Les missiles américains ATACMS que Kiev est désormais autorisé à utiliser pour frapper le territoire russe, peut atteindre des objectifs stratégiques. Avec une portée de 300 kilomètres, ils permettent de cibler les bases logistiques et les aérodromes russes, plaques tournantes essentielles des bombardements en Ukraine. « Jusqu’à présent, pour frapper les Russes, les Ukrainiens utilisaient des drones pouvant supporter des charges allant jusqu’à 30 kilos. Désormais, il s’agira de charges de 150 à 200 kilos, ce qui signifie que l’effet à l’impact est bien plus dévastateur. »détaille Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU, au JDD.
Jusqu’alors, Washington hésitait à franchir cette ligne rouge, craignant une escalade avec Moscou. Le Kremlin avait également prévenu qu’une telle décision serait perçue comme une implication directe des États-Unis dans le conflit. « CCe sont eux qui ont déclenché la guerre. L’Ukraine est le pays attaqué, ses frontières ont été violées. En vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, tous les pays ont le droit d’aider à sa défense. », commence par rappeler le général français. Par ailleurs, le contexte a changé puisqu’en trois ans, la Russie a réussi à s’emparer d’environ 20 % du territoire ukrainien. Elle a récemment lancé l’une de ses offensives les plus massives, appuyée par le déploiement de milliers de soldats nord-coréens dans la région russe de Koursk, zone dans laquelle l’armée ukrainienne mène une opération militaire depuis août.
Les missiles parleront d’eux-mêmes
Volodymyr Zelenski
Face à ces pressions, la décision américaine d’autoriser l’usage de ces armes constitue une réponse stratégique, selon des responsables cités anonymement par le New York Times. Même si les ATACMS ne devraient pas changer le cours de la guerre, ils pourraient être utilisés principalement dans cette région, dans le but de contraindre Moscou à redistribuer ses troupes. Fidèle à sa ligne de prudence, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’a pas révélé les détails de l’opération. ” Les missiles parleront d’eux-mêmes », a-t-il déclaré, soulignant l’importance de l’action plutôt que des paroles.
L’annonce américaine pourrait inciter d’autres alliés de Kiev à intensifier leur aide militaire. Le Royaume-Uni, déjà engagé avec ses missiles Storm Shadow, pourrait suivre cet exemple, même si l’Allemagne reste réticente à fournir ses missiles Taurus, craignant de franchir une limite symbolique. Le chancelier Olaf Scholz, malgré le rôle majeur de son pays (Berlin est le deuxième contributeur militaire à l’Ukraine), continue d’opter pour une approche prudente.
La France pourrait également jouer un rôle
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a pour sa part laissé entendre que Paris n’excluait pas cette option, mais a évité toute confirmation. Par ailleurs, lors d’un entretien au JDD, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a confié que la France allait transférer des missiles Scalp à Kiev. Jusqu’à présent, ceux-ci ne pouvaient être utilisés sans autorisation américaine. « Les missiles Scalp sont aéroportés, ce qui signifie qu’ils sont tirés depuis des avions. Ils sont moins simples à utiliser que ceux des plateformes terrestres comme les Américains, mais ils sont très efficaces. »explains Dominique Trinquand.
La suite après cette annonce
Côté américain, la décision d’autoriser l’Ukraine à utiliser des missiles capables de frapper profondément en territoire russe intervient à deux mois de la fin du mandat de Joe Biden, dans un climat politique tendu. Le président élu Donald Trump a promis de résoudre le conflit ukrainien en « 24 heures », sans en détailler les modalités, tout en critiquant les dizaines de milliards de dollars consacrés à l’aide militaire. Cette rhétorique suscite des inquiétudes à Kiev, où l’on craint une réduction du soutien américain ou des pressions pour accepter un accord comprenant des concessions territoriales.
En accélérant les livraisons d’armes et en allouant les derniers fonds votés par le Congrès – environ 9,2 milliards de dollars – Joe Biden tente de solidifier les bases du soutien occidental à Kiev avant son départ. Cette initiative n’a cependant pas manqué de provoquer une réaction du Kremlin, qui a accusé les États-Unis de « jeter de l’huile sur le feu » et aggraver une situation déjà explosive. De même, le porte-parole de la diplomatie russe a assuré que la réponse de Moscou “se sentirait” dans le cas où l’Ukraine tirerait des missiles américains à longue portée. Sans toutefois préciser quelle forme prendrait une telle réponse.
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