Le pic pétrolier n’arrivera pas – Antoine Buéno

Le pic pétrolier n’arrivera pas – Antoine Buéno
Le pic pétrolier n’arrivera pas – Antoine Buéno

Dans un article récent intitulé Fin du pétrole ? Jean-Marc Jancovici à côté de l’assietteL’opinion révèle que, selon les derniers calculs de l’Agence internationale de l’énergie, loin de s’approcher d’une pénurie d’or noir, le monde se dirige vers une production pétrolière excédentaire d’ici 2030. Mais cela devrait encore être le cas dans… 150 ans !

C’est bien la conclusion que l’on peut tirer d’une nouvelle incroyable, pourtant passée relativement inaperçue en France : la Russie a découvert un gisement de pétrole sous l’Antarctique estimé à 511 milliards de barils…


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La figure peut paraître abstraite. Mettons les choses en perspective. Aujourd’hui, la planète consomme 100 millions de barils par jour. Soit 36,5 milliards de barils par an. 511 milliards de barils correspondent à 140 ans de consommation actuelle… Auxquels il faut bien sûr ajouter ce qui reste des gisements actuellement exploités.

Les analystes ont commenté la nouvelle sous deux angles. D’un point de vue géopolitique, c’est une très mauvaise nouvelle car ce gisement sera une source de tension supplémentaire dans un monde qui n’en avait pas besoin. Mauvaise nouvelle écologique aussi. D’abord parce que l’Antarctique est jusqu’à présent considéré comme un continent sanctuaire. Mauvaise nouvelle aussi bien sûr pour le climat : un tel gisement pétrolier n’incitera pas à s’éloigner des énergies fossiles…

La découverte du gisement arctique invalide la première partie de la proposition : non, nous n’allons pas manquer de pétrole. Notre monde ne peut donc pas s’effondrer à cause d’une « panne de carburant ». Et tout l’enjeu de la transition énergétique est d’invalider le deuxième volet de la proposition : prouver que l’on peut déployer un mix énergétique décarboné capable de remplacer les énergies fossiles.

Épuisement. Et pourtant, d’un point de vue prospectif, il faut nuancer. Cette nouvelle suffit en effet à changer radicalement notre vision du futur. Et pas seulement pour le pire. Parce que cela invalide la thèse du « pic pétrolier ». L’expression désigne le moment où l’épuisement de l’or noir conduit sa production à stagner avant de diminuer. Elle trouve son origine dans les travaux de la géologue Marion K. Hubbert qui annonçait, en 1956, que le pic du pétrole conventionnel américain se produirait entre 1965 et 1970. Extraordinaire prescience de Hubbert puisque la production américaine de pétrole conventionnel a commencé à décliner en 1970.

La thèse du pic pétrolier est établie depuis plus de cinquante ans comme base des théories de l’environnementalisme et de l’effondrement. L’idée est la suivante : nous allons manquer de pétrole et aucune énergie ne pourra jamais le remplacer. La civilisation thermo-industrielle, née de l’exploitation des énergies fossiles, est donc vouée à disparaître avec ces dernières. Dans l’imaginaire populaire, c’est le scénario de Mad Max.


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La découverte du gisement arctique invalide la première partie de la proposition : non, nous n’allons pas manquer de pétrole. Notre monde ne peut donc pas s’effondrer à cause d’une « panne de carburant ». Et tout l’enjeu de la transition énergétique est d’invalider le deuxième volet de la proposition : prouver que l’on peut déployer un mix énergétique décarboné capable de remplacer les énergies fossiles.

Écarter le scénario d’une panne de carburant est plutôt une bonne nouvelle. D’autant que, même dans un monde bas carbone, nous aurons encore encore longtemps besoin de pétrole pour des usages non substituables. Pour mémoire, même l’aspirine est fabriquée à partir du pétrole… Par ailleurs, en termes quantitatifs, l’explosion des réserves exploitables de pétrole ne change rien à la problématique climatique. Avant cela, nous disposions déjà de suffisamment de combustibles fossiles pour provoquer un réchauffement cataclysmique.

En revanche, cela signifie que la transition énergétique ne nous sera pas imposée par des contraintes géophysiques. Cela ne dépend que de nous. Puisque le pic pétrolier n’aura pas lieu, notre responsabilité est totale.

Antoine Buéno est conseiller au Sénat, essayiste et conférencier.

 
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