La mort sous la torture du docteur Adnan Al-Bursh semble avoir été récemment confirmée. Ce célèbre chirurgien de Gaza a été arrêté en décembre 2023 par l’armée israélienne à l’hôpital Al-Awda, où, comme tant d’autres, il se faisait soigner. Selon les sources disponibles, le médecin aurait été violé à mort par ses ravisseurs israéliens (« probablement violée à mort »selon Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU). Le témoignage d’un détenu qui a vu le bas de son corps exposé avant sa mort semble confirmer une pratique dont la légitimité est ouvertement débattue en Israël. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, UNRWA, a également fait état des violences subies par ses employés, alors que nos gouvernements ont décidé de suspendre le financement de ses activités, vitales depuis 1949.
Le docteur Adnan Al-Bursh aurait ainsi subi, pendant de longs mois, la violence d’un État et de ses agents, que les gouvernements du monde occidental ne cessent de soutenir. Mais regardons les faits. Regardons l’état dans lequel Muazzaz Abayat, un Palestinien de Bethléem, a quitté les prisons israéliennes : les yeux détruits, le corps radicalement brisé. L’image de cet homme, toujours vivant, laisse imaginer ce qu’il a pu subir. “J’ai la prison en moi” dit-il à ceux qui viennent à sa rencontre dans le lieu de soins où il a été reçu avant d’être, semble-t-il, de nouveau arrêté. Ainsi, la torture des détenus palestiniens se poursuit pendant le génocide de Gaza. Et le discours de la civilisation face à la barbarie est épuisé.
Si les opérations militaires à Gaza ne font pas plier ces gouvernements ; si, devant l’opinion publique, ces opérations peuvent encore être présentées comme justifiées par la nécessité d’éradiquer le Hamas, QUI justifiera la torture de ceux qui se retrouvent, impuissants, sous la garde de leurs bourreaux ? Ceux dont nous pouvons observer la condition individuelle. QUI osera dire qu’il est militairement nécessaire de les briser et de leur infliger ces souffrances pendant de longs mois ? Et alors, si ces faits sont confrontés, la réalité collective de Gaza émergera peut-être.
Car, comme l’a encore souligné Médecins sans frontières ces derniers jours, les Palestiniens – c’est-à-dire aussi les enfants de Palestine – ont, à Gaza, le choix entre « être tué en tentant de s’enfuir ou mourir assiégé chez lui ». Le génocide à Gaza, récemment attesté par un comité spécial de l’ONU, prend des formes particulières qui doivent être comprises et non minimisées. Ces formes sont d’abord le siège, c’est-à-dire le confinement dans l’espace de Gaza, dont les frontières terrestres, aériennes et maritimes sont entièrement contrôlées par Israël. C’est cet enfermement qui permet de priver des biens vitaux et ainsi de provoquer la mort lente que vise la Convention sur le génocide.
Une mort lente réclamée dès le 9 octobre 2023 par le ministre de la Défense Yoav Gallant pour le « animaux » qu’Israël combat : « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence destinées à entraîner sa destruction physique totale ou partielle » de l’article II (c) de la Convention sur le génocide de 1948. La mort lente est également infligée par la destruction de maisons et les ordres de déplacement, dans l’espace clos de Gaza, dont tout le monde sait désormais mais n’est pas sûr. Nous devons donc survivre, dans l’angoisse d’une prochaine grève, dans des tentes de fortune, entourés de déchets et de pauvreté. La mort lente, c’est aussi le manque de soins puisque les hôpitaux sont dévastés par les bombardements israéliens. Cette destruction progressive s’ajoute à la mort brutale provoquée par les mêmes bombardements massifs et sans précédent qui ont tué plus de 40 000 Palestiniens et laissé probablement plus de 10 000 d’entre eux dans les décombres.
Le génocide à Gaza prend des formes lointaines et technologiques, des formes de contrôle militaire des frontières et des ordres d’évacuation tombant du ciel. Elle prend aussi des formes concrètes qui sont pratiquées par les soldats israéliens servant à Gaza: les conducteurs de bulldozers qui aplatissent, semble-t-il, les tentes de réfugiés à proximité des hôpitaux, les exécutions sommaires apparemment pratiquées dans certains de ces hôpitaux, qui auraient été suivies, comme le rapporte l’ONU, par l’enterrement des corps dans des fosses communes finalement découvertes. La forme concrète aussi, en Israël, de l’humiliation puis de la torture infligée à ceux qui ont été arrêtés. Ce génocide révèle une négation de l’humanité d’autrui qui s’exprime dans la restitution de dépouilles non identifiées à Gaza, et dans la pratique de la torture jusqu’à la mort. Alors, souvenons-nous vraiment de Maurice Audin !
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