Interrogé par un lecteur, le journal a voulu vérifier à la Source un constat selon lequel les cas de violences conjugales et d’agressions sexuelles semblent se multiplier. Après vérification, c’est unanime, il n’y aurait pas plus de violences, mais plus de dénonciations.
« On constate une explosion des demandes depuis la pandémie, les nombreux féminicides et l’arrivée des tribunaux spécialisés. Mais y a-t-il une augmentation de la violence, ou est-elle davantage dénoncée ? », demande Véronique Mercier, responsable des communications du Havre l’Éclaircie, qui soutient les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants.
Notamment, cette année, l’organisation a enregistré un taux d’hébergement de 111 %, un sommet historique. Toutefois, Mme Mercier sait que le langage a évolué. « Avant, les femmes ne se reconnaissaient pas toujours dans le terme de violence domestique. On parle maintenant de relations toxiques, de signaux d’alarme, etc. Les femmes et les adolescentes se reconnaissent davantage », dit-elle, soulignant que Havre l’Éclaircie sensibilise beaucoup plus que par le passé, dans des milieux différents.
« La violence s’installe de manière très sournoise. Il faut y voir une série de stratégies et d’actes de contrôle sur autrui. La violence n’est pas seulement physique, mais aussi psychologique, verbale, sexuelle et économique. On parle aussi de contrôle coercitif pour tout ce qui implique d’isoler, de surveiller, de contrôler, de menacer, de harceler la victime », dit-elle, consciente qu’il est souvent très difficile de sortir d’une relation conjugale. , alors que les stratégies de contrôle de l’ex-conjoint ont même tendance à se multiplier après la rupture.
Même constat à Jonction pour elle, qui est un refuge pour femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants.
« Les chiffres augmentent chaque année. […] Pour l’année 2023-2024, notre taux d’occupation est de 136%. Il faut rediriger les femmes vers d’autres foyers et vers SOS Violences Domestiques», informe sa directrice Sylvie Bernatchez, qui attribue également cette augmentation aux campagnes de sensibilisation menées pendant et après la pandémie.
« Les femmes les ont entendus et ont demandé de l’aide. […] Il faut prêter attention à toutes les manifestations de contrôle coercitif. Les violences domestiques commencent rarement par des violences physiques et certaines manifestations peuvent, prises une à une, passer inaperçues et recevoir une aide anodine. C’est leur répétition, jour après jour, qui finit par créer un climat de terreur parmi les victimes. Nous espérons donc que les victimes, mais surtout les professionnels, seront capables de reconnaître les manifestations et d’intervenir. »
«Les enfants et les adolescents sont de plus en plus sensibilisés à ce type d’infractions et osent plus porter plainte qu’à une époque», a déclaré Julia Richard, directrice adjointe et travailleuse sociojudiciaire d’Équijustice Beauce.
« Les principes concernant le consentement ont changé ces dernières années. L’accent doit être mis sur le fait que celui qui consent a aussi du plaisir. Si cette notion est absente de l’équation, il n’y a pas de consentement. En outre, le consentement peut être vérifié, il peut être demandé, il peut être validé. […] Il n’y a rien de « pas grave ». »
Du côté du Centre d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles (CALACS), Julie Houde, garde sociale et responsable des communications, est d’avis que les campagnes gouvernementales, ainsi que le mouvement #metoo lancé en 2017, ont permis à de nombreuses personnes de parler publiquement de leurs expériences et être entendus.
« Chaque situation est différente. Nous avons remarqué qu’il y a plus de personnes qui sollicitent nos services après avoir été agressées sexuellement alors qu’elles étaient en état d’ébriété avec l’une des drogues du viol. On constate également une augmentation des demandes de personnes ayant subi des agressions de la part de leur conjoint. Il y a aussi de plus en plus de situations liées au partage de photos intimes”, a-t-elle déclaré.
Il faut savoir que le nombre de personnes soutenues par l’organisme est passé de 97 à 133 entre 2004 et 2020. Ce chiffre a bondi pendant la pandémie pour atteindre 343 signalements en 2024.