« La dissolution, un coup de foudre politique qui pourrait se retourner contre le président de la République »

« La dissolution, un coup de foudre politique qui pourrait se retourner contre le président de la République »
« La dissolution, un coup de foudre politique qui pourrait se retourner contre le président de la République »

FIGAROVOX/TRIBUNE – Rien n’obligeait le président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale, analyse l’historien Maxime Tandonnet, spécialiste de l’histoire de la Ve République. Selon lui, ce pari est risqué puisqu’il pourrait plonger le pays dans un moment de chaos absolu après les élections législatives anticipées.

Maxime Tandonnet est essayiste et historien. Il a notamment publié André Tardieu. L’incompris (Perrin, 2019), récemment réédité dans la collection « Tempus ” (poche).


Dans l’histoire de la Ve République, trois dissolutions ont eu lieu au cours d’un mandat présidentiel (c’est-à-dire en dehors du cas d’un Président de la République venant d’être élu pour se donner la majorité). Deux ont réussi pour le chef de l’Etat. La première fut celle du général de Gaulle en 1962, à la suite d’une motion de censure votée contre le premier gouvernement Pompidou : elle aboutit à l’obtention d’une large majorité. L’autre, décidée le 30 mai 1968, met fin aux troubles révolutionnaires et entraîne un raz-de-marée gaulliste. La troisième, en revanche, fut catastrophique pour le président de la République Jacques Chirac, début 1997 : destinée à consolider une majorité pourtant solide et à relancer son septennat sur de nouvelles bases après un hiver mouvementé. , il avait mené, contre toute attente, à une victoire de l’opposition de gauche. Dans les deux premiers cas, ceux du général de Gaulle, la dissolution fut justifiée par une crise politique, puis un mouvement insurrectionnel. Dans le troisième, celui de Jacques Chirac, rien ne l’imposait et cela se présentait comme un coup d’État politique, que les électeurs ont sanctionné.

La dissolution décidée le 9 juin 2024 par le président Macron est un véritable coup de foudre… Rien ne l’exigeait dans l’immédiat : aucune motion de censure n’a été votée au préalable, comme en 1962 et le pays ne s’est pas retrouvé dans un état d’insurrection et de blocage total comme en 1962. Mai 1968. Certes le fonctionnement de l’Assemblée nationale est chaotique mais avec des majorités de circonstance, le soutien tantôt de la gauche, tantôt de la droite dont le Rassemblement national, plusieurs réformes emblématiques du macronisme ont été votées, par exemple sur la « transition climatique ». », l’immigration ou les retraites, et même l’inscription de l’avortement dans la Constitution. Le système de gouvernement n’est en aucun cas bloqué.

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Par ailleurs, le vote du 9 juin, certes désastreux pour la majorité, concerne le seul Parlement européen. En soi, cela n’a absolument aucun impact sur le fonctionnement des institutions politiques nationales. Dans l’histoire contemporaine, d’autres majorités ont essuyé de cinglants désaveux lors d’élections intermédiaires (européennes ou territoriales) sans jamais déclencher le coup de foudre présidentiel de l’article 12. Le président Macron a donc créé un précédent : celui d’une dissolution en réponse, le jour même, à un vote perdu. élection intermédiaire.

Cette dissolution est particulièrement surprenante par la date à laquelle elle intervient : la veille des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, qui constituent un événement phare de la vie politique nationale, notamment pour les questions de prestige international et de sécurité. Les autorités gouvernementales qui se chargent de sa préparation depuis des mois ou des années ne sont plus sûres de pouvoir poursuivre leur tâche jusqu’au bout.

Cette dissolution semble ouvrir une porte fatale vers l’inconnu. Que se passe-t-il si le RN obtient la majorité absolue ? Le président est-il prêt à gouverner avec un Premier ministre de ce parti ?

Maxime Tandonnet

Alors pourquoi une telle tournure dramatique des événements ? C’est en réalité tout à fait conforme à la politique d’un chef de l’Etat qui avait lui-même annoncé en 2017, après son élection, que sa victoire reflétait « le goût des Français pour le romantisme ». Le sens de cette décision est celui d’un choix d’image personnelle. Le sensationnel doit gommer l’humiliation que représentent la débâcle de la liste Renaissance et le triomphe du Rassemblement national malgré l’investissement personnel du président et de son premier ministre. La mise en scène aux connotations gaulliennes vise à montrer le Président de la République comme un homme de décision et un prince d’audace dans la tempête, et ainsi couvrir l’échec des Européens.

Cette dissolution est le signe d’une confiance en soi poussée à son paroxysme. Le chef de l’Etat entend sans doute mener un front républicain contre « l’extrême droite ». Il compte probablement former une coalition avec la droite LR et le parti socialiste pour réinventer un macronisme de « l’unité nationale contre les extrêmes ». Il pense aussi que les Français, pris à la gorge par ce scrutin législatif au calendrier aussi précipité, ne prendront pas le risque de l’aventure dite « extrémiste » à la veille des JO de Paris.

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Le pari se heurte à trois incertitudes : premièrement, le président a-t-il pleinement compris l’impopularité de sa politique et le niveau de dégradation de son image auprès de l’opinion publique ? Deuxièmement, la droite LR comme les socialistes prendront-elles le risque (suicide) d’un accord électoral autour d’une équipe aussi impopulaire ? Troisièmement, toute la tradition historique française, de Mac Mahon en 1877 à Jacques Chirac en 1997, souligne que les électeurs sanctionnent les dissolutions alors qu’elles constituent, à leurs yeux, des coups d’État politiques. Avant les urnes, comment les Français vont-ils interpréter cette opération ?

En attendant, cette dissolution semble ouvrir une porte fatale vers l’inconnu. Que se passe-t-il si le RN obtient la majorité absolue ? Le président est-il prêt à gouverner avec un Premier ministre de ce parti ? Et quel gouvernement si l’Assemblée nationale sort de ces élections encore plus fragmentée qu’avant ? La France s’apprête-t-elle à plonger, au pire moment, dans un chaos politique absolu ?

 
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