Ils sont arrivés par poignées, en VTT, vélos de ville, supports électriques, bêtes de course ou vieux biclous. Beaucoup avaient porté « ce bleu » de travail qui avait coloré son surnom. Pour « Jean Marc », ils ont aussi osé porter des bottes en caoutchouc, pas toujours les plus pratiques pour marcher. Il était pour eux « un point lumineux dans la vie quotidienne », « un symbole », « un Schtroumpf », « un elfe », qui illuminait leur vie. « Quand on l’a vu, on savait que la journée allait se passer bien », constate un quadragénaire. Il te manque juste un être…
“Bien plus qu’une silhouette”
Brisé « trop tôt » dans un accident de la route le week-end dernier, Jean-Marc Chatard, l’Homme en Bleu, aurait sans doute été surpris de voir 500 personnes dans les rues de Limoges pour lui rendre hommage. Devant l’hôtel de ville, sa petite-fille Mathilde tient dans ses mains fragiles et gelées le vibrant hommage qu’elle s’apprête à lire. « Jean-Marc était bien plus qu’une silhouette familière dans les rues de Limoges », décrit-il : il incarnait pour chacun de nous une présence chaleureuse et captivante. »
« Quand nous l’avons croisé au feu rouge, il était poli, mais pas bavard », explique un membre de l’association Vélo Rétro 87. Peu de passants lui parlaient, « mais ce n’était pas nécessaire » : « Son sourire, elle. son visage et sa bonne humeur suffisaient», se souvient Marie, qui nage un peu dans son uniforme de jour, un peu trop grand pour elle.
« Ce qui nous touche, c’est qu’il représentait ce que nous avons oublié d’être », métaphore du maire Émile Roger Lombertie : les travailleurs acharnés des campagnes et les travailleurs acharnés. » L’édile y voit une « vision libertaire de la vie », « le souvenir, la mémoire, le symbole, la légende » de ce que pensent être les Limougeaud.
“Le travail n’est jamais terminé”
Un an après l’arrivée de RTL pour conjurer l’attentat de Limoges, Jean-Marc Chatard symbolise le paradoxe qui constitue “l’âme” de la ville de la porcelaine : son humilité et la douce ironie qui nous fait aimer “cette singularité et cette vie authentique”. “. », décrit son arrière-petite-fille… « Il vivait à son rythme, suivant son propre chemin », se souvient-elle. Un homme, une ville… “Les règles de sécurité n’importaient pas, mais simplement son envie de liberté en selle”, ajoute-t-il.
Cette semaine, malgré « la grande bonne volonté des internautes », comme le définit François, son arrière-petit-fils, certains ont remis en question le respect par Jean-Marc Chatard des mesures de sécurité. «Je trouve ça dégoûtant», se plaint Nadine. C’est comme dire qu’une fille mérite d’être attaquée parce qu’elle porte une minijupe. »
«Au-delà de la taxe, se pose surtout la question des violences routières et de la mobilité», estime un militant de gauche. « Ce décès, insiste Émile Roger Lombertie, nous rappelle que ce travail n’est jamais terminé, pour assurer des conditions d’éducation, d’encadrement et de sécurité à tous ceux qui se déplacent en ville comme à la campagne. »
Une statue « en reflet »
Politiquement, ces paroles seront-elles mises en pratique ? C’est une question. Autre question posée par cette semaine de recueillement et d’émotion collective : comment perpétuer le souvenir de « l’ange bleu » décrit par son arrière-petite-fille ? «J’adorerais une chasse au trésor, comme «D’où vient Charlie?» », estime un manifestant.
L’idée d’une statue est également venue. « Cela ne lui aurait pas plu », veut croire Bernard. Le maire de Limoges en a parlé en famille sur le perron de la mairie. « C’est une pensée que j’ai en tête et qu’il faudra valider, explique-t-il. La couleur, au moins, ne devrait pas être un sujet de discussion.
Sébastien Dubois
Photo Stéphane Lefèvre