« Un « prix français » de l’électricité ferait baisser la facture »

« Un « prix français » de l’électricité ferait baisser la facture »
« Un « prix français » de l’électricité ferait baisser la facture »

Le discours sur la facture énergétique étant trop élevé, dans le programme d’un Rassemblement National (RN) qui vise à « Refaire de la France un paradis énergétique »s’inscrit résolument dans la série « c’est la faute de Bruxelles ».

La méthode promise semble simple sur le papier : « Trouvons d’abord un prix français de l’électricité en nous affranchissant des règles du marché européen de l’énergie. » Le rétablissement d’un prix de l’électricité française réduirait ainsi le prix des électrons de 30 à 40 %, selon le programme de Jordan Bardella.

Le marché européen est accusé de nombreux maux depuis le début de la crise énergétique. Alors que la France produit de l’électricité à bas prix grâce au nucléaire et à l’hydraulique (qui représentent l’essentiel du mix électrique national), le prix français de l’électricité est indexé sur le coût de l’électron soutiré aux centrales à gaz et à charbon de nos voisins, et fait monter en flèche notre facture.

Pour y remédier, il suffirait donc de tarifer l’électricité en fonction du coût de production français pour faire baisser les prix. Est-ce si simple ?

Assurer l’interconnexion

Rappelons d’abord comment se forme le prix de l’électricité. Cette énergie est très particulière car elle ne peut pas être stockée et la production doit toujours être égale à la consommation, sinon il y aura une panne généralisée. Ensuite, entre une éolienne, une centrale nucléaire, un barrage hydroélectrique ou une centrale à gaz ou à charbon, le prix de production varie grandement.

Pour parvenir au même prix et équilibrer le réseau, c’est donc à chaque instant l’unité disponible la moins chère pour produire un électron supplémentaire qui est sollicitée pour répondre aux variations de consommation.

Ainsi, en pleine nuit, lorsque la demande est faible, seuls les éoliennes et certains barrages fonctionnent. Puis, quand tout le monde se lève, allume son grille-pain, sa machine à café et que les TGV démarrent, les centrales nucléaires fonctionnent à plus forte puissance et les centrales à gaz brûlent du fioul pour alimenter le réseau.

C’est le coût de production de la dernière centrale appelée à équilibrer le réseau qui détermine le prix pour l’ensemble du marché, à chaque instant. Les règles du marché européen de l’électricité ont principalement consisté à étendre ces mécanismes à l’ensemble du système électrique européen.

Les réseaux sont largement interconnectés afin de réduire les risques de pannes, mais aussi d’optimiser l’utilisation du parc de production.

Les réseaux des différents pays sont en effet largement interconnectés afin de réduire les risques de pannes, mais aussi d’optimiser l’utilisation du parc de production. Pour permettre cela, lorsque la demande augmente dans un pays, l’installation disponible la moins chère peut être utilisée, quel que soit le côté de la frontière où elle se trouve.

Certes, mais pourquoi notre facture est-elle déterminée par le coût de fonctionnement des centrales à gaz allemandes, dont le prix de l’électron a suivi la flambée des prix du gaz sur fond de guerre en Ukraine, alors que 75 % de la production nationale est nucléaire et hydroélectrique ?

Déjà, les centrales à gaz ne sont pas si marginales dans le mix français (10 % de la production électrique en 2022). Surtout, la crise énergétique qu’a connue la France n’a pas été uniquement causée par la hausse du prix du gaz, mais aussi par l’effondrement de la production nucléaire du pays. Maintenance, problèmes de corrosion : plus de la moitié des centrales électriques françaises étaient indisponibles au plus fort de la crise énergétique.

En 2022, la production à partir d’atomes a chuté de 30 % par rapport à la moyenne des vingt dernières années. Et, pour la première fois depuis plus de quarante ans, la France a exporté moins d’électricité qu’elle n’en a importé.

Une approche biaisée

Autrement dit, à de nombreux moments de la crise énergétique, l’équilibre du réseau français a été maintenu grâce à l’importation d’électricité de nos voisins, et notamment d’Allemagne. Les volumes concernés ne sont pas négligeables, car les importations d’électricité représentaient 12 % de la consommation en 2022. L’Allemagne et la Belgique représentaient à elles seules 6,8 % de notre consommation.

Si le gaz a eu une grande importance pendant la crise, c’est parce que les centrales électriques au gaz ont joué un rôle majeur dans l’équilibre du réseau.

Toutefois, les sources thermiques (gaz et charbon) représentent toujours respectivement 41 % et 33 % du mix européen. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, le prix de l’électricité n’est pas indexé sur celui du gaz, mais sur celui de la dernière centrale appelée. Si le gaz a eu une grande importance pendant la crise, c’est parce que les centrales électriques au gaz ont joué un rôle majeur dans l’équilibre du réseau.

Prendre comme référence les coûts de production nationaux alors que le parc national n’est pas en mesure de répondre à la demande est une approche biaisée : d’une manière ou d’une autre, le gaz brûlé dans les centrales allemandes – qui a permis de tenir le réseau français – doit être bien payé.

La situation est différente aujourd’hui. Le niveau de production nucléaire a augmenté, réduisant ainsi pour l’instant notre dépendance au gaz, et le prix de ce combustible a baissé dans le même temps. En conséquence, le prix de l’électricité sur le marché de gros baisse également.

Rappelons également que la moitié de notre facture d’électricité est constituée de frais d’utilisation du réseau et de taxes. Le prix du KWh ne représente donc qu’une petite moitié de la facture. De plus, dans le tarif réglementé de l’électricité (tarif bleu EDF), le prix du KWh est composé des deux tiers de celui du nucléaire réglementé, qui est fixé et déterminé par la loi.

La part dépendant du marché ne représente donc qu’un tiers du prix du KWh. Espérer par ce biais des réductions de 30 à 40 % est donc illusoire. Le RN ajoute certes une réduction de TVA, de 20 à 5,5%, mais cette taxe ne représente que 15% du montant total de la facture.

Les règles du marché européen de l’électricité ne sont pas exemptes de critiques et ont d’ailleurs fait l’objet de réformes récentes. Mais ils sont loin d’être la seule cause des déboires subis par le système électrique français.

Retrouvez notre série « Les 10 principales contrevérités du Rassemblement national »

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Gabriel Attal promet une règle d’or budgétaire
NEXT Un succès pour la journée portes ouvertes des fonderies d’art