Sur la table des négociations
Trois dossiers restent sur la table : l’UE demande aux pays du Mercosur des engagements sur la déforestation et le climat tandis que le Brésil demande notamment de pouvoir protéger ses industries jugées stratégiques, comme l’automobile. Le volet agricole est mis en œuvre depuis 2019.
Quels volumes agricoles sont en jeu ?
La Commission européenne parle de « petits volumes » en comparant les quotas attendus avec ce que l’UE produit annuellement. Les produits du Mercosur pour lesquels les droits de douane seront réduits, voire supprimés, représenteront au maximum 99 000 tonnes pour la viande bovine, soit 1,6 % de la production de l’UE. Pour le porc, ce sera 25 000 tonnes (0,1% de la production européenne), pour la volaille 180 000 tonnes (1,4%), pour le sucre 190 000 tonnes (1,2%).
Bruxelles assure que l’accord représente une opportunité pour les produits européens actuellement freinés en Amérique latine: le vin (actuellement taxé à hauteur de 27%) ou les fromages, qui peuvent bénéficier de “la montée d’une classe moyenne”. Le gouvernement espagnol, qui soutient l’accord, met donc en avant le vin ou l’huile d’olive. Les syndicats agricoles de ce pays sont toujours alarmés, notamment en ce qui concerne l’élevage.
Secteurs exposés
Même si les volumes concernés sont faibles par rapport à la production européenne, ils peuvent bousculer les filières. Pour Patrick Bénézit, vice-président de l’association interprofessionnelle de la viande bovine (Interbev), les pays du Mercosur fournissent déjà la majorité des importations de surlonge, coupes « nobles ». La production de surlonge en Europe « s’élève à 400 000 tonnes provenant de races à viande, donc voir une baisse de 99 000 tonnes a un impact ».
Les producteurs de poulet craignent que les Brésiliens se concentrent sur les coupes les plus rentables, les filets. Pour le secteur sucrier, déjà ébranlé par les avantages accordés à l’Ukraine, les 190 000 tonnes ne représentent que 1,2% de la production européenne, mais la moitié des exportations françaises vers les autres pays de l’UE, qui représentent la grande majorité des exportations totales du pays.
Cela “ne fera que déstabiliser ce marché”, notamment pour la France, explique Alain Carré, agriculteur et président de l’Interprofession (AIBS). Les filières de l’éthanol, du miel et du porc sont également menacées, souligne Stefan Ambec, économiste à l’institut de recherche Inrae, qui évoque notamment le risque d’une baisse des prix payés aux agriculteurs européens. « Les coûts de production diffèrent et le problème est que les normes sanitaires et environnementales ne sont pas les mêmes. »
Quelles normes ?
La Commission assure : « Tous les produits du Mercosur doivent être conformes aux normes rigoureuses de l’UE en matière de sécurité alimentaire. » L’accord de libre-échange Ceta avec le Canada, par exemple, ne parvient pas à respecter les quotas d’exportation de viande depuis six ans en raison d’un manque de production aux normes, affirme un responsable européen. Les « conditions de production » au Mercosur ne seront pas forcément les mêmes qu’en Europe, reconnaît Bruxelles.
Les opposants à l’accord demandent des “clauses miroir” : que les règles imposées aux agriculteurs européens en matière sociale, environnementale ou de bien-être animal s’appliquent également aux producteurs du Mercosur pour éviter des distorsions de concurrence. Il est “vendu comme un accord de nouvelle génération qui prend en compte les aspects environnementaux et climatiques mais les engagements sont faibles : il n’y a pas de conditionnalité”, note Stefan Ambec.
Quels contrôles ?
Comment garantir le respect des normes sanitaires ? « En théorie, les viandes traitées par exemple aux antibiotiques et aux hormones de croissance ne peuvent pas entrer, mais en pratique la traçabilité est imparfaite », explique Stefan Ambec. « Il y a des audits d’abattoirs organisés avec la Commission, mais on ne contrôle pas facilement le bétail avant cette étape. Le suivi de la naissance à l’abattage dans le Mercosur n’existe qu’en Uruguay. »
En effet, un audit de l’UE vient de révéler des failles dans le contrôle de la viande bovine au Brésil, incapable de garantir l’absence de l’hormone estradiol, interdite en Europe. En attendant que les procédures soient révisées, le Brésil a suspendu ces exportations.