A la cour d’assises de Grenoble,
“Oh mais Tandem est là aujourd’hui !” « . Dès son entrée dans la petite salle de la cafétéria, le petit chien attire déjà tous les regards et déchaîne de larges sourires sur tous les visages. Pour être honnête, il est difficile de résister à son visage embrassant. Paupières légèrement baissées, yeux expressifs, fourrure soyeuse… Le Golden Retriever est devenu « la mascotte », voire « la star » de la cour de Grenoble.
« Nous sommes heureux quand il arrive. Apporte de la sérénité. Il est très calme. Il a un côté bon enfant, un peu projeté. C’est l’amour», raconte une jeune femme pendant sa pause déjeuner. Allongé en position grenouille, le chien se lève rapidement pour demander des caresses. « N’en profitez pas pour regarder dans les sacs », s’amuse l’employé en le récompensant d’un baiser, tandis que Tandem, au nez attentif, sent les odeurs émanant de son contenant alimentaire.
“Sa présence les rassure”
Dans les bas-côtés ou les couloirs du tribunal, tout le monde a l’habitude de le voir. Car depuis un an le Golden Retriever a une mission bien particulière : assister les victimes lors des procès. Mais aussi lors d’audiences dans les bureaux du juge d’instruction ou du juge des enfants, ou encore dans les commissariats. Depuis le début du procès de Ludovic Bertin, jugé pour le meurtre de Victorine Dartois et le viol d’une autre jeune femme, le chien est amené au tribunal presque chaque jour. Tenu en laisse, il accompagne les parties civiles dans la salle d’audience, assiste au déroulement de la procédure, allongé calmement à leurs pieds ou à côté d’elles.
« Sa présence les rassure », explique Grégory Boissieux, l’un des représentants de Tandem et avocat de France Victimes Grenoble. « Au contact, votre fréquence cardiaque diminuera. Cela génère moins de stress et c’est prouvé. Même les professionnels comme les magistrats me disent qu’ils sont différents lorsque Tandem est dans la salle. »
Mais ne pensez pas que le chien soit « une peluche dans un coin », non. « C’est lui qui va voir les gens. Il fait confiance à son intuition, il sent quand ils en ont besoin », explique Grégory Boissieux. Et de citer en exemple la fois où un homme, victime de violences conjugales, s’est présenté devant les gendarmes le visage fermé. «Tandem s’est levé, a fait le tour du bureau pour venir vers lui et a posé sa tête sur ses genoux. Trente secondes plus tard, ce monsieur fondit en larmes. Le fait que le chien s’approche de lui a déclenché une libération émotionnelle.”
Famille d’accueil et formation près de Lyon
Pour apaiser et soutenir les victimes, le petit chien a suivi un dressage particulier avant d’être confié à France Victimes Grenoble, qui l’avait sollicité en 2021. Le chien, acheté chez un éleveur à l’âge de deux ou trois mois, est dans un premier temps élevé en famille d’accueil. . « Cela nous permet de le tester dans son environnement complet et auprès de différents publics », précise Grégory Boissieux. Il a ensuite été envoyé pendant plusieurs mois dans un centre de la Fédération Handi’Chiens à Marcy-l’Etoile, près de Lyon. Il y a appris 57 « commandes », comme aboyer d’un simple geste de la main ou se lever pour ouvrir une porte. Mais Tandem a bénéficié de cours accélérés. « Nous attendions un Labrador qui a été abattu à cause d’un problème à la hanche. Il devait apprendre plus vite. Habituellement, les chiens sont dressés pour être opérationnels dès l’âge de 2 ans. Il a commencé à travailler à 18 mois. On dit généralement qu’on lui a fait rater un cours», s’amuse son conseiller de vie.
Aujourd’hui le chien respecte un horaire précis, “sauf demande particulière”. Les lundis et mardis sont dédiés aux besoins de l’association. Le mercredi est traditionnellement son jour de repos. Les jeudis et vendredis, Tandem intervient à l’accueil pédiatrique de l’Enfance en Danger du centre hospitalier de Grenoble. « Nous nous adaptons en fonction des besoins des victimes et des circonstances. Là, dans le cadre de ce procès qui dure deux semaines, Tandem comparaît en exclusivité devant le tribunal”, explique Grégory Boissieux. Et le soir, il rentre chez lui sereinement. Trois conseillers de vie s’occupent de lui, un peu « comme une garde partagée ». « Nous avons chacun le même tapis pour pouvoir dormir dessus. Mais il ne semble pas traumatisé », sourit l’homme en lançant au chien un regard complice. La preuve ? Se frottant le dos au tapis du couloir, le petit chien écarte déjà ses petites pattes, attendant malicieusement qu’il vienne se gratter le ventre.