Ford franchit le pas

À la fin des années 1950, Ford se retrouve face à ce que l’on appelle un gros problème : comment remplacer un modèle qui vient de connaître un succès commercial sans précédent ? La marque doit éviter de se tirer une balle dans le pied. Et en parlant de balles, cette génération sera appelée “Bullet Bird”, pour des raisons stylistiques évidentes.

Chacune des 11 générations de Thunderbird possède son propre surnom. Bien évidemment le premier, produit de 1955 à 1957, s’appelle « Classic Bird ». La seconde, baptisée « Square Bird », construite de 1958 à 1960, sera entièrement transformée sous la houlette de Robert McNamara, directeur général de la marque Ford depuis 1955. Administrateur rigoureux, il souhaite que chaque gamme de la marque soit rentable. La solution est d’augmenter son attractivité en l’équipant de 4 places et de réduire les coûts de production en le fabriquant sur la même ligne que Lincoln dans la nouvelle usine de Wixom, Michigan. Et ça marche ! La production a augmenté de 77,2 % (voir chiffres en fin de texte) entre 1957 et 1958. En 1960, la Thunderbird établit un record de production qu’elle conservera jusqu’en 1976 ! Il suffit de dire que l’on attendait son remplacement, prévu pour 1961.

Photo : Ford

Thunder-nental ou Conti-bird ?

Les études de style pour la troisième Thunderbird portant ce nom ont commencé en 1957. Les dirigeants et les designers de Ford n’arrivaient pas à décider quelle direction prendre. Plusieurs thèmes sont explorés. Elwood Engel, futur vice-président en charge du design chez Chrysler puis numéro deux en charge du style chez Ford, a demandé de libérer une petite équipe pour développer ses idées. Le petit studio, long et étroit, qu’il reprendra sera surnommé « Stiletto ». Il y crée un modèle de coupé deux portes aux lignes très simples, sans fioritures… qui deviendra la Lincoln Continental de 1961 à la demande de McNamara (4 portes bien sûr).

Finalement, c’est un dessin de Bill Boyer qui a servi de base au développement du modèle de production. Boyer avait déjà travaillé sur les deux générations précédentes et continuerait à être affilié à Thunderbird jusqu’à sa retraite en 1985 (notamment “Square Bird” des années 1980 et “Aero Bird” de 1983). Boyer s’est inspiré du concept Lincoln Continental X de 1952 (renommé Ford X-100 en 1953). L’inspiration se trouve avant tout dans la forme des feux arrière et des petites ailerons.

Photo : Ford

Il faudra encore plusieurs itérations (certaines assez farfelues) avant d’arriver au modèle de production, et le front pointu s’imposera assez rapidement. Les concepteurs tenteront également de développer une carrosserie fastback sur le modèle de série, avec un grand dôme en verre dans le style de la Plymouth Barracuda 1964-66, sans aller plus loin.

La Thunderbird de 1961 partage non seulement la chaîne de production avec la Lincoln Continental de 1961 mais aussi certains éléments de design (intégration des phares, ligne chromée longeant le côté qui, dans le cas du T-Bird, intègre élégamment la poignée de porte) ainsi que divers composants tels qu’une partie du verre et des éléments de structure.

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Accès facile

Les Thunderbirds de 1961 sont arrivées chez les concessionnaires le 10 novembre 1960, 6 semaines après les autres modèles Ford. Ils ont le même empattement de 113 pouces (2,87 mètres) que le modèle précédent et offrent presque exactement la même longueur (5,21 m contre 5,22 m sur le 1958). Comme auparavant, deux styles de carrosserie sont disponibles : coupé (4 117 lb ou 1 869 kg) et cabriolet (4 289 lb ou 1 947 kg). Un seul V8 est proposé : une nouvelle variante de 390 pouces cubes (6,4 litres) du bloc de la série FE (pour Ford-Edsel) équipée d’un carburateur 4 corps CIAE-9510. Ce moteur, code Z, développe 300 chevaux à 4 600 tr/min et 427 lb-pi à 2 800 tr/min. Les 430 pièces en option ont disparu dans les années 1959 et 1960. La seule transmission est une Cruise-O-Matic à 3 vitesses, révisée pour 1961. La direction et les freins (4 tambours) sont assistés de série (nécessaires pour tourner et arrêter un engin de près de 2 tonnes).

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En s’asseyant, le conducteur découvre un tableau de bord doté de trois grands cadrans ronds et d’une grande console centrale (qui fait avant tout office d’élément de rigidification du châssis monocoque). Et pour s’asseoir, Ford a développé une option digne d’intérêt notamment pour les femmes, qui représentent un pourcentage important de la clientèle du modèle. Pour faciliter l’installation à bord, le volant peut être déplacé d’environ 25 centimètres vers la droite. Pour des raisons de sécurité, ce mouvement ne peut être effectué que si la boîte de vitesses est en position “Park”. Baptisé « Swing Away », cet équipement était initialement perçu par certains comme un simple gadget mais, compte tenu de sa grande popularité, il fut installé de série en 1962.

Le coupé est proposé à 4 172 USD/5 560 CAD tandis que le cabriolet demande 4 639 USD/6 256 CAD. Côté équipements, hormis l’horloge électrique, l’allume-cigare et le klaxon bicolore, presque tout est en option : climatisation, sièges et vitres électriques, radio à transistors (une nouveauté), peinture bicolore, différentiel à glissement limité. , vitres teintées, essuie-glaces électriques à deux vitesses et ceintures de sécurité (nous sommes en 1961, donc elles comptent moins que l’allume-cigare…). Ford propose 19 couleurs extérieures et 30 combinaisons bicolores. A l’intérieur, 6 couleurs de base peuvent être disposées en 16 combinaisons. Le cuir est disponible en 5 couleurs.

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Malgré ses lignes flambant neuves, la « Bullet Bird » n’atteint pas son objectif et ne parvient pas à dépasser les chiffres de 1960. La production chute de 19,6 %, dans un marché américain en baisse de 11 %, faut-il le noter.

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Variante sportive ou… monégasque

Les changements apportés au millésime 1962 sont assez importants. Esthétiquement, le maillage de la grille rectangulaire est remplacé par 4 lignes de carrés flottants séparés par des barres horizontales. Le design des feux arrière est modifié tandis que les quatre fines lignes des ailes arrière des modèles de 1961 se transforment en 3 grands motifs rappelant des grattoirs à légumes. L’intérieur est légèrement retouché. Bizarrement, le poids des véhicules augmente sensiblement (+80 kilos pour le coupé et +109 kilos pour le cabriolet). Un nouveau moteur est proposé en option : une variante à trois carburateurs Holley double starter du 390 pc (code M). Son taux de compression varie de 9,6:1 sur le code Z à 10,5:1. Il produit 340 chevaux à 5 000 tr/min et 430 lb-pi à 3 200 tr/min. Ce sera une option très rare. Deux nouvelles versions viennent compléter le catalogue : le coupé Landau (toit en vinyle recouvert de similicuir et barre incurvée décorative) et le cabriolet Sports Roadster.

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Le développement du Sport Roadster est né de la demande de plusieurs clients, à partir de l’année modèle 1958, pour le retour d’une version biplace. Il ne s’agit évidemment pas de concevoir un nouveau châssis, il faudra donc se contenter d’un “couvre-tonneau” en fibre de verre. Cela a été conçu par Bud Kaufman. A l’avant, il épouse la forme des sièges et se prolonge élégamment jusqu’au fond du coffre. Il ne gêne pas le fonctionnement de la capote et peut être retiré si nécessaire. Ce modèle est livré avec des roues à rayons Kelsey-Hayes avec écrou central… ce qui nécessite le retrait des enjoliveurs de roue arrière. Ford présente le Sports Roadster comme « 4 000 livres de feu d’artifice » dans ses publicités, mais l’option est chère (651 $, soit 13,5 pour cent de plus que le cabriolet de base) et ne fera pas beaucoup de bruit en termes de ventes (1 427 exemplaires dans 1962 et seulement 455 en 1963).

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On reconnaît facilement les modèles de 1963 avec le nouveau pli de la tôle qui part de la pointe avant et s’arrête à la porte. Ci-dessous, nous découvrons trois nouveaux modèles de lignes diagonales. La grille est désormais constituée de fines barres verticales. Les décorations des ailes arrière sont remplacées par un subtil logo Thunderbird. Un rétroviseur conducteur réglable de l’intérieur est standard et une radio AM/FM est en option. Le modèle Landau bénéficie d’un intérieur et d’un volant en simili bois. Ce sera très populaire cette année-là. Ford lancera une édition spéciale du Landau, baptisée « Monaco » (ou parfois « Princesse Grace »). Comprend une peinture blanche, un toit marron, un intérieur en cuir blanc, un volant blanc, des garnitures en faux palissandre et une plaque de console centrale avec numéro de série. 2 000 exemplaires seront produits qui seront évidemment présentés à Monaco tandis que le modèle 001 sera offert au Prince Rainier.

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Il faut aussi mentionner le concept italien. À l’époque, Ford commençait à expérimenter les lignes fastback et prévoyait de donner à la Mustang une carrosserie similaire pour 1965. C’est John Orfe qui réalisa les dessins en mars 1962. Introduite en 1963, la voiture italienne existe toujours aujourd’hui et a été restaurée en 2007. .

Photo : Ford

La production en 1963 a chuté de 18,8 pour cent, probablement en grande partie à cause du lancement du premier véritable concurrent de la Thunderbird : la superbe Buick Riviera. On remarquera que le cabriolet est de moins en moins populaire.

Coupé

Cabriolet

Roadster sportif

Total

1955

16 155

16 155

1956

15 631

15 631

1957

21 380

21 380

1958

35 758

2 134

37 892

1959

57 195

10 261

67 456

1960

78 983

11 860

90 843

1961

62 535

10 516

73 051

1962

69 554

7 030

1 427

78 011

1963

56 945

5 913

455

63 313

Total 1961-63

189 034

23 459

1882

C’est un obstacle sur la route pour le “Bullet Bird”, mais Ford reste toujours très satisfait des chiffres et prépare un nouveau Thunderbird pour 1964, qui sera essentiellement un modèle 1961-63 considérablement remanié. La Thunderbird de troisième génération est de gros calibre !

À voir aussi : Antoine Joubert présente la brochure Ford Mustang 1994


 
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