Lorraine de Foucher “aborde des sujets trop longtemps passés sous silence” comme les violences faites aux femmes, s’est félicité le jury : La plume du Monde a remporté mercredi le 86e prix Albert Londres, la plus prestigieuse récompense du journalisme francophone.
A 38 ans, la journaliste a été choisie pour ses reportages et enquêtes publiés dans le quotidien sur l’affaire des viols de Mazan, des femmes migrantes violées, des victimes de l’industrie du porno, des jeunes filles exploitées sexuellement à Perpignan et encore des tueurs à gages adolescents.
Le jury a rendu un vibrant hommage à cette pionnière : « elle aborde des sujets trop longtemps passés sous silence dans notre société » et « les traite avec curiosité, style et respect », avec une écriture « haute couture ».
Par ailleurs, le 40e prix de l’audiovisuel a été attribué à Antoine Védeilhé et Germain Baslé pour leur film « Philippines : les petits forçats d’or » (diffusé sur Arte), sur le travail des enfants dangereusement exploités.
Enfin, le 8e prix du livre a sacré Martin Untersinger pour « Espionner, mentir, détruire » (Ed. Grasset), une enquête sur les attaques dans le cyberespace.
Composé d’anciens lauréats, le jury a décidé, à contrecœur, de ne pas décerner les prix 2024 à Beyrouth, il y a deux mois, en raison de la guerre ouverte au Liban entre Israël et le Hezbollah. La cérémonie s’est donc tenue mercredi à Paris.
Albert Londres (1884-1932) est le père du grand reportage moderne. Le prix portant son nom fut décerné pour la première fois en 1933 et fut décerné à un certain Emile Condroyer pour ses reportages dans le quotidien Le Journal.
Quatre-vingt-onze ans plus tard, Lorraine de Foucher salue un « signal » envoyé avec son prix. “La violence masculine est un domaine nouveau” pour le journalisme et “c’est assez fort” de la reconnaître, “elle ennoblit le sujet”, a-t-elle déclaré à l’AFP, espérant qu’elle devienne “incontestable”.
– Nouvelles pratiques –
“Nous travaillons avec des victimes très marquées, il y a la question du traumatisme, de la gestion de l’émotion”, souligne le lauréat, qui évoque un exercice “spécial”.
Diplômée du Centre de formation des journalistes (CFJ) en 2011, Lorraine de Foucher a débuté au Monde en tant qu’indépendante en 2014, avant de devenir membre à part entière du département Société.
Elle avait très tôt participé à une cellule d’enquête au sujet des féminicides, qui avait notamment débouché sur la diffusion d’un documentaire choc sur France 2 en 2020 révélant une filière criminelle récurrente, dont elle était co-réalisatrice.
Egalement podcasteuse et écrivaine, Lorraine de Foucher avait déjà été présélectionnée l’année dernière pour le prix Albert Londres dans la catégorie audiovisuel, pour le documentaire “Philippines : le viol d’enfants en ligne, l’enfer derrière l’écran”, avec Jean-Baptiste Renaud.
Cette année, le jury a récompensé avec le documentaire d’Antoine Védeilhé et Germain Baslé sur « les petits bagnards d’or » des Philippines « une narration à la manière d’Albert Londres » et « une rare maîtrise de l’image qui marque les mémoires ».
Enfin, le jury a salué « l’enquête vivante, lucide et originale » de Martin Untersinger présentée dans son livre « Espionner, mentir, détruire », malgré le « sujet complexe et difficile » des cyberattaques.
Le prix du reportage audiovisuel a été créé en 1985 et celui du meilleur « livre d’enquête et de reportage » en 2017.
Les gagnants reçoivent chacun 5 000 euros.
Pour être éligibles au prix Albert Londres, les candidats doivent être francophones et âgés de moins de 41 ans.
La carte de presse n’est pas nécessaire pour concourir au prix, ouvert à tous types de presse (économique, politique, sportive, culturelle, etc.).
Les journalistes peuvent postuler à titre individuel : il n’est pas nécessaire d’être recommandé par un journal, une chaîne de télévision, une société de production ou un éditeur.
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