« Nous n’avons jamais vu une telle campagne de fausses nouvelles contre nous. » assure Laura Daniele, du service de presse de Caritas Espagne. « Cela nous a vraiment surpris, d’autant plus que cette campagne a été orchestrée et soutenue dans le temps. Les ONG n’ont jamais été attaquées de cette manière. poursuit ce manager. Depuis les inondations meurtrières en Espagne le 29 octobre dans la province de Valence, les fausses nouvelles tous azimuts envahissent les réseaux sociaux, des négationnistes du changement climatique aux discours anti-immigration.
Des conséquences pernicieuses
Olivia Perez, de Caritas Valencia, jointe par téléphone, déplorait encore il y a quelques jours les conséquences pernicieuses de la vidéo d’un influenceur sur TikTok (3,8 millions d’abonnés) assurant que Caritas voulait tout garder pour elle, les dons, les machines à nettoyer les rues. Une vidéo vue par plus de 77 000 personnes. « Depuis, des anonymes ont interpellé Caritas avec des discours extrêmement désagréables » résume Olivia Perez.
Dans cette vidéo, cet homme affirme que les ONG ne s’intéressent qu’à tout ce qui coûte cher, que les vêtements donnés sont jetés. Caritas Espagne a dû clarifier plusieurs points : « Face à une situation d’urgence, il est de plus en plus fréquent que les fausses nouvelles se multiplient pour tromper l’opinion publique, en particulier les personnes en situation de vulnérabilité, ayant un accès limité aux sources officielles. »
La situation est telle que même le roi Felipe VI en a payé le prix. Lors d’une visite controversée et tendue à Paiporta, l’une des villes touchées dans la banlieue sud de Valence, il a évoqué ce phénomène en s’adressant à un habitant local en colère : « N’écoutez pas tout ce qui est publié car il y a beaucoup d’informations toxiques. Certaines personnes ont intérêt à ce que la colère grandisse, pourquoi ? Pour qu’il y ait le chaos. » Dans la boue et la colère, une déclaration très inhabituelle de la part du roi, mais très symbolique.
« La situation de panique réduit les capacités critiques »
La Croix-Rouge a également été prise à partie, accusée de ne pas avoir apporté son aide lors des inondations parce qu’elle “ne s’occupe que des Africains”lit-on sur les réseaux. Telegram, X (anciennement Twitter), TikTok, Instagram, aucun réseau social n’est épargné. Plus grave, certains élus les reprennent. Un député de Vox (extrême droite) de la région de Castille-La Manche a assuré qu’il n’avait pas vu la Croix-Rouge sur les lieux sinistrés, affirmant que “L’aide que reçoivent les migrants à leur arrivée sur les côtes espagnoles n’est pas encore parvenue aux villes touchées par les inondations”.
« Les fausses nouvelles ont toujours existé », assure Carlos Elias, professeur de journalisme à l’Université Carlos-III de Madrid et titulaire de la chaire Jean-Monnet sur « l’UE, la désinformation et les Fake News ». L’exemple du centre commercial Bonaire, dans l’une des villes touchées par les inondations, où les fausses nouvelles prétendaient “qu’il y avait beaucoup de corps sur le parking” encore accru la panique.
L’affaire est d’autant plus préoccupante qu’il est le présentateur d’une émission sur tous les phénomènes surnaturels, ovnis, etc. d’une des chaînes de télévision espagnoles qui ont diffusé cette fausse information, pour la démentir quelques jours plus tard. « Un vrai problème lorsqu’un programme de divertissement se place sur le terrain journalistique. Et quand l’éducation numérique fait défaut, c’est le côté tribal du cerveau qui prend le relais, assure Carlos Elias. La situation de panique réduit les capacités critiques sans oublier que le phénomène s’inscrit dans une dynamique politique anti-immigration. continue-t-il. Au gouvernement, on s’inquiète de ces expressions « anti-système ». L’Espagne, comme l’Union européenne, ressemble de plus en plus aux États-Unis, assure une Source officielle.