cela signifierait que les relations diplomatiques se seraient tellement détériorées qu’elles seraient rompues”, analyse François Géré. La décision de recourir à l’arme nucléaire ne sera donc pas vraiment une surprise. « Elle serait annoncée par toute une série de phénomènes affectant les États nucléaires et leurs alliés, sur le plan diplomatique et politico-stratégique. » L’escalade des relations diplomatiques atteindra son apogée au moment où le coup de feu sera ordonné.

Déterminer les conditions de l’ordre de tir

Avant que l’ordre lui-même ne soit lancé, il faudrait que le dirigeant du pays en question se prononce sur les conditions du tir. Quel missile tirer ? Combien ? Vers quelle(s) cible(s) ? Pour cela, les chefs d’Etat sont soutenus. « Dans toutes les puissances nucléaires, ils prennent conseil auprès de leurs conseillers diplomatiques et militaires, describes François Géré. Dans tous les États nucléaires, l’armée dispose d’une liste de cibles prête à l’emploi et d’un plan de bombardement nucléaire déjà en place. » Les cibles imaginées peuvent être de grandes villes, avec pour objectif de nombreuses pertes humaines, mais aussi des bases sous-marines ou des infrastructures militaires.

Une fois la ou les cibles identifiées et le ou les missiles choisis, le chef de l’Etat pourrait alors ordonner le tir. Lui seul peut le faire. Dans l’imaginaire collectif, il appuierait sur le fameux « bouton rouge ». La réalité est moins fantasmée mais tout aussi cérémoniale. La clé est un système de transmission. “Les transmissions électroniques permettant le déclenchement sont sécurisées par des codes d’accès et la clé de ces codes est détenue par le Président et son adjoint militaire direct”, assure l’expert en stratégie nucléaire.

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La procédure d’activation de la mallette nucléaire

En France, les codes nucléaires, qui se transmettent d’un président à l’autre lors de la passation du pouvoir, sont conservés dans une valise. Cette dernière le suit dans tous ses déplacements. La fameuse valise « est traditionnellement porté par un officier de marine. Elle est toujours avec le président, mais elle est rarement filmée. » a rappelé l’agence de presse britannique Reuters en 2023. “On ne sait pas vraiment si cette valise contient les codes mais c’est symbolique, c’est pour faire passer le message que le Président peut déclencher des armes nucléaires à tout moment”, specifies François Géré.

« Cette mallette est un système de communication électronique avec le poste de commandement central des forces stratégiques. Grâce à lui, le chef de l’État est en contact avec le centre de contrôle où se trouvent les stations d’activation d’armes nucléaires, elles-mêmes en contact avec les sous-marins nucléaires lance-missiles (SNLE). ) stratégique en patrouille. » Ainsi, l’activation du code par le Président sera immédiatement transmise au centre de contrôle, qui pourra déclencher le(s) missile(s).

Parallèlement, une cellule de crise peut être convoquée, aussi bien dans le pays tireur que dans le pays ciblé. En France, il se réunirait au « PC Jupiter ». Ce bunker installé dans les sous-sol de l’Élysée est capable de résister à une attaque nucléaire. C’est également le cas dans d’autres puissances nucléaires. « Au Kremlin, toutes les salles de réunion et de conseil, qui sont en surface, existent exactement de la même manière, à 300 mètres sous le béton du bâtiment. »

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Mise en œuvre très rapide

Tout cela va très vite », moins d’une minute », dit François Géré. Ensuite, il y a le - d’allumage du carburant, “ce qui prend trois ou cinq minutes”, Alors “l’ascension dans l’espace atmosphérique et le voyage extra-atmosphérique dure une quinzaine de minutes”, avant la descente, “entre trois et cinq minutes”. Dans le cas d’un tir effectué à environ 3 000 km de sa cible par exemple, il s’écoulerait une vingtaine de minutes entre le moment où l’ordre est donné et l’explosion de la bombe.

« Pourtant, il existe des missiles hypersoniques volant à des altitudes extrêmement basses, qui ont des vitesses entre dix et vingt fois supérieures à la vitesse du son. » Le 21 novembre, Moscou a tiré un nouveau type de missile hypersonique appelé « Orechnik » sur la ville ukrainienne de Dnipro. Dans la foulée, Vladimir Poutine a annoncé la production massive de cette nouvelle arme, marquant un pas supplémentaire vers l’avertissement de l’Occident. “Pour l’instant, ces missiles ne sont pas nucléaires”, indique François Géré. Mais ils sont conçus pour transporter une tête nucléaire.

De leur côté, les États-Unis continuent de procéder à des essais dans le cadre de leur sacro-sainte dissuasion nucléaire. Pas plus tard que le soir de l’élection présidentielle américaine, le 5 novembre 2024, les forces américaines ont tiré un missile non armé « Minuteman III » dans le Pacifique, rapporte-t-on. Le Figaro. Tout un symbole puisque Donald Trump, réélu président, sera le décideur ultime sur le programme nucléaire pour les quatre prochaines années.

Des systèmes de défense pour intercepter un missile

Face à une menace nucléaire, le pays ciblé aurait-il conscience qu’un missile est sur le point de frapper son territoire ? « S’il s’agit d’une arme balistique sol-sol, il existe dans l’espace des satellites de détection des lancements de missiles permettant d’identifier l’heure et le lieu d’où est parti le lancement. Grâce à l’analyse de sa trajectoire, nous pourrons identifier la cible. » A moins que ce missile “est tiré par plusieurs têtes nucléaires indépendantes qui, au lieu de cibler un endroit précis, peuvent tomber presque n’importe où jusqu’à 200 km de distance”, illustre l’expert en stratégie nucléaire. Si l’arme est tirée depuis un sous-marin, elle est également plus difficile à repérer rapidement.

Quant à l’interception de ces missiles, François Géré se montre pessimiste. « Les Américains développent une défense anti-missile mais les résultats, pour l’instant, sont très faibles et ne pourront apporter des solutions efficaces que d’ici vingt à trente ans. »

 
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