⚔️ Entre Vikings et science-fiction, Portal Games ose adapter Thorgal en jeu de société. Innovation ou sacrilège ? Un jeu qui divise.
FEP
PEF, alias Pierre-François en abrégé. Maître incontesté des jeux de société qui durent éternellement. PEF s’est lancé dans des jeux de stratégie complexes dès qu’il a pu tenir un dé entre ses mains. Ses favoris sont ceux qui impliquent de construire des empires et de comploter contre des adversaires tout en sirotant une tisane. Devise : « Si le jeu dure moins de deux heures, c’est une pause café ! » »
Thorgal
⚠️ Avertissement : Dans un souci de transparence envers notre communauté, nous tenons à préciser que cet article reflète notre opinion personnelle sur le jeu. Nous n’avons reçu aucune compensation de la part de l’éditeur du jeu. Nous avons acquis et testé le jeu de manière indépendantesans lien commercial avec son éditeur. Les critiques présentées ici représentent notre analyse honnête et impartiale du jeu, basée sur notre propre expérience.
Bref
- Une adaptation audacieuse de la bande dessinée culte en un jeu coopératif aux mécaniques innovantes
- Sept scénarios indépendants offrant chacun 90 à 120 minutes d’aventure
- Une expérience qui divise : brillante pour les uns, déroutante pour d’autres
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Il y a des projets qui font rêver les rédacteurs, et d’autres qui les réveillent en sueur en pleine nuit. L’adaptation de Thorgal entre sans doute dans les deux catégories.
Il y a des projets qui font rêver et d’autres qui donnent des sueurs froides aux éditeurs. L’adaptation de Thorgal, cette série culte qui enchante les lecteurs depuis plus de quarante ans, entre certainement dans la deuxième catégorie. Pourtant, Portal Games (Pixie pour la version française) s’est lancé dans l’aventure. Résultat ? Un jeu qui ne manque pas d’audace, même s’il bute parfois sur ses ambitions.
Thorgal. Viking, mais pas seulement
Soyons honnêtes, il a fallu beaucoup de courage pour aborder le monde de Jean Van Hamme et Grzegorz Rosiński. Comment retranscrire en carton et plastique la richesse d’une saga mêlant mythologie nordique et science-fiction ? La réponse de Portal Games surprend autant qu’elle intrigue.
Avant de parler de dés et de plateaux, revenons aux origines. En 1977, lorsque Jean Van Hamme et Grzegorz Rosiński lancent Thorgal dans les pages du Journal Tintin, ils sont loin d’imaginer qu’ils créent une saga qui s’étendrait sur plusieurs décennies. L’histoire de cet enfant des stars, recueilli par les Vikings après le crash de son vaisseau spatial, va vite captiver les lecteurs européens.
Ce qui fait la force de Thorgal, c’est ce mélange unique des genres. D’une part, la dureté et la violence du monde viking, parfaitement restituées par le style réaliste de Rosiński. De l’autre, des éléments de science-fiction et de fantastique qui surgissent au détour d’une page. Notre héros affronte à la fois des jarls assoiffés de sang et des civilisations venues d’autres mondes. Son origine mystérieuse – il est le descendant des Xargos, une race extraterrestre dotée de pouvoirs psychiques – ajoute une dimension supplémentaire à ses aventures.
Au fil des albums, on suit non seulement Thorgal, mais toute sa famille. Son épouse Aaricia, fille du chef viking qui l’a accueilli. Leurs enfants, Jolan et Louve, qui héritent chacun à leur manière des dons extraordinaires de leur père. Sans oublier la fascinante Kriss de Valnor, tantôt ennemi mortel, tantôt allié improbable, qui finira par avoir sa propre série spin-off.
La série compte désormais plus d’une quarantaine d’albums dans la série principale, sans compter les spin-offs. Une réussite qui s’explique par la richesse de son univers, mêlant avec brio mythologie nordique, légendes atlantes, voyages dans le temps et civilisations oubliées. Chaque album est l’occasion de découvrir de nouveaux aspects de ce monde où le fantastique côtoie la brutalité du quotidien médiéval.
Du tableau à la table
C’est cet héritage riche et complexe que Portal Games a dû apprivoiser pour créer son jeu de société. Comment transformer des histoires qui oscillent entre quête initiatique et space opera en mécanismes ludiques ? Comment capturer l’essence d’un personnage qui doit autant à Conan qu’à Luke Skywalker ?
La réponse du trio d’auteurs polonais – Joanna Kijanka, Jan Maurycy Święcicki et Rafał Szyma – est audacieuse. Plutôt que de se concentrer sur un seul aspect de la série, ils ont choisi d’embrasser sa diversité à travers sept intrigues indépendantes. Chacun explore une facette différente de l’univers de Thorgal : ici une aventure purement viking, là une confrontation avec des technologies oubliées.
Au coeur du jeu
Imaginez-vous autour de la table, le Livre d’Histoires entre les mains. Sept scénarios vous attendent – dix si vous misez sur la version crowdfunding. Chaque jeu promet 90 à 120 minutes d’aventure. Pas de longue campagne ici : chaque scénario se suffit à lui-même. C’est pratique pour les groupes qui ont du mal à se réunir régulièrement, mais avouons-le, on aurait aimé un fil conducteur plus cohérent. Non, Thorgal n’est pas en mode campagne.
Un mécanisme qui détonne
Là où Thorgal sort vraiment des sentiers battus, c’est dans son système d’actions. Oubliez vos habitudes de jeu coopératif ! Ici, chaque placement de token influence les possibilités de vos partenaires. Une sorte de tango stratégique où un geste mal placé peut compromettre les plans de toute l’équipe. C’est intelligent, c’est tendu et ça oblige à communiquer.
Et puis il y a ces fameuses tuiles polyomino. Un choix audacieux qui divise : brillamment intégré pour certains acteurs de notre table, complètement… hors sujet pour d’autres. Ces pièces de style Tetris gèrent vos blessures ainsi que vos mouvements. Original, certes, mais pas forcément ce qu’on attend d’une aventure viking…
Les appartements qui grincent
Parlons des points gênants. La carte de l’atlas, aussi belle soit-elle, devient vite un puzzle sur une grande table. Les daltoniens ont du mal avec les combinaisons rouge-vert, et les dés « givrés » de la version collector sont plus jolis qu’efficaces. Sans oublier ces figurines grises qui détonnent avec les illustrations flamboyantes du jeu.
Apprendre n’est pas non plus une promenade de santé. Trois livrets à digérer, des premiers scénarios qui vous bombardent d’informations… De quoi faire fuir les joueurs les moins motivés.
Le jeu trouve son rythme de croisière en solo ou à deux. Au-delà de cela, les temps d’arrêt s’accumulent et la planification devient un exercice d’équilibre. Thorgal peut vite devenir un « jeu de vaisselle ». Même si c’est un jeu coopératif. A noter également que la pression du temps omniprésente peut transformer un jeu détendu en une séance de stress collectif.
Thorgal : Le jeu de société, verdict
Portal Games a pris des risques, et ça se voit. Thorgal n’est pas le jeu parfait que certains (dont moi) espéraient, mais il a le mérite d’essayer quelque chose de différent. On a ici un jeu qui divise autant qu’il intrigue.
Les fans de coopération tactique y trouveront leur bonheur, tout comme ceux prêts à accepter une relecture ludique de leur série préférée. Pour d’autres, il vaut peut-être mieux attendre une hypothétique V2 qui corrigerait les défauts initiaux.
En attendant, Thorgal reste fidèle à son personnage : pas tout à fait d’ici, pas vraiment d’ailleurs, mais définitivement unique en son genre. Et si ce n’était finalement pas la meilleure manière d’adapter cette série pas comme les autres ?
Un pont entre deux mondes
Un peu à l’image de son héros qui a le cul entre deux chaises – entre étoiles et fjords – Thorgal version scénique peine à trouver ses marques. Le jeu brille par moments, c’est vrai. Mais pour chaque éclair de génie, il y a une décision créative qui fait sourciller.
Portal Games, l’éditeur polonais de la version originale, a joué gros sur celle-ci. Certains paris sont réussis, d’autres… pas vraiment. Résultat ? Un jeu génial, certes, mais bancal qui risque de diviser : les aventuriers en quête de fraîcheur pourraient tomber sous le charme, tandis que les puristes de la série et les traditionalistes préféreront passer leur tour.
Thorgal montre du potentiel, même s’il méritait plus de temps de développement. En attendant une hypothétique V2 qui rectifierait le tir, cette première tentative reste une curiosité intrigante. Est-ce que ça vaut le détour ? Peut-être – mais ne vous attendez pas à des résultats impeccables.
Nous avons aimé :
- Le système d’action qui vous fait jouer aux échecs version Viking
- Des illustrations qui feraient pleurer Odin lui-même de joie
- L’audace de sortir des sentiers battus (et des fjords habituels)
Nous avons moins aimé :
- Les silhouettes grises qui semblent sortir d’une journée sans fin
- La carte qui nécessite une loupe de détective
- L’absence de mode campagne (même Thorgal fait des pauses entre ses aventures)
C’est plus pour vous si…
- Vous aimez les défis coopératifs qui nécessitent plus de cerveaux que de biceps
- Les énigmes tactiques vous excitent plus que les lancers de dés
- Avez-vous toujours rêvé d’être un Viking venu des étoiles ?
Ce n’est probablement pas pour vous si…
- Vous pensiez que Tetris et les Vikings ne se rencontreraient jamais
- La perspective de lire trois livres de règles vous donne des sueurs froides
- Vous préférez les jeux où vous tapez d’abord, puis réfléchissez
Comme son héros, Thorgal le jeu de société navigue entre deux mondes : pas tout à fait un jeu d’aventure narratif « classique », pas vraiment un jeu de gestion et d’énigmes, mais définitivement une expérience unique qui mérite d’être jouée. Ou pas, et nous passons à autre chose. Personnellement, grand fan du comic, j’ai été plutôt déçu par son adaptation en jeu de société. Je m’attendais à plus, mieux.
⭐⭐⭐
Note : 3 sur 5.
- Label Dé Vert : Non. Pour en savoir plus sur le label Dé Vert, cliquez ici.
- Création : Joanna Kijanka. Jan Maurycy Święcicki. Rafał Szyma
- Illustrations : Frédéric Vignaux, Maciej Simiński
- Edition : Pixie Games pour la VF, Portal pour la VO
- Nombre de joueurs : 1 à 4 (beaucoup mieux à 1-2. Lent à 3-4)
- Âge recommandé : A partir de 14 ans (clairement pas moins !)
- Durée : 90 minutes par scénario
- Thème : Viking, fantastique, bande dessinée
- Mécanique principale : Dés, coopératif, scénario, polyomino. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeu, cliquez ici.
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