Un mois après les inondations qui ont frappé la Loire et la Haute-Loire, quelles sont les solutions pour éviter que des dégâts similaires ne se reproduisent ? Tentative de réponse avec Hervé Cubizolle, géographe de l’université Jean Monnet de Saint-Etienne, en s’intéressant à la ville de Rive-de-Gier.
France Bleu Saint-Etienne Loire : pourquoi Rive-de-Gier a-t-il été particulièrement touché par les inondations ?
Nous sommes géographes, nous regardons des cartes, mais chacun peut aussi le voir sur une image aérienne, sur internet ou ailleurs. Et on voit que c’est une vallée très étroite et escarpée. Et dans cette vallée, vous avez tout. Vous avez la ligne ferroviaire, vous avez les routes, vous avez les maisons, vous avez les villes, les zones urbaines, vous avez les centres commerciaux, les centres industriels, les zones industrielles. Vous avez une concentration qui ne fait qu’augmenter. Quand on regarde les cartes à partir des années 1950, on occupe le lit de la rivière alluviale et les débordements de la rivière. Ainsi, lorsque vous êtes sur le site de l’inondation, vous êtes emporté par les eaux de crue. Alors évidemment, cela prend là des proportions dramatiques, car il y a tellement de personnes et d’entreprises implantées le long du cours d’eau que c’est forcément catastrophique.
France Bleu Saint-Etienne Loire : mais pourquoi cette ville, plus que les autres, est-elle frappée à chaque fois par des inondations ?
J’ai travaillé sur ces questions, mais pas particulièrement sur la vallée du Gier. Je ne suis pas un spécialiste, mais c’est la configuration géomorphologique et géographique. Nous sommes dans une vallée relativement abrupte, donc il y a un écoulement. Et parce qu’il y a une forte concentration de population et d’activité, les dégâts sont forcément importants. Comment le changer ? Je dirais que dans ces sociétés, nous devons cesser de croire qu’avec l’argent, la technologie et nos ingénieurs, nous construirons des développements qui nous protégeront de tous les risques naturels. Nous savons qu’avec le changement climatique, ces phénomènes deviendront plus fréquents et certainement beaucoup plus violents. Je suis désolé, mais la technologie peut certainement nous aider, mais elle n’arrêtera pas l’écoulement de ces masses d’eau colossales. Il y aura toujours un événement plus puissant que nous n’avions pas prévu. Et quand nous construisons des structures en le disant aux gens, nous vous mettrons en sécurité avec telle ou telle structure. Je trouve cela très dangereux car on leur fait croire qu’ils sont en sécurité. Alors évidemment, pour les petits événements, ils peuvent être sécuritaires, mais l’événement violent qui fait tout exploser sera encore plus dramatique. Alors, que devons-nous faire ? Je dirai quelques banalités. C’était dans une zone inondable. Nous devons avoir des plans qui permettent aux communautés de savoir où se trouvent réellement les zones dangereuses pour les éviter absolument. Et puis, je pense que nous devons entamer un processus qui prendra des décennies. Nous ne le ferons évidemment pas dans quelques années, mais au moins nous déplacerons les maisons. Parce que je crois qu’il y a aussi une dimension sociale dans ces catastrophes. Les gens qui construisent dans les plaines inondables sont en général issus de populations modestes. Ces gens sont donc dans une situation terrible. Quand on a de l’argent, on s’installe rarement au bord d’une rivière, on préfère faire du terrassement et s’implanter sur un versant bien exposé.
Comment faire en sorte que les habitants soient relogés, qu’ils ne vivent plus dans ces zones inondables, sans que cela n’entraîne pour eux des violences, c’est-à-dire sans finalement les chasser de là où ils vivent ?
Bien sûr, nous ne chasserons pas les gens. Quoi qu’il en soit, c’est un processus qui prendra des décennies. Je veux dire, c’est la direction que nous devons prendre. Ensuite il faudra voir localement, selon les sites et les régions, comment procéder. Par conséquent, s’installer dans une zone inondable présente plus d’avantages que d’inconvénients. Nous restons, acceptons le risque et reconstruisons ensuite. Et puis on continue. Mais quand les inconvénients deviennent plus importants que les avantages, on finit par déménager. Plus nous attendrons, plus la situation sera compliquée et dramatique.