Les Libanais vont reprendre leur souffle. Si les bombes ont continué de pleuvoir avec une intensité accrue sur Beyrouth ces derniers jours, une trêve entre Israël et le Hezbollah a été officialisée mardi soir, comme l’a annoncé Benyamin Netanyahou, après l’approbation expresse par son cabinet d'”un cessez-le-feu au Liban”. , dont la durée dépendra de ce qui se passera. […] Si le Hezbollah viole l’accord et tente de se réarmer, nous attaquerons. »
Il faut dire que la proposition de pause des hostilités, déposée par les États-Unis, conjointement avec la France, et qui prévoit théoriquement un arrêt des combats pendant 60 jours, arrive à point nommé pour nombre d’acteurs régionaux empêtrés dans un conflit, qui a débuté le 8 octobre 2023. Une bonne nouvelle, sauf peut-être pour la population palestinienne.
Comment Israël et ses alliés peuvent-ils bénéficier du cessez-le-feu ?
Après plus d’un an d’échanges de tirs et deux mois de combats terrestres au Liban, l’armée israélienne est épuisée. D’autant qu’il est également mobilisé dans la bande de Gaza depuis fin octobre 2023, date qui a marqué le début de l’engagement de quelque 350 000 réservistes qui ont répondu à l’appel à enfiler les bottes des militaires et à prêter main forte aux soldats. . « Cette trêve pourrait permettre aux citoyens israéliens mobilisés de souffler un peu, en attendant de nouvelles actions à venir », juge Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FEMS) et auteur de Tsahal : Nouvelle histoire de l’armée israélienne (Perrin). Les pertes commencent à peser sur le front. Dans un rapport publié début novembre, relayé par L’Orient de jourLe Hezbollah a affirmé avoir tué plus de 90 soldats israéliens et en avoir blessé plus de 900 depuis fin septembre.
Cette trêve permettrait aussi à Washington de montrer que les Etats-Unis ont encore une certaine influence diplomatique sur l’Etat hébreu. Pour le 47e président américain élu, il s’agit d’un coup de pub pour son retour au pouvoir en janvier. “Il montre qu’il est capable d’exercer une réelle pression sur Benjamin Netanyahu et son gouvernement, même si la trêve ne résoudra pas la situation stratégique dans la région”, explique Pierre Razoux.
Une aubaine pour l’Iran et le Hezbollah
L’idée d’un cessez-le-feu avec Israël était dans les tuyaux du Hezbollah depuis plusieurs mois, selon Hugh Lovatt, chercheur principal au programme Moyen-Orient et Afrique du Nord du Conseil européen des relations étrangères (ECFR). Et avec l’élimination de son leader Hassan Nasrallah en septembre ainsi que de nombreux dirigeants stratégiques, le groupe est fragilisé.
Bras armé de l’Iran, il ne peut plus être brandi comme une menace sérieuse contre Israël et a besoin de temps pour se reconstruire. C’est pourquoi l’Iran voit aussi dans ce cessez-le-feu une opportunité de prendre du recul pour mieux accéder au pouvoir, même si Netanyahu a affirmé que cette trêve lui permettrait de « se concentrer sur la menace iranienne ». La République islamiste n’a jamais voulu entrer dans une guerre frontale avec Israël et ce cessez-le-feu est un bon prétexte pour éviter de répondre à la dernière attaque sur son sol,
D’autant que « les dirigeants iraniens sont entrés dans une logique de dialogue avec les Américains et les Européens sur le programme nucléaire et les équilibres régionaux », constate Pierre Razoux. Cette pause dans les hostilités pourrait lui permettre de reprendre son souffle et d’avancer diplomatiquement.
Direction la bande de Gaza
Une trêve qui arrange tout le monde, ou presque. Dans la région, « les Gazaouis perdront un levier important pour négocier un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne », souligne Hugh Lovatt. Si les Etats-Unis, les Européens, voire le Qatar œuvrent depuis longtemps en faveur d’une trêve dans la bande de Gaza, Israël craignant une escalade régionale, si cette crainte disparaît, « il n’y aura plus de pression dans ce sens sur l’Etat juif ». » ajoute le chercheur.
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La population du territoire perd également des soutiens importants. Car si le Hezbollah continue d’afficher en apparence sa défense de la population palestinienne, en acceptant la trêve, en pratique il accepte la séparation des deux théâtres du conflit et le fait que la guerre à Gaza se poursuivra plus que jamais. Benyamin Netanyahu n’a pas caché ses intentions : « Quand le Hezbollah est hors jeu, le Hamas se retrouve seul. Notre pression va s’intensifier, et cela contribuera à la mission sacrée de libérer nos otages.
L’armée israélienne pourra entamer son virage sécuritaire sur le territoire « en tentant de fracturer Gaza, de créer des zones tampons, des couloirs et ainsi mieux contrôler le territoire », ajoute Hugh Lovatt, convaincu qu’Israël « envisage d’occuper la bande de Gaza ». » Le chercheur craint ainsi que Benjamin Netanyahu ne réponde aux ambitions de ses ministres les plus extrêmes en échange de leur soutien au cessez-le-feu, à savoir développer davantage les colonies israéliennes en Cisjordanie et ramener des colons à Gaza.