Sur un vu se retirer brièvement des négociations fédérales. Les socialistes flamands finiront-ils par rejoindre le futur gouvernement ?
Une négociation est une partie d’échecs et, dès le début, Vooruit s’est donné le rôle d’un parti dans une position inconfortable, exigeant que ce gouvernement soit centriste et non de droite. Ils n’hésitent pas à communiquer de la désinformation, par des phrases courtes, notamment sur l’impôt sur les plus-values. On les sent mal à l’aise, alors que Les Engagés et le CD&V, partis centristes, sont à leurs côtés pour défendre certains dossiers, dont le financement de la santé. Les socialistes flamands ont même une alliance avec le MR pour lutter contre la hausse des impôts. Mais, pour l’instant, Vooruit se sent suffisamment fort et ose aller très loin dans cette partie d’échecs pour voir qui cédera en premier.
Les autres parties accepteront-elles penchez-vous moins à droite sur l’aspect socio-économique et budgétaire ?
Je vois que les dossiers pour lesquels Vooruit se bat sont déjà dans la note du formateur. L’impôt sur les plus-values ou la réforme des retraites, par exemple, y figurent, mais Conner Rousseau trouve que la note ne va pas assez loin et il réclame plus de garanties. Mais Bart De Wever a-t-il reçu des garanties sur les aspects communautaires ou sur le fédéralisme ? Aucun ! Aucun parti ne peut se dire pleinement satisfait de cette note…
Le Vooruit continue d’examiner la proposition de Bart De Wever
Le comportement de Conner Rousseau contre l’Arizona est-ce dangereux vu l’état des finances ?
Cette attitude dure depuis cinq mois ! Si le Vooruit jouait à un jeu en s’impliquant en sachant que cela ne marcherait pas, alors il jouait réellement avec le destin de tous les Belges. Conner Rousseau semble absent, très peu combatif. Lorsque Bouchez met fin aux négociations en août, notamment à cause de l’impôt de 10% sur les plus-values boursières, il hérite du Zwarte Piet (NDLR : « Black Jack » en français). Il s’est ensuite battu pour montrer qu’il ne voulait pas que l’Arizona s’écrase. Or, c’est Rousseau qui a le Zwarte Piet, et la différence d’attitude est flagrante.
Sa force est qu’il n’existe pas de majorité alternative sérieuse…
Efficacement. Je ne crois pas à une tripartite classique, sans la N-VA, car Bart De Wever est très investi, il fait des concessions et joue même le rôle – assez inhabituel – de sauveur de la Belgique. Et remplacer le Vooruit par l’Open VLD donnerait une majorité trop faible, 76 sièges sur 150 à la Chambre. De plus, le CD&V et Les Engagés n’y sont pas favorables. Car une fois que les électeurs francophones et flamands ont donné un signal clair, il est bien étrange de constater que ces politiques ne veulent pas servir d’abord les intérêts du pays. Ils pensent tous avant tout au bien de leur propre parti. Ils ne semblent pas encore avoir pris conscience de l’importance de la situation budgétaire de la Belgique…
Une majorité « Arizona » au niveau fédéral ne ferait pas les affaires du PS
LE les relations entre Bart De Wever et Conner Rousseau sont-ils détériorés ?
Avant les élections municipales, ils s’étaient mis d’accord pour tenter de former des majorités dans la plupart des grandes villes flamandes. Rousseau savait que ce serait très difficile à Louvain et à Gand, car ces villes sont très progressistes et la N-VA y est presque perçue comme un parti d’extrême droite. Cela a été confirmé. A Gand, les membres du Vooruit ont opposé la majorité à la N-VA. Et De Wever a réagi avec beaucoup d’émotion à ce rejet de ses troupes. Il avait du mal à accepter une telle perception de son parti. Des tensions sont alors apparues entre les deux présidents. De Wever estimait que Rousseau n’était pas un président assez fort et qu’il n’était pas capable de s’imposer au niveau local. Cela n’a pas empêché l’entraîneur, depuis, de beaucoup discuter avec Rousseau pour le convaincre de négocier.
Avant les négociations, on savait que Bart De Wever avait une mauvaise image de Georges-Louis Bouchez. Est-ce que cela a changé maintenant ?
Si on pose la question à Georges-Louis Bouchez, il répondra positivement (rire). Mais, à mes yeux, il a commis une énorme erreur politique en rejetant fin août la note de Bart De Wever et en obligeant l’entraîneur à démissionner. Il a brisé ce projet de l’Arizona qui comptait beaucoup pour les libéraux et a donné un argument de taille au Vooruit qui peut se targuer de n’avoir jamais compromis à ce point le futur gouvernement. Quant à Bart De Wever, il aime les soirées gagnantes. Dans le documentaire qui lui est consacré et qui est actuellement diffusé en salles, on entend le président de la N-VA réagir aux 30 % de Bouchez aux élections fédérales en disant que le libéral était déjà insupportable avec 20 %. “Ça va être pire maintenant», ironise-t-il. Ce que De Wever n’aime pas chez le président du MR, c’est qu’il est difficile de savoir s’il soutiendra les accords conclus ou s’il les sapera. Il a donc du respect pour Bouchez, mais il reste sur ses gardes.
Face aux difficultés actuelles, le président de la N-VA toujours la bonne personne pour diriger les discussions fédérales ?
Je comprends qu’au bout de cinq mois, on se pose la question. Mais qui pourrait le remplacer ? Très peu de personnes autour de la table peuvent se vanter de jouir de la confiance de tous les négociateurs. Les relations entre les jeunes présidents de partis sont très mauvaises. Bart De Wever a une autorité naturelle. Aucun homme politique n’a reçu autant de voix que lui. Il a la force et le pouvoir de construire une coalition et de conduire le pays vers un avenir meilleur. Je ne crois en aucun cas à l’intervention d’une personnalité plus expérimentée comme Didier Reynders ou Johan Vande Lanotte. dans les discussions. Cela n’a jamais abouti !
Plus Bart De Wever Ne risque-t-il pas de se lasser de cette mission, de plus en plus mouvementé ? D’autant plus qu’il répète fréquemment que son rêve n’était jamais de devenir Premier ministre…
Il ne veut pas du tout donner le contrôle à quelqu’un d’autre. Il ne veut pas commettre la même erreur qu’en 2020, lorsqu’il a perdu sa place à la table des négociations alors même que la N-VA était le plus grand parti de Belgique. Tant qu’il tient le gouvernail, il ne peut être écarté et, de plus, il peut influencer le contenu de l’accord, notamment au niveau communautaire.
Au niveau communal, en s’associant au PTB dans plusieurs villesle PS a-t-il ouvert la boîte de Pandore ?
Certaines coalitions à Bruxelles étaient plutôt logiques… À Molenbeek, il était mathématiquement impossible de former une coalition sans le PTB. Et sur le contenu, en réalité, je ne vois aucune différence entre le PS de Catherine Moureaux, la Team Fouad Ahidar et le PTB. Ils ont les mêmes recettes pour les mêmes problèmes. Ils sont très communautaires.
Paul Magnette ne se tire-t-il pas une balle dans le pied en rendant accessible son principal adversaire ?
Sa stratégie est vraiment bizarre ! Le PS a souligné tout au long de la campagne que le PTB ne prenait pas ses responsabilités et était incapable de faire des compromis, contrairement aux socialistes. Magnette perdait donc son seul et unique argument anticommuniste. Le PS dit depuis dix ans que le PTB ne sert à rien. Mais ce n’est plus le cas…
« Ce qui se passe est impressionnant. En Flandre, on ne voit plus de différence entre le PS et le PTB»
Comment sont perçues ces coalitions avec l’extrême gauche dans le nord du pays ?
Personnellement, j’ai trouvé très arrogante la façon dont, dans le sud du pays, la N-VA a été menacée tout au long de la campagne d’être exclue de toute coalition fédérale si elle s’alliait au Vlaams Belang. On voit désormais que le PS s’allie à l’extrême gauche, même dans une grande ville comme Mons. En Flandre, on trouve Paul Magnette un peu hypocrite.
Cela vous choque-t-il à ce point de voir le PTB accéder à la majorité municipale ? que le Vlaams Belang ?
Je ne suis en aucun cas choqué. Mais je suis peut-être plus surpris de voir le Vlaams Belang réussir à rejoindre une coalition au niveau local que le PTB. En Flandre, on avait déjà vu l’extrême gauche rejoindre un conseil municipal à Zelzate et Borgerhout. Mais le parti de Tom Van Grieken est allé très loin pour participer au pouvoir. A Ranst, ils ont jeté tous leurs principes à la poubelle pour pouvoir rejoindre la majorité. Je pense qu’en fin de compte, le Vlaams Belang voulait avant tout pouvoir se vanter d’être aux commandes. Il en était de même pour le PTB. D’anciens échevins du parti m’ont expliqué que personne ne se souciait de ce qu’ils faisaient, tout ce qui intéressait le parti politique était de pouvoir dire que le PTB gouvernait dans plusieurs communes.
LE les négociations stagnent en région bruxelloise depuis les attaques du PS contre le MR. Ahmed Laaouej est-il allé trop loin ? parler de racisme concernant le refus des libéraux de laisser la mairie de Schaerbeek au controversé Hasan Koyuncu ?
Compte tenu de leurs programmes respectifs, il est déjà remarquable qu’ils aient pu entamer des négociations en région bruxelloise. Le PS et le MR n’ont jamais cessé de s’attaquer dans la capitale. Le MR dit toujours que le PS est communautaire et, d’une certaine manière, il n’a pas tort. On sent vraiment que le discours est différent entre Paul Magnette en Wallonie et Ahmed Laaouej à Bruxelles. Concernant les accusations de racisme, Ahmed Laaouej recourt trop vite à cet argument. On se souvient des débats sur les langues pour passer le permis de conduire à Bruxelles. Le PS souhaitait en ajouter cinq. Ce que les libéraux avaient refusé, arguant qu’il y avait déjà trois langues dans notre pays et qu’il fallait encore préserver l’identité belge. Les socialistes accusaient alors le MR d’être raciste. Cela m’a vraiment surpris ! Le PS est allé trop loin. Parler de racisme tout le temps discrédite le terme.