La patience des fans de Michael Cunningham sera largement récompensée Un jour d’avril. Près de dix ans après que l’auteur de MineraiUn livre magistral et primé, dont le prestigieux Pulitzer en 1999, n’avait rien offert à la littérature. Dans son huitième roman, l’écrivain septuagénaire poursuit ses émouvantes chroniques new-yorkaises avec la sophistication et la délicatesse qui l’ont rendu célèbre.
C’est l’histoire d’une famille sur les rochers. Dan et Isabel, couple en déclin, sont les parents de Nathan et Violet. Dan est un ancien rockeur. Isabel est la directrice artistique d’un magazine. Robbie, le frère d’Isabel, professeur d’université qui rêve de médecine, vit dans leur grenier. Le frère de Dan, Garth, est un artiste visuel émergent. Avec Chess, son ex-petite amie, qui enseigne la littérature à l’université, ils sont les parents d’Odin. L’action se déroule principalement à Brooklyn, mais aussi en Islande et dans une forêt au nord de New York.
A la recherche du bonheur
Sous une forme tripartite qui rappelle Minerail’auteur nous donne des nouvelles du gang avant, pendant et après la pandémie. Ainsi, le premier chapitre se déroule le matin du 5 avril 2019, le deuxième l’après-midi du 5 avril 2020 et le troisième le soir du 5 avril 2021. Soyons clairs, il ne s’agit pas d’une énième histoire de confinement. . . Cunningham utilise la maladie, qui n’est jamais nommée, pour expliquer comment elle a perturbé notre relation avec le temps et la mort. Dans la recherche du bonheur des personnages, il y a un avant et un après, une prise de conscience radicale s’opère.
Au centre du livre se trouve le trio Dan, Isabel et Robbie, un triangle amoureux au sens le plus large du terme, une configuration dans laquelle circule une forme supérieure d’amour. “Mais personne, jusqu’à ce matin, n’avait encore prononcé ce motETtopo. Robbie doit juste espérer qu’Isabel le pense vraiment quand elle le dit. Dan et moi sommes amoureux de toi – le « moi » est important – on espère aussi qu’elle sache qu’il est amoureux aussiles deuxet qu’il n’a aucun dessein sur Dan au sens traditionnel de l’expression. »
Le roman décrit une société obsédée par la réussite, et plus encore par l’image de cette réussite. Ainsi, Robbie a créé un personnage sur Instagram, Wolfe, qui est une projection, un sosie de rêve, une version améliorée de lui-même. «Ses partisans aiment le fait qu’il soit pédiatre, en dernière année de résidence, et qu’il travaille dans un centre de santé communautaire. […] Ils aiment l’idée, jamais clairement exprimée, qu’il avait des amis avec qui les choses n’ont pas fonctionné et qu’il attend maintenant de tomber amoureux, sans être particulièrement pressé. »
Cunningham revisite des thèmes et motifs qui lui sont chers. Outre le triangle amoureux, on retrouve la magie des contes de fées, où la nature et les animaux occupent une place mystérieuse, presque spirituelle, mais surtout la finesse du portrait de famille. Représentée dans ses moindres nuances, un ensemble complexe de fraternités et de filiations, de doutes et de convictions, de chagrins et de désillusions, cette communauté est d’une humanité touchante. Il n’y a pas beaucoup de rebondissements, certes, mais il y a tellement de précision dans la prose, tellement de justesse dans l’évocation de ce qui remue au plus profond des êtres.
Rien n’échappe à l’auteur : la vie qui passe, les traces qu’il laisse, les rêves qu’il nourrit, les pactes qu’il rompt, les êtres qu’il unit et ceux qu’il sépare. «Une vie l’attend», écrit le narrateur en parlant d’Isabel. Il ne continuera pas à vivre sans entrave. Certains dégâts ne peuvent être réparés, mais il continuera sa vie. Peut-être qu’il sera heureux de temps en temps, et peut-être de manière plus durable. Cela lui semble possible. »