l’essentiel
L’ancien Premier ministre Gabriel Attal vient de lancer sa fondation pour lutter contre le harcèlement, il explique à La Dépêche ce qu’il en attend.
A quoi servirait une fondation sur le thème du harcèlement, sachant qu’il existe déjà de nombreuses associations qui travaillent sur le sujet ?
En matière de harcèlement, le cœur de la responsabilité incombe à l’État et à l’Éducation nationale. Mais il faut aussi mobiliser la société civile car je crois que le harcèlement est un poison dont l’antidote est en chacun de nous. Chacun a un rôle à jouer et une responsabilité sur ce sujet. Une association a un rôle majeur dans le domaine du cyberharcèlement, c’est l’association e-Enfance. Mais il y a d’autres enjeux comme la prévention. Il faudrait mobiliser des bénévoles qui seraient formés pour animer des séances de prévention. La question de la formation de tous les acteurs éducatifs et des parents est importante. Enfin, l’accompagnement des jeunes qui vivent ces situations, l’accompagnement juridique ou financier pour les cas les plus graves, doit être amélioré. Nous avons choisi de créer Faire Face pour amplifier l’action dans ces trois domaines en parfaite complémentarité avec les acteurs déjà impliqués. Face à l’ampleur de la tâche, toutes les énergies sont les bienvenues !
Vous avez déjà confié que vous avez vous-même été touché par le harcèlement mais, plus largement, pourquoi vous intéressez-vous particulièrement à cette cause ?
C’est un sujet qui me dérange car on ne peut rester insensible à la moindre violence commise contre les enfants et les jeunes. Y compris lorsqu’ils proviennent d’autres jeunes. Ensuite parce que je crois que c’est un élément qui est consubstantiel à notre objectif d’élever le niveau à l’école. On ne peut pas bien apprendre en étant malheureux à l’école. Enfin, pour moi, lutter contre le harcèlement, c’est lutter pour la tolérance, le respect d’autrui et la bienveillance à l’école. En luttant contre le harcèlement je pense qu’on peut changer la société et aller vers une société plus humaniste et fraternelle.
Vos prédécesseurs, Jean-Michel Blanquer et avant lui Najat Vallaud-Belkacem en avaient fait l’un de leurs combats, Élisabeth Borne alors Premier ministre en avait même fait une « priorité absolue », les choses semblent pourtant peu évoluer. Comment l’expliquez-vous ?
Les choses ont évolué ! Lorsque j’ai été nommé ministre de l’Éducation nationale, j’ai pris des mesures fortes, notamment pour que ce soit le harceleur et non le harcelé qui quitte l’établissement. Puis, avec Élisabeth Borne, j’ai réalisé le plan interministériel visant à développer les cours d’empathie dans les écoles primaires. J’ai également permis le recrutement de personnels dédiés au harcèlement dans les rectorats et mis en place un questionnaire national pour détecter de nouvelles situations de harcèlement. Sept millions et demi d’étudiants l’ont complété. Le nouveau ministre de l’Éducation vient d’annoncer que ce questionnaire serait généralisé. Ces mesures ont provoqué un choc électrique et je crois que nous sommes à un tournant culturel, du moins au sein de l’Éducation nationale.
Est-ce la fin de la « vague non » dans l’Éducation nationale que vous dénonciez ?
Oui, je le crois et sur d’autres sujets aussi. Sur la question des atteintes à la laïcité, lors des hommages à Samuel Paty et Dominique Bernard, j’ai indiqué que je serais intransigeant, que chaque rapport donnerait lieu à une saisine de la justice, et on a vu que la parole était prise lâchée à ce moment-là. temps.
Le premier cas de harcèlement auquel vous avez dû faire face était celui de Lindsay, avez-vous toujours des contacts avec sa mère ?
Nous avons échangé plusieurs SMS cet été et encore ces derniers jours, et j’ai proposé que nous puissions nous revoir à ce sujet.
La mère de Lindsay assure que vous lui avez promis « une directive européenne pour contraindre les réseaux sociaux » mais elle dit que rien n’a changé, où en sommes-nous ?
Nous avons fait beaucoup de progrès sur ce sujet au niveau européen. Désormais, l’enjeu est la mise en œuvre de la directive dans les États membres qui interviendra en 2025 lorsqu’un signaleur de confiance sera mis en place qui sera chargé de signaler les contenus de cyberharcèlement aux plateformes afin qu’elles puissent les supprimer immédiatement.
La Première dame, Brigitte Macron, est également très investie sur cette thématique. Travaillez-vous avec elle ?
Elle a très tôt compris le problème. Elle fait partie de celles qui ont contribué à la sensibilisation et elle est absolument cohérente sur ce sujet. Lorsque j’étais ministre de l’Éducation puis Premier ministre, nous avons beaucoup travaillé ensemble sur cette thématique. Je lui ai parlé au téléphone avant le lancement de l’association pour lui en parler et elle était enthousiasmée par le projet. Elle a enregistré une vidéo qui a été diffusée lors du lancement de l’association. C’est un combat qui a besoin d’elle.