6 ans après, ni oublié ni pardonné – ???? Info Libertaire

C’est le genre d’anniversaire qu’on préfère ne jamais célébrer. Aujourd’hui 1er décembre, cela fait 6 ans que Mme Zineb Redouane, 80 ans, a été assassinée par une balle de gaz lacrymogène dans la tête. 6 ans que la famille attendait que la justice daigne bouger le petit doigt. Cette semaine, on a appris que le policier responsable de la fusillade a été mis en examen pour « homicide involontaire », 6 ans après les faits. Une justice à deux vitesses.

Rappel des faits. Nous sommes le 1er décembre 2018. Le soulèvement des Gilets jaunes balaie le pays. Et à Marseille, la colère gronde suite à l’effondrement d’immeubles insalubres qui a coûté la vie à plusieurs habitants. Des milliers de personnes manifestent pour la dignité, contre le mal-logement, et sont rejointes par le cortège des Gilets jaunes. Sur la Canebière, c’est un affrontement. Charges, grenades : Zineb Redouane, octogénaire, ferme la fenêtre de son appartement du quatrième étage, pour se protéger du gaz. Elle reçoit alors une grenade lacrymogène, d’un coup droit et dans la tête. Elle est très grièvement blessée au visage. Zineb Redouane est décédée le 2 décembre à l’hôpital.

Le ministre de l’Intérieur affirme que le décès de la victime n’a pas été causé par la police. Or, l’unité CRS à l’origine de la fusillade va refuser de faire examiner ses armes : une entrave à l’enquête. Des pratiques ouvertement mafieuses. Plus grave encore, on apprend que la police a immédiatement « nettoyé » la scène du crime, allant récupérer les projectiles directement dans l’appartement de Zineb Redouane, alors mourante. Tout aussi choquant, le procureur en charge du dossier était du côté des CRS qui ont tiré au moment des faits ! Une photo prise le 1er décembre montre ce magistrat habillé en tenue de ninja aux côtés des lignes de police. L’homme en charge du dossier a donc été lui aussi au cœur de la répression.

Comble du cynisme, il avait accusé les mauvaises conditions de traitement de la victime à l’hôpital d’être responsables de sa mort… Il a depuis été écarté du dossier. Une enquête du groupe de travail Index permettra de prouver que le CRS a tiré vers la fenêtre en reconstituant précisément la scène. Le travail que la justice aurait dû faire a été réalisé par une ONG d’enquête indépendante.

Si une enquête est ouverte en 2018, le nom du CRS ne sera connu qu’en 2021. Depuis 2020, les pseudo expertises abondent pour blanchir le criminel. On apprend tour à tour que la fusillade était légale et que la mort de la victime était accidentelle. Puis une contre-expertise a conclu qu’un tir direct était interdit. L’IGPN revient sur l’hypothèse d’une fusillade réglementaire et demande une simple saisine du policier devant le conseil de discipline. En 2021, le directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux décide de ne pas en tenir compte.

Pour la défense du policier, « la fatigue », le « manque de visibilité », la « tension » et « la nécessité légalement établie de tirer ». Le tueur et son supérieur, « très bien notés », s’en sortent donc avec un vulgaire entraînement pour « rappeler les consignes en vigueur sur l’usage des moyens de défense ».

Rappelons que l’année dernière, des peines de prison ont été infligées à la volée à de jeunes rebelles après la mort de Nahel pour des faits aussi graves qu’un vol de canette. Mais la vie d’une femme musulmane dans un quartier populaire n’a aucune valeur pour ces gens. Il a également fallu des démarches auprès de la famille, une contre-expertise et la pugnacité d’un avocat pour que cette affaire ne soit pas enterrée.

L’État fera tout pour effacer la mémoire des défunts. Pour commémorer les trois ans de sa mort, une plaque au nom de Zineb Redouane a été posée dans la rue où elle habitait. Moins de 24 heures plus tard, la plaque était arrachée. Comme pour effacer toute trace. Le lendemain, la marche en hommage à Zineb Redouane était interdite par la préfecture.

En septembre 2024 donc, retournement de situation, les CRS sont mis en examen. « La justice savait dès le début qu’elle devait inculper ce policier, mais a manqué de courage face à toutes les pressions qui existaient dans cette affaire », déclare aujourd’hui l’avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou. Mais la qualification d’homicide « involontaire » porte encore la marque d’une logique d’impunité. À suivre.

Entre 1977 et 2022, au moins 861 personnes sont mortes des suites des actions des forces de l’ordre. C’est le chiffre qui devrait faire la une des journaux. Mais les chiffres ont des noms et des visages derrière eux. Zineb Redouane restera à jamais l’une d’entre elles.

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