comment des combattants étrangers viennent grossir les rangs de l’armée russe, parfois malgré eux

comment des combattants étrangers viennent grossir les rangs de l’armée russe, parfois malgré eux
comment des combattants étrangers viennent grossir les rangs de l’armée russe, parfois malgré eux

Ils viennent de Corée du Nord, du Sri Lanka, du Yémen… De nombreux combattants étrangers soutiennent les soldats russes sur le front ukrainien. Certains disent qu’ils ont été recrutés de force.

L’uniforme est russe mais tous les hommes qui le portent ne le sont pas. Alors que la guerre en Ukraine fait rage depuis près de trois ans« les autorités russes sont confrontées au problème croissant de la reconstitution des pertes humaines subies sur le front »souligne le Centre d’études orientales (OSW), un centre de recherche polonais. Le recrutement de combattants étrangers fait partie des solutions adoptées par la Russie. Mercenaires attirés par les salaires élevés, migrants enrôlés de force, hommes répondant à une offre d’emploi trompeuse, mais aussi soldats envoyés par des alliés, comme la Corée du Nord… Moscou utilise diverses stratégies pour accroître ses effectifs sur le front.

Résultat : des milliers d’étrangers ont déjà grossi les rangs de l’armée russe depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février 2022. « citoyens de Cuba, du Népal, de Syrie, de Serbie, d’Afghanistan, de Somalie et de Malaisie »a répertorié l’OSW en février. Mais aussi des hommes venus d’Inde, du Yémen ou d’Afrique centrale, selon les enquêtes des médias internationaux.

Pour Moscou, le renouvellement des troupes est “si urgent qu’une série de lois visant à réglementer l’enrôlement [des étrangers] ont été promulguées au cours des deux dernières années.rappelle le centre de recherche polonais. En septembre 2022, Vladimir Poutine a signé une loi permettant aux étrangers de demander la nationalité russe après un engagement d’un an dans l’armée, dont six mois sur le front, contre cinq ans de résidence sur le territoire russe requis auparavant. Le président russe a alors assoupli les termes du contrat, supprimant l’obligation de servir sur le champ de bataille.

Tandis que certains étrangers clandestins étaient attirés par la promesse d’obtenir un passeport russe, d’autres étaient recrutés de force. Les autorités « leur a laissé entendre que le service militaire pouvait les épargner de l’emprisonnement ou de la déportation »expose l’OSW. Les étrangers en situation légale ne sont pas à l’abri d’une telle manœuvre, analyse Yana Gelmel, avocate et défenseure des droits des détenus. « Des accusations fictives privent les migrants de leur titre de séjour. Leur seule chance de rester dans le pays est d’être naturalisés, ce qui les oblige à s’engager dans l’armée. »explique-t-elle à Slate.

Des hommes ont également été recrutés hors du territoire russe, certains expliquant avoir été piégés. Anil Madushanka, un Sri Lankais de 37 ans, a quitté la banlieue de Colombo, la capitale de son pays, pour la Russie après avoir reçu une offre d’emploi, celle de « simple conducteur ». “C’est pour ça que j’y allais”raconte-t-il à 2. L’homme qui le contacte, ami d’ami selon ses propos, l’assure : « Vous voulez un visa de chauffeur, je vous le donnerai. Je sais très bien que tu ne sais pas te battre à la guerre, tu seras juste un chauffeur »dit le Sri Lankais. Il est finalement envoyé sur le front ukrainien pendant 50 jours avant de déserter.

Un mécanisme bien huilé, selon Petro Yatsenko, porte-parole des renseignements militaires ukrainiens. “Les Russes leur promettent souvent des emplois dans les entreprises, et lorsqu’il s’agit de servir dans l’armée, ils disent qu’ils ne seront déployés que dans l’arrière-pays”a-t-il expliqué à Deutsche Welle en février. En Inde, près d’une vingtaine de jeunes hommes ont été attirés par des emplois bien rémunérés, notamment via la chaîne YouTube « Baba VLogs », rapporte la BBC. « On nous avait promis un salaire de 150 000 roupies par mois [environ 1 700 euros]. On ne nous a pas dit que nous étions enrôlés dans une arméedit l’un d’eux.

« Même si le nombre de soldats ainsi recrutés est difficile à estimer, le lancement de ce processus indique que l’armée continuera à recruter de la « chair à canon » »écrit l’OSW. Le terme est approprié, d’après les témoignages d’enrôlés ayant depuis quitté le front. Sur le champ de bataille, les Russes « a envoyé les Sri Lankais en premier. (…) Derrière nous, il n’y avait personne d’autre”assure Anil Madushanka. « Ils nous ont tous mis devant. Nous étions les boucliers des soldats russes restés derrière nous. »se souvient, interrogé par France 24, Suman Rai, un Népalais qui a servi moins d’un mois dans l’armée russe. Selon un décompte de la BBC, 254 ressortissants étrangers sont morts au combat entre février 2022 et décembre 2023.

« Les bombes, les explosions sont arrivées. Ils étaient partout. Donc les soldats sri-lankais sont morts, ils sont morts sur le coup. »

Anil Madushanka, Sri Lankais enrôlé dans l’armée russe

à France 2

De quoi provoquer l’ire des pays d’origine. Colombo a demandé à Moscou le rapatriement de 455 Sri Lankais partis combattre aux côtés de l’armée russe et d’une dizaine de prisonniers de guerre du côté ukrainien. Le Népal, de son côté, a interdit à ses ressortissants de travailler en Russie et en Ukraine pour décourager les départs. Au moins 12 personnes ont été arrêtées pour avoir envoyé des hommes se battre. “Nous n’avons pas d’accord avec la Russie et avons exigé le retour immédiat” des citoyens népalais, a déclaré à l’AFP le ministre des Affaires étrangères du pays. Quant aux autorités indiennes, elles ont déclaré : “Nous exhortons tous les ressortissants indiens à faire preuve de prudence et à rester à l’écart de ce conflit.”

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Des manifestants manifestent près de l’ambassade de Russie à Colombo, au Sri Lanka, le 4 juin 2024, pour obtenir le rapatriement des soldats sri-lankais enrôlés en Russie. (ISHARA S. KODIKARA/AFP)

Le recrutement se fait aussi parfois sous la direction de forces étrangères alliées à Moscou. C’est le cas des Yéménites, trompés par les rebelles Houthis, proches du Kremlin, révèle le Temps Financier. « La Russie a besoin de soldats et il est clair que les Houthis recrutent » pour eux, estime Farea Al-Muslimi, spécialiste de la région du Golfe, au quotidien britannique. « Le Yémen est un endroit où il est assez facile de recruter. C’est un pays très pauvre »ajoute-t-il. Les Yéménites partis pour la Russie disent Temps Financier qu’on leur avait promis un emploi bien rémunéré. Une fois sur place, grâce à une société liée aux Houthis, ils furent finalement contraints de rejoindre les troupes russes.

Dès le début de la guerre, la Russie a tenté « redéployer en Ukraine des unités syriennes ayant l’expérience de travailler sous les ordres russes afin de limiter les pertes russes »rapportait à l’époque l’Institut pour l’étude de la guerre. C’étaient des mercenaires déjà engagés « aux côtés d’entreprises militaires privées russes comme le groupe Wagner, y compris à l’étranger, ou dans des milices syriennes soutenues par la Russie »a précisé le groupe de réflexion américain.

Si cette stratégie de puisage dans le vivier de ses alliés n’est pas nouvelle, elle s’est accélérée ces dernières semaines avec l’arrivée d’environ 10 000 soldats nord-coréens sur le sol russe, selon les Etats-Unis. . Ces soldats sont envoyés directement par la Corée du Nord, alors que Kim Jong-un et Vladimir Poutine ont ratifié un traité de défense mutuelle qui comprend « aide militaire immédiate ». Selon le géopolitologue Ulrich Bounat, environ 1 500 de ces soldats nord-coréens feraient partie de « des unités mieux entraînées que la moyenne »a-t-il déclaré à franceinfo. Les autres, en grande majorité, seraient moins expérimentés et pourraient « se retrouver en première ligne ».

 
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