Michel Barnier fait tapis. Nous pensions que cela ferait l’objet d’un vote. Le Premier ministre prend enfin ses responsabilités, en invoquant l’article 49.3 de la Constitution relative au projet de loi de sécurité sociale (PLFSS) 2025. « Sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, j’assume la responsabilité du gouvernement, de mon gouvernement, de l’ensemble du PLFSS. pour 2025», a indiqué lundi après-midi le locataire de Matignon.
“J’ai atteint le bout du dialogue avec toutes les formations politiques en restant toujours ouvert et à l’écoute”, a assuré le Premier ministre. “Nous sommes arrivés à l’heure de vérité qui met chacun face à ses propres responsabilités”, prévient-il, ajoutant : “J’assume les miennes”. Il présente l’alternative : avoir un budget de sécurité sociale et un budget ou « entrer en territoire inconnu ».
“Le gouvernement n’a en réalité fait qu’accepter notre demande”, affirme Marine Le Pen
Parallèlement, la gauche a annoncé le dépôt d’une motion de censure dont le texte dénonce la “politique d’austérité” du gouvernement. Le suspense ne dura pas longtemps quant à la position de la Marine. Quelques minutes après avoir pris la parole, Michel Barnier annonçait sa décision : « Ce texte, comme ce gouvernement, mérite la censure », a annoncé laconiquement le groupe RN sur X (ex-Twitter). Si la position de Marine Le Pen n’évolue pas dans les 48 heures, lorsque la motion de censure sera défendue, la combinaison des voix de la gauche et du RN fera tomber le gouvernement Barnier, qui n’a duré que trois mois, le plus court de la Ve République.
« Michel Barnier n’a pas voulu répondre aux demandes des électeurs du RN. Il a dit que chacun assumera ses responsabilités, donc nous assumerons les nôtres. Nous présenterons une motion de censure, et donc nous voterons la censure du gouvernement”, a confirmé à la presse Marine Le Pen, prête à voter une motion de gauche, qui est avant tout “une motion de censure du gouvernement”. gouvernement.”
« Nous sommes allés le plus loin possible en termes de négociations », assure l’ancien candidat à la présidentielle. Alors qu’il assure avoir “fait un pas” sur les cotisations sociales, “le gouvernement n’a en réalité accepté qu’une de nos demandes”, affirme Marine Le Pen, sur les médicaments.
« Le gouvernement subira la censure mais aussi le déshonneur. Parce qu’ils n’ont négocié qu’avec l’extrême droite”, dénonce le leader des sénateurs PS Patrick Kanner au micro du Sénat public. « Le chaos a une origine politique. Nous avons un président de la République qui depuis le début de son quinquennat méprise le Parlement”, ajoute le sénateur communiste Pascal Savoldelli, envers qui “le président a une très lourde responsabilité”.
Points de contrôle finaux
Si aujourd’hui son sort semble scellé, le Premier ministre a en réalité multiplié ses engagements auprès du RN. Après un entretien téléphonique avec Marine Le Pen ce matin, le Premier ministre a annoncé dans un communiqué qu’« il n’y aura pas de remboursement des médicaments en 2025 en application du PLFSS », une des lignes rouges du RN. Une autre ligne rouge, la suppression de la hausse des taxes sur l’électricité, a été acceptée dans le PLF (loi de finances). Le Sénat a voté en ce sens la semaine dernière. La majorité sénatoriale a également renoncé dimanche à l’augmentation de la taxe sur l’essence, autre point de difficulté.
En réalité, une dernière question subsistait : celle des retraites. « Nous avons présenté un amendement sur la renonciation à la désindexation des retraites. C’est au gouvernement de l’accepter ou de ne pas l’accepter », déclare Marine Le Pen, peu avant d’entrer dans l’hémicycle. Le gouvernement avait déjà accepté de diviser par deux les retraites. Le premier ministre serait-il prêt à aller plus loin ? Dans son discours, vers 15 heures, Michel Barnier n’a donné aucun signal en ce sens, confirmant certainement la décision de la Marine, annoncée quelques minutes plus tard.
Le chef de la Marine a tenu bon jusqu’au bout. Lors de la réunion avec les présidents des groupes de base commune, à Matignon, peu avant 14 heures, où le Premier ministre a annoncé le recours au 49.3, Michel Barnier a reçu un nouvel appel de… Marine Le Pen. Il lui a demandé de revenir sur la désindexation des retraites.
Pour Hervé Marseille, présent à la réunion en tant que président du groupe Union centriste au Sénat, il ne faut pas tout abandonner au RN. « À un moment donné, il y a un budget à construire. […] Il faut équilibrer ce budget, répondre au besoin d’économies vers l’Europe. […] Il faut savoir comment arrêter la dispute. […] Nous ne respecterons pas tous les jours les injonctions de Marine Le Pen. […] A un moment donné, on ne peut pas faire la politique de la France”, dit le président de l’UDI au micro de Public Sénat.
“Julius Le Pen prouve que c’est elle qui décide”
Peu avant le début de la séance, à 15 heures, le président du groupe EPR (Renaissance), Gabriel Attal, de retour de Matignon, entre dans la salle des Quatre Colonnes. « C’est un moment sérieux. Ce qui est en jeu à la Chambre fait partie de l’avenir du pays. Et le quotidien immédiat des Français. […] La France a besoin de stabilité. J’invite tout le monde à être à la hauteur de ce moment », a déclaré en vain l’ancien Premier ministre. Dans la matinée, un autre leader de la majorité ne croyait pas que le leader d’extrême droite était prêt à appuyer sur le bouton. “Je pense que Marine Le Pen ne va pas censurer, que c’est un énorme bluff”, a déclaré la députée, estimant que la députée RN n’était pas prête “à créer le chaos”. Il précise cependant qu’« à Matignon, ils sont très inquiets… »
On savait que le gouvernement Barnier était sous l’épée de Damoclès, grâce à la bonne volonté de la Marine. Sauf surprise de dernière minute, nous y sommes, certainement plus tôt que beaucoup ne l’imaginaient. Un ancien ministre macroniste, qui n’a pu qu’observer la situation, a comparé la semaine dernière Marine Le Pen à un certain empereur romain. “C’est César”, dit-il, “j’espère que Barnier résistera”. Cela dépend de Julius Le Pen.” Il a lui-même décrit ainsi le pouvoir du manager du RN : « On retrouve le péché originel de ce gouvernement, qui dépend de Marine Le Pen. Il a son pouce au centre. Il décidera au dernier moment s’il doit lever ou baisser son pouce. Cela montrera que c’est elle qui décide. C’est horrible.