La mode est pour gémir depuis la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines. C’est vrai, l’année à venir sera difficile, le gouvernement que prépare le nouveau président sera encore plus extrême que celui de 2016. La situation en Ukraine risque de s’aggraver. Et la probabilité d’une guerre commerciale avec l’Europe et la Chine est très élevée. Une guerre qui va nous nuire puisque nous avons un excédent commercial avec les États-Unis.
Mais c’est un pessimisme presque pavlovien c’est quelque chose de très malsain. Mario Draghi a souligné dans son rapport que la compétitivité européenne est entravée par la multiplication des normes, une énergie coûteuse, une politique industrielle et numérique aux abonnés absents et une défense dans le flou. Cependant, paradoxalement, l’arrivée de Donald Trump et de son cabinet de combat pourrait être un puissant moteur pour provoquer des changements structurels que nous n’avons pas souhaité jusqu’à présent opérer en Europe. Ce qui pourrait à terme nous donner une position commerciale plus forte.
Nous ne disons pas que ce sera facile. Mais les incitations au changement sont plus fortes qu’auparavant. D’abord parce que la concurrence américaine, même si elle sera rude sur le plan tarifaire, pourrait être sérieusement affaiblie si les politiques annoncées étaient mises en œuvre. Une série de mesures devraient en effet bousculer l’économie outre-Atlantique et notamment les familles.
C’est à l’Europe de faire les bons choix, de profiter du doute sur les États-Unis pour rediriger ses économies errantes vers leur lieu d’origine.
Le danger pour les Etats-Unis pourrait venir de ce nouveau département pour l’efficacité du gouvernement, motivés par la fausse idée selon laquelle un État est géré comme une entreprise. Ce département sera codirigé par Elon Musk et son collègue Vivek Ramaswamy. Ils veulent économiser 2 000 milliards, soit 30 % du budget fédéral américain. Les seuls secteurs dans lesquels ils pourront exercer l’axe budgétaire sont les secteurs sociaux au sens large : santé, retraites, services sociaux et administration fédérale. Vivek Ramaswamy, lorsqu’il était candidat à la présidence, a même soutenu la suppression du ministère de l’Éducation, de l’administration fiscale et du FBI, laissant ainsi des dizaines, voire des centaines de milliers de fonctionnaires sans emploi. Pour l’économie américaine, les mesures soutenues par ces deux partenaires constitueraient un choc sérieux. Et la Covid nous a montré qu’une administration populiste est particulièrement néfaste en cas de crise grave.
Sur le plan énergétique, les États-Unis se sont équipés d’infrastructures pour l’exportation de gaz liquéfié, qui augmenteront à partir de l’année prochaine et qui ne seront rentables que si les Européens deviennent leurs clients. Nous pourrions en bénéficier en garantissant un approvisionnement en gaz relativement bon marché pendant toute la durée de la transition énergétique. Cela ne veut pas dire que nous devons abandonner nos efforts de décarbonation, mais cela nous donnerait le temps de nous organiser, pour éviter de répéter l’erreur que nous avons commise avec notre industrie automobile. Il en va de même pour l’industrie de défense : si la contribution financière américaine diminue, c’est à l’Europe de dépenser davantage, bien sûr, mais aussi de dépenser davantage « d’Européens » pour sa propre sécurité.
C’est donc à l’Europe de faire les bons choixprofiter du doute sur les États-Unis pour rediriger leurs épargnes errantes vers leur lieu d’origine : l’économie européenne. L’objectif est de réindustrialiser l’économie, de résoudre le problème énergétique et de reconquérir des parts de marché. A terme, la politique de Donald Trump pourrait nous aider à réaliser ces investissements massifs et rapides. Si cela réussit, alors nous pourrons dire : Merci, M. Trump. Mais en attendant, s’il vous plaît, arrêtons de nous plaindre.