Le Musée moscovite de l’histoire du Goulag, dédié à la mémoire de la répression soviétique et du système concentrationnaire, est fermé “temporairement” depuis jeudi, officiellement en raison de violations des règles de sécurité incendie.
Dans un communiqué, le musée a annoncé « suspendre temporairement ses travaux », sans préciser la date d’une éventuelle reprise, « à partir du 14 novembre 2024 » après que des inspections ont mis en évidence des « manquements à la sécurité incendie ».
Jeudi, le contenu du site Internet de l’institut n’était plus visible, sur la couverture seule l’annonce de la fermeture et l’accès à la bibliothèque en ligne étaient disponibles.
La décision de fermer temporairement le musée “a été prise pour la sécurité de ses visiteurs”, a expliqué à l’AFP le service culturel de la mairie de Moscou, qui gère ce musée public.
C’est le seul grand musée d’État de Russie consacré aux répressions soviétiques. Selon le département de la culture, plus de 46 000 personnes l’ont visité pendant neuf mois de l’année.
Sa fermeture, présentée comme temporaire, s’inscrit dans un contexte d’exaltation patriotique et de glorification de la puissance militaire de l’URSS, notamment après l’attaque de l’Ukraine.
“C’est un musée très fort et impressionnant”, a déclaré jeudi à l’AFP Mikhaïl, un ouvrier de 40 ans, interrogé dans la cour du musée. Pour lui, ce serait « une grande perte » s’il ne rouvrait pas.
« Les gens doivent voir, comprendre et savoir que cela ne doit plus se reproduire », souligne-t-il en faisant référence aux crimes soviétiques.
Créé en 2001, le musée rassemble de nombreuses archives officielles et familiales, objets et photos appartenant aux victimes.
Il abrite une exposition permanente consacrée à l’histoire des camps soviétiques de 1918 à 1956, ainsi que des expositions temporaires. Des spectacles, concerts et conférences y sont régulièrement organisés.
Le musée abrite également un centre de documentation qui aide les visiteurs à trouver des informations sur les membres de leurs familles victimes du stalinisme.
En Russie, la figure de Staline, responsable d’une gigantesque répression qui a fait des millions de morts, est cependant ambivalente.
A Moscou, Ioulia, 50 ans, a déclaré jeudi à l’AFP qu’elle ne regrettait pas la fermeture du musée : « A quoi ça sert de garder cette histoire ? Je suis stalinien. Il existe de nombreuses calomnies contre le pouvoir soviétique », a-t-il déclaré. .
Selon elle, « des gens meurent à toutes les époques. Nous ne pouvons pas créer des monuments commémoratifs pour chaque époque.
Même si le président Vladimir Poutine condamne parfois les excès du stalinisme, la politique du Kremlin consiste généralement à les minimiser.
Les millions de victimes de la répression politique sont réduits au strict minimum dans les livres d’histoire. Staline est d’abord présenté comme un héros de la Seconde Guerre mondiale et comme l’assassin du nazisme.
Ceux qui dénoncent cette approche se retrouvent dans le viseur des autorités. Memorial, la grande ONG qui recense à la fois les répressions soviétiques et celles du régime actuel, a été classée « agent étranger » puis interdite fin 2021.
Memorial a créé le « retour des noms », une journée annuelle au cours de laquelle les citoyens se rassemblent chaque 29 octobre pour prononcer les noms des victimes de la répression. Mais il n’est plus possible de le tenir normalement en Russie depuis 2020 : les autorités invoquent la pandémie de Covid pour interdire tout rassemblement.
Le 30 octobre, le Musée du Goulag à Moscou a organisé une action similaire : pendant la journée, les gens lisaient les noms des personnes tuées pendant la terreur soviétique.
fraise/cn