la vie de Protima, une petite brocante en Inde

la vie de Protima, une petite brocante en Inde
la vie de Protima, une petite brocante en Inde

Pour une enquête sur le circuit peu éthique de la friperie, « Envoyée spéciale » a suivi Protima, trieuse dans une usine de Kandla, dans l’ouest de l’Inde, tout au long de sa (double) journée de travail.

Pour une enquête sur le circuit mondialisé de la friperie, « Envoyé spécial » a franchi les frontières de l’Inde, plaque tournante du tri dans ce secteur. Le port de Kandla, à l’ouest du pays, reçoit des montagnes de conteneurs remplis de vêtements usagés. Ils arrivent ici uniquement pour être triés, puis repartent aux quatre coins du monde… d’où ils sont venus.

Avant de regagner les placards européens, ils passent par l’un des centres de tri de la zone économique spéciale, qui en compte une quinzaine. L’immense usine américaine de vêtements emploie 450 salariés pour traiter les 40 tonnes qui arrivent quotidiennement ici. Tout le tri est effectué à la main, le travail à la chaîne se déroule à un rythme soutenu. Derrière un tapis roulant, nous rencontrons Protima.

Protima a 37 ans et travaille déjà sur la ligne depuis une vingtaine d’années. Mais elle est heureuse que les Occidentaux jettent leurs vêtements, car cela lui donne du travail… Le sien consiste à ramasser les pantalons et les chemises de nuit qui passent sur le tapis roulant ; devant elle, sa collègue s’occupe des t-shirts et des shorts.

Un travail fastidieux et éreintant, dans une chaleur étouffante malgré les ventilateurs. “En restant éveillé huit heures, vous faites confiance à Protima mes pieds sont enflés. Parfois, je dois même arrêter de travailler parce que j’ai trop mal aux pieds ! A la pause tant attendue de 13 heures, les ouvriers n’ont que vingt-cinq minutes pour déjeuner, parmi les vêtements usagés qui servent de tapis.

Enfin, la sirène du soir retentit. A la fin de sa journée de travail, « l’Envoyé spécial » a suivi la jeune femme jusqu’à son village, à une trentaine de minutes de l’usine. Protima prend place dans le tuk-tuk, soulagée de pouvoir enfin s’asseoir.

Elle a vraiment besoin de repos, mais elle n’a pas droit à des congés payés. Les 400 roupies (environ 4 euros) qu’elle a gagnées aujourd’hui ne lui auraient pas été versées si elle n’était pas venue travailler. Pour trier nos vieux vêtements, elle touche un salaire mensuel de 80 euros qui ne suffit pas pour vivre. Heureusement, son mari, également ouvrier d’usine, reçoit un meilleur salaire, environ 200 euros par mois. De quoi permettre à la famille de s’en sortir, tout juste.

Avec leurs deux enfants, le couple vit dans une petite chambre louée 40 euros par mois. Un lit, une petite gazinière, quelques saris accrochés à un fil… Ici, on mange par terre, puis on dort au même endroit, après avoir lavé le sol.

Après huit heures de travail, une deuxième journée attend Protima : vaisselle, lessive, lavage des enfants, ménage, cuisine. «Je ne m’arrête jamais. Tant que je suis en vie, je travaille. Face à la caméra, Protima sourit vaillamment, mais cette vie lui pèse : “Je ne sais pas quoi faire, elle soupire. Mes parents étaient très pauvres. Je me suis mariée par amour et il était aussi très pauvre. Il faut donc travailler pour manger. Elle finit par confier son désespoir : « Parfois, je pense à mourir. Combien de sacrifices dois-je encore faire ? J’étais très jeune quand j’ai commencé à travailler. Mon corps ne suit plus. »

Extrait de « De très mauvaises frites ? un reportage à voir dans « Envoyé spécial » le 21 novembre 2024.

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