En janvier dernier, la NASA officialisait la mort d’Ingenuity, le redoutable petit hélicoptère martien qui avait lancé à lui seul une nouvelle ère dans l’histoire de l’exploration martienne alors qu’il n’aurait dû être qu’une simple preuve de concept. Mais il ne s’agit pas de s’apitoyer sur son sort. La prochaine génération est déjà en marche, notamment à travers le programme Dragonfly, dont l’objectif sera de déployer un gros drone nucléaire sur Titan, l’une des lunes les plus intéressantes de Saturne. L’agence vient de dévoiler l’identité d’un acteur central de cette mission : SpaceX se chargera de la distribution de cette machine révolutionnaire.
Une machine inédite pour explorer Titan
La Dragonfly sera l’une des machines les plus ambitieuses jamais conçues par l’humanité. Pour commencer, ce sera bien plus gros que le petit Ingenuity. Alors que ce dernier pesait environ 1,8 kg, le châssis de trois mètres du Dragonfly pèsera plus de 400 kg – un véritable monstre en comparaison. Pour voler, il utilisera non pas un, mais huit rotors distincts qui lui permettront d’emporter une myriade d’instruments scientifiques de pointe.
Grâce à cet arsenal, elle se consacrera à l’étude de Titan, le deuxième plus grand du système solaire derrière Ganymède. C’est un corps céleste absolument fascinant, d’autant plus que l’on sait désormais qu’il est très riche en eau et en molécules organiques qui jouent un rôle central dans la vie telle que nous la connaissons sur Terre.
Malheureusement, on sait très peu de choses sur cet environnement. Le seul appareil à y avoir atterri, à savoir la sonde de la mission Cassini-Hyugens, n’était malheureusement pas équipé pour détecter les biosignatures. Une lacune que la NASA espère enfin combler avec le Dragonfly ; sa mission principale sera d’identifier d’éventuelles traces chimiques associées à des formes de vie passées ou présentes comme Perseverance, le compagnon du défunt Ingenuity, continue de le faire sur Mars.
L’énergie, un enjeu central
Cependant, s’il est déjà difficile de déployer un rover scientifique sur Mars, la logistique devient encore plus intimidante lorsqu’on parle d’une planète bien plus éloignée que la planète rouge. L’enjeu sera de faire en sorte que Dragonfly puisse fonctionner sur place le plus longtemps possible, mais c’est loin d’être évident à plus de 1,4 milliard de kilomètres de la Terre. Car à cette distance, il devient très difficile d’alimenter un véhicule avec l’énergie solaire.
A titre d’exemple, un panneau photovoltaïque situé sur Mars est environ 60 % moins productif que sur Terre, en raison de la plus grande distance qui le sépare de sa Source d’énergie. C’était déjà problématique pour Ingenuity, qui devait se contenter de vols de quelques dizaines de secondes avant de devoir passer beaucoup de temps à recharger ses batteries. Or, sur Titan, le rendement du même panneau solaire chuterait à environ 1% ! Lorsque l’on prend en compte la consommation d’énergie beaucoup plus élevée du Dragonfly dans l’équation, le problème devient presque insoluble… à moins d’exploiter une autre Source d’énergie.
Une charge délicate
Pour voler vers la lune de Jupiter, cet engin ne fera pas appel à l’énergie solaire. Il utilisera plutôt des technologies auparavant réservées aux rovers de surface, telles que Curiosity et Perseverance : un générateur thermoélectrique à radio-isotopesou RTG. Il s’agit d’un type de générateur conçu pour exploiter des matières radioactives, en l’occurrence plutonium 238. Cet élément fissile a une demi-vie de 88 ans ; en théorie, les 4,8 kg de plutonium emportés par le Dragonfly lui permettront donc de voler pendant de nombreuses années, à moins qu’un problème technique n’interrompe prématurément son aventure.
Mais lancer ce type de machines est loin d’être anodin. Il va sans dire que la NASA ne donnera pas une brique de plutonium à n’importe qui. Seule une poignée de machines certifiées, construites par des entreprises sélectionnées, sont éligibles. pour des raisons techniques et de sécurité. En effet, ils doivent être absolument exemplaires en termes de fiabilité et capables de s’autodétruire à bonne distance pour éviter une contamination radioactive de la Terre.
Cependant, tous les lanceurs actuellement certifiés pour lancer une charge utile aussi sensible sont soit à la retraite, comme la navette spatiale, soit en fin de vie, comme l’Atlas V de l’ULA. Il était donc temps pour la NASA de lancer le processus de certification des nouveaux véhicules.
Deux d’entre eux sont actuellement en lice : le tout nouveau Centaur Vulcan d’ULA, mais aussi le Falcon Heavy de SpaceX. En pratique, il était donc extrêmement probable que l’un de ces deux lanceurs hérite du contrat de lancement du Dragonfly, ce qui a été confirmé par la dernière annonce de la NASA. Dans un récent post, l’agence américaine a annoncé que son choix s’était porté sur SpaceX ; Cet engin révolutionnaire de 3,3 milliards de dollars partira ensuite à la conquête de Titan à bord d’un lanceur Falcon Heavy.
Cette formalisation représente également un changement majeur dans le programme Dragonfly. Maintenant que l’identité de l’opérateur de lancement est connue, tout va s’accélérer, car les différents acteurs du programme vont pouvoir affronter les dernières étapes de développement. Il conviendra donc de garder un œil sur ce processus jusqu’au lancement prévu en 2028, avant que l’engin ne se lance dans un long voyage de 6 ans qui donnera sans doute lieu à l’une des missions spatiales les plus passionnantes de l’histoire. L’héritage de l’ingéniosité est assuré !
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