Il y a 20 ans, le pays commençait sa « Révolution orange », face à l’ombre du pouvoir russe.

En pleine guerre ouverte avec la Russie, l’Ukraine célèbre ce vendredi 22 novembre le 20e anniversaire de sa « Révolution orange », qui a permis, en 2004, l’annulation d’une élection présidentielle truquée. Ce mouvement pacifique historique était à l’époque le plus important de l’ère post-soviétique.

La couleur de la démocratie. Ce vendredi 22 novembre marque le vingtième anniversaire de la « Révolution orange » ukrainienne. Celui-ci visait à lutter contre l’ingérence russe dans le pays. Une commémoration au goût amer en pleine guerre ouverte contre la Russie.

Alors que les sondages donnaient le candidat pro-européen Viktor Iouchtchenko grand vainqueur de l’élection présidentielle du 21 novembre 2004, c’est le nom de l’actuel Premier ministre, soutenu par Vladimir Poutine, Viktor Ianoukovitch, qui a été annoncé vainqueur. par la commission électorale.

Le soir même, Viktor Iouchtchenko a appelé à un mouvement de résistance civile pour dénoncer les fraudes lors du vote. Des fraudes qui ont été confirmées par les observateurs de l’OCDE présents sur place.

Dans la nuit, 100 000 personnes se sont rassemblées sur la place de l’Indépendance, parée d’orange, couleur du parti « Notre Ukraine » de Viktor Iouchtchenko, devenu symbole de la lutte pour une démocratie ukrainienne indépendante de la Russie. Le lendemain, le nombre de manifestants présents dans la capitale avait atteint le cap des 300 000, puis 500 000 le 23 novembre.

La « Révolution orange » devient alors la plus grande manifestation pro-démocratie depuis la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Des milliers de personnes campent sur la place pendant de nombreuses semaines, permettant au mouvement de ne pas faiblir.

Iouchtchenko, symbole de l’indépendance ukrainienne

Lors de cette élection, deux visions de l’Ukraine se sont affrontées. Le premier, dirigé par Viktor Ianoukovitch, était soutenu par le président sortant Léonid Koutchma. Candidat du Parti des Régions, Viktor Ianoukovitch est pro-russe et profondément eurosceptique. Le deuxième est Viktor Iouchtchenko.

Ce dernier, qui fut Premier ministre sous Léonid Koutchma de 1999 à 2001, fut, à partir de 1993, gouverneur de la Banque nationale d’Ukraine et participa à la création de sa monnaie, la hryvnia (toujours en circulation). Une étape extrêmement importante pour l’Ukraine qui a retrouvé son indépendance après 69 ans de domination par l’URSS.

Viktor Iouchtchenko a rapidement gagné en popularité face à un président Koutchma sur le déclin. En effet, le chef de l’Etat ukrainien, qui avait prôné une reprise des échanges économiques avec la Russie lors de son premier mandat en 1994, a été éclaboussé par de nombreux scandales de corruption liés à Vladimir Poutine, président russe depuis 2000, lors de son second mandat.

Après son départ du gouvernement en 2001, Viktor Iouchtchenko est devenu le chef de Notre Ukraine, un parti d’opposition pro-européen au gouvernement en place. En vue de l’élection présidentielle de 2004, il a formé une coalition « Le pouvoir au peuple » avec l’ancienne vice-première ministre Ioulia Timochenko.

Quelques semaines avant le premier tour de l’élection, le favori a été victime d’un empoisonnement à la dioxine après un dîner avec le chef des services secrets ukrainiens. S’il a survécu, Viktor Iouchtchenko apparaît donc défiguré. Cette tentative d’assassinat était alors l’un des symboles des tentatives de déstabilisation russe lors du scrutin.

Une révolution soutenue par l’Union européenne

Principalement soutenue par l’ouest du pays, la « Révolution orange » a néanmoins été le théâtre de manifestations particulièrement symboliques. En effet, l’ancien gouverneur de Donetsk dans le Donbass, qui a su s’appuyer sur l’est du pays russophone et orienté vers la Russie, a dû faire face au ralliement des mineurs à la cause révolutionnaire.

Ces derniers, portant des casques orange, ont défilé dans les rues de Kiev pour exiger l’annulation du vote frauduleux.

Le président dont l’élection est contestée était initialement soutenu par son prédécesseur Léonid Koutchma, qui lui conseillait de maintenir la paix dans le pays en ne réprimant pas la « Révolution orange » par la violence. Leonid Koutchma a néanmoins changé d’avis et a soutenu l’annulation du vote pour rétablir le calme.

Isolé, Viktor Ianoukovitch n’est alors soutenu que par le président russe Vladimir Poutine. Le 3 décembre 2004, la Cour suprême s’est rangée du côté des manifestants en déclarant nulles les élections du 21 novembre précédent.

Une nouvelle élection est ainsi organisée et le 26 décembre 2004, Viktor Iouchtchenko est élu avec 51,9 % des voix.

Une influence russe toujours présente

Cependant, l’histoire a montré que la « Révolution orange » n’a pas mis fin aux problèmes d’ingérence russe en Ukraine. Durant son mandat, le président Iouchtchenko a été contraint de cohabiter avec son adversaire Viktor Ianoukovitch entre 2006 et 2007.

Ce dernier parvient finalement à être élu président de l’Ukraine en 2010. Il se heurte cependant à une très forte opposition en 2013 après avoir abandonné l’accord de coopération avec l’UE. Viktor Ianoukovitch a ensuite réprimé très violemment les manifestations, entraînant la mort de 80 personnes. Le 22 février 2014, il a été destitué par le Parlement.

De leur côté, les velléités d’indépendance ont repris en Crimée et dans le Donbass, déclenchant une guerre civile largement soutenue par la Russie. La situation s’est aggravée jusqu’à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 22 février 2022 et le déclenchement de la guerre entre les deux nations.

 
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