En Ukraine, les deux années de captivité et d’interrogatoires de Maksym Boutkevytch

En Ukraine, les deux années de captivité et d’interrogatoires de Maksym Boutkevytch
En Ukraine, les deux années de captivité et d’interrogatoires de Maksym Boutkevytch
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Maksym Boutkevych, militant ukrainien des droits de l’homme et membre de l’armée ukrainienne, libéré mi-octobre après deux ans de captivité dans une prison russe. À Kyiv, le 2 décembre 2024. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE »

Son corps porte encore quelques traces, presque imperceptibles, de l’épreuve que furent vingt-huit mois de captivité. On ressent une fragilité dans certains mouvements. Trois fois rien, comparé aux hommes qui reviennent brisés par la torture, certains enfermés dans le silence et les cauchemars, marqués à jamais. Ce qui frappe le plus, semble-t-il, chez Maksym Boutkevytch, c’est au contraire la vivacité de l’esprit, et une sorte de force tranquille.

Militant pacifiste et antimilitariste ukrainien, engagé dans la défense des droits de l’homme, des réfugiés et des migrants, Maksym Boutkevytch a rejoint, dès l’invasion russe, une unité de volontaires venue de Kiev, le 210e bataillon spécial « Berlingo ». Après l’échec des forces russes à Kyiv, le 210e est envoyé dans le Donbass. Le lieutenant Boutkevytch, « Moïse » par son nom de guerre, et huit hommes de son peloton ont été capturés le 18 juin 2022, près de Lyssytchansk.

En train d’être encerclés sur un poste d’observation, ils se retiraient à l’arrière, guidés par radio par l’éclaireur qui les avait amenés la veille. Soudain, alors qu’ils traversent le champ en courant, l’éclaireur leur ordonne de s’arrêter et révèle qu’il a été capturé par l’armée russe. Il les a attirés dans un piège sous la menace d’une exécution. Encerclés, dans le champ de vision de dizaines de soldats russes, ils ont rendu les armes.

Menaces de viol et de torture

Depuis leur libération le 18 octobre et la révélation des détails de leur histoire, les commentateurs s’enflamment sur les réseaux sociaux ukrainiens pour dénoncer un « trahison » de l’éclaireur, les plus sévères étant, comme souvent, les guerriers de fauteuil qui n’ont jamais connu l’épreuve du feu. « C’est la guerre… Je n’en veux pas du tout à cet éclaireur, un type bien que j’ai revu en prison, précise Maksym Boutkevytch. Et, en nous attirant dans ce piège, il a non seulement sauvé sa vie, mais peut-être aussi la nôtre. » Sans contact radio, dans une zone qu’ils ne connaissaient pas, les combattants seraient très probablement tombés dans une embuscade, sans aucune offre de reddition.

Une fois captif, Maksym Boutkevytch découvre le jeu pervers des officiers chargés des interrogatoires, les menaces de viol et de torture, les tentatives d’obtenir des aveux, les documents qu’il faut signer pour respecter d’obscures règles bureaucratiques, jusqu’à l’absurde.

Détenu dans la province occupée de Louhansk, annexée par la Russie en septembre 2022, il fut d’abord prisonnier de guerre, comme tous les combattants ukrainiens, puis, après avoir été condamné, en mars 2023, à treize ans de prison, par un tribunal, pour un « crime de guerre » prétendument commis à Sievierodonetsk, où il ne se trouvait pas à l’époque, il est incarcéré avec des criminels de droit commun. La seule constante est la visite régulière d’hommes cagoulés qui ne peuvent appartenir qu’aux services de renseignement russes.

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