Nicolas Metzdorf, député de Nouvelle-Calédonie, né en 1988 à Nouméa, agronome de formation, fondateur du parti Générations NC en 2019, élu maire de La Foa en 2020, député depuis 2022, a accordé une interview au magazine Conflits. Loyaliste, il défend une vision pro-française qui s’incarne dans l’autonomie et s’oppose à l’indépendance de l’archipel. Extraits :
[…] La différence pour nous, Français du Pacifique, c’est qu’il faut se battre pour rester français. En France métropolitaine, les gens naissent français, vivent français et meurent français, c’est presque une évidence. Mais il faut se battre pour que nos enfants, et même nous-mêmes, restions français. Cela nous donne une relation avec la France peut-être plus forte. J’ose dire plus fort, car pour nous, la France, c’est un peu un idéal, un « Graal » pour lequel nous nous battons. La France représente pour nous une grande puissance qui nous protège et qui porte des valeurs suprêmes. Quand on n’a pas à se battre pour être Français, on ne se rend pas compte de ce que ça veut dire. C’est notre différence avec les métropolitains.
Aujourd’hui, avec l’axe Indo-Pacifique, la Nouvelle-Calédonie revêt une importance géostratégique importante. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
J’en ai marre d’entendre ça et de voir que rien n’est fait. On entend partout, notamment en France métropolitaine, que la Nouvelle-Calédonie occupe une position géostratégique clé. C’est devenu un discours en boucle, mais que se passe-t-il réellement ? Rien. Nous disposons d’un quart des ressources mondiales de nickel, que nous vendons aux Chinois, et aucun minerai calédonien, donc français et européen, n’arrive en Europe, alors même que le nickel est crucial pour les batteries des voitures électriques. Nous avons une zone économique exclusive de 1,3 million de kilomètres carrés, mais il n’y a que 16 bateaux de pêche calédoniens, et la France ne fait rien pour exploiter cette zone, ni pour la pêche ni pour les ressources sous-marines. Pire, le chef d’état-major des armées a même récemment affirmé en commission que la France n’était pas faite pour protéger la Nouvelle-Calédonie en cas de conflit. Nous avons voté trois fois pour rester français, et on nous dit que nous ne serons pas défendus. Sommes-nous des Français de troisième catégorie ? On nous parle donc constamment de cette importance géostratégique, mais il n’y a aucune action concrète.
[…] La France manque de cohérence. Nous avons eu sept ministres des Affaires étrangères en sept ans ! Cela prouve qu’il n’y a pas de stratégie à long terme. Quand on voit la France présente sur les trois grands océans, dans tous les fuseaux horaires du monde, avec des territoires dotés d’incroyables ressources, il est frustrant de constater ce manque de vision. Par exemple, la Polynésie française est plus grande que l’Europe en termes d’espace maritime, la Nouvelle-Calédonie est aussi grande que la Belgique, avec un quart des ressources mondiales de nickel, la Guyane est aussi grande que le Portugal. La France possède des joyaux dont elle ne se sert pas. Et si la France ne prend pas conscience de la valeur de ses territoires, d’autres puissances viendront les exploiter. […]
Concernant la question identitaire, en Nouvelle-Calédonie, la population est souvent perçue en France métropolitaine comme divisée entre Blancs loyalistes et Kanaks séparatistes. Pourquoi est-ce plus complexe que cela ? Quelles sont les implications politiques ?
C’est plus compliqué, car la Nouvelle-Calédonie est très diversifiée. La communauté kanak représente environ 45 voire 50 % de la population, mais on compte aussi 27 % d’Européens (recensement 2019), 10 % de Polynésiens, 6 ou 7 % d’Asiatiques et de métis. La fracture ne se situe donc pas seulement entre Kanaks et Blancs. Les indépendantistes représentent majoritairement les Kanak, car le projet indépendantiste est un projet identitaire, un projet « kanako-kanak ». D’autres communautés, considérant l’indépendance comme une perte de beaucoup de choses, se réfugient dans les valeurs universalistes de la France. Cependant, même chez les Kanak, il existe des différences. Certains séparatistes sont radicaux et plutôt prochinois, ils sont à l’origine des problèmes, ce qui rend le dialogue difficile, tandis que d’autres sont modérés et ouverts à la discussion.
Vous parliez d’ingérence étrangère. Les séparatistes radicaux sont-ils manipulés ?
Les séparatistes radicaux ne sont pas manipulés, ce serait une erreur de les sous-estimer. Ils sont pleinement conscients de leurs actions et recherchent activement un soutien extérieur pour renforcer leur cause. Ce ne sont pas des acteurs passifs. Ils agissent avec une stratégie claire et une organisation bien structurée. Il ne faut pas les voir avec un regard paternaliste ou condescendant, car ce sont des gens intelligents et déterminés, prêts à tout pour atteindre leur objectif : que la France quitte la Nouvelle-Calédonie.
Nous l’avons vu lors des récentes émeutes. Il ne s’agissait pas simplement d’une manifestation spontanée de colère ; tout a été planifié avec une logistique précise et une hiérarchie établie. Ils ont même mis en place des tactiques pour contourner les contrôles de police, ce qui montre leur niveau d’organisation. Nous ne sommes pas dans des émeutes de banlieue classiques, c’est un mouvement très structuré et orienté vers un objectif politique bien défini. […]
La solution de sortie est de respecter les trois référendums : la Nouvelle-Calédonie est française, et toute discussion sur le statut doit partir de ce principe. Je suis autonomiste, car à 17 000 km, c’est logique de vouloir se gérer soi-même. Mais le passeport reste français, la nationalité aussi, et le statut de la Nouvelle-Calédonie fait partie de la Constitution. Tant que les Calédoniens restent français, on peut discuter de tout. Mais si la France n’est pas assez forte pour imposer ce choix, nous ne nous laisserons pas oublier ou mépriser, comme les pieds-noirs. Nous avons appris de l’histoire. […]