« Si je m’étais levé plus tôt pour lui préparer du café, il ne serait probablement jamais mort. » Pendant de nombreuses années, Véronique Caplanne n’a pu s’empêcher d’être consumée par cette pensée, après ce matin du 24 décembre 1985, où son père a été assassiné par une milice des Groupes antiterroristes de libération (GAL).
Pourtant, ce réveillon du Nouvel An était censé être comme les autres. Robert Caplanne, électricien, s’arrête au « Royal » comme chaque matin pour prendre un café avant d’aller travailler. Mais lorsqu’il monta dans la voiture, quatre balles lui transpercèrent le corps. Il est décédé quelques jours plus tard.
« La police a frappé à notre porte vers 9 heures du matin. C’est moi qui ai ouvert la porte et ils ont demandé à voir ma mère, car mon père avait eu “un petit accident””, raconte Véronique. Quelques heures plus tard, sa mère, de retour du commissariat, lui annoncera la terrible nouvelle.
Mauvais but
Très vite, l’attaque est revendiquée par le GAL. « Ils se sont trompés de cible. Mon père était républicain et n’avait rien à voir avec le groupe ETA. » Pour elle, il n’y a aucun doute, mais elle doit constamment justifier de son innocence, notamment auprès de la police.
A 14 ans, il est difficile de comprendre une telle situation. L’adolescent part vivre un an en Bretagne, chez sa tante, puis revient à la campagne retrouver sa mère et son demi-frère. « Après cette attaque, toute ma structure familiale s’est effondrée. Ma mère est tombée en dépression, on a dû voler pour pouvoir se nourrir. Nous n’avons reçu aucune aide, ni de l’État ni de la société. C’était un sujet complètement tabou pour les gens qui ne voulaient pas être impliqués dans ces histoires. »
Au fil du temps, il dit avoir « mis une couverture sur ce chapitre de [sa] vie “. «C’était trop difficile pour moi d’en parler», poursuit Véronique. Mais il y avait des événements fréquents comme des procès ou la sortie de livres qui parlaient du terrorisme basque. » Après quelques années, Biarrote comprend que « pour avancer, il faut faire revenir le passé ».
La parole libre
Reste à trouver le bon moment. Pour elle, cela fait suite à la découverte du yoga. « Grâce à cette pratique j’ai pu retrouver mon équilibre. Je me suis retrouvé dans cette philosophie qui prône la non-violence et l’adaptation aux événements de la vie. »
Véronique ne s’est plus exprimée publiquement sur cette histoire depuis maintenant trois ans. La première fois s’est produite lors d’une commémoration annuelle pour les victimes de l’ETA en Espagne. «Je veux sensibiliser et informer les gens sur ce qui s’est passé. J’ai aussi pu écouter des histoires similaires aux miennes, avec des gens qui ont vécu les mêmes émotions que moi”, explique celle qui peine à accepter le statut de “victime”.
Aujourd’hui, le terrorisme basque reste un sujet sensible. « Lorsque j’ai parlé à des amis de l’exposition de Biarritz, certains étaient en désaccord sur la légitimité des affirmations de l’ETA. Nous savons encore peu de choses sur le sujet. »