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Le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine sur plusieurs fronts. Fuyant les bombardements de Kharkiv, Anna et sa famille rejoignent la France un mois plus tard. Elle nous raconte son intégration dans le Lot.
Des petits pains à la viande, un gâteau, du thé, du café… Cet après-midi de novembre, Anna et sa famille attendent notre visite avec impatience. Bien installés dans cette petite maison du centre-ville de Cahors qu’ils louent, ils tentent de reconstruire leur vie loin de l’Ukraine. Une vie totalement différente, sans encore savoir s’ils pourront ou voudront un jour rentrer chez eux.
En attendant, ils s’adaptent, loin d’un mari et père resté un moment à la campagne, où il a travaillé dans une usine d’armement, avant de partir en Allemagne pour un autre travail. Loin d’être un frère également qui s’est engagé dans l’armée, pendant un an. Si Anna et ses enfants ne veulent plus trop suivre l’actualité, pour essayer de vivre moins anxieux, le grand-père la tient au courant au quotidien. L’élection de Donald Trump sonne aussi pour lui comme un espoir, il s’y accroche : « Parce qu’il a promis d’arrêter la guerre. Nous voulons y croire», s’inquiète-t-il.
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Car cela fera bientôt trois ans qu’a éclaté le conflit, avec l’invasion russe, le 24 février 2022. Anna n’a rien oublié et souhaite nous montrer des photos des immeubles de son quartier sur son smartphone. « Les premières bombes sont tombées juste à côté de notre maison. Nous avons vécu 15 jours à la cave. Au début, nous ne voulions pas partir, mais l’ambiance en ville était de plus en plus tendue, les bombardements incessants, on le voyait même si les choses allaient empirer », raconte-t-elle en prenant grand soin de s’exprimer en français.
Sans réfléchir, ils ont décidé de fuir Kharkiv
Ils vivaient alors à 60 km de la frontière russe, dans la région de Kharkiv. Un premier vol les emmène, trouvant refuge chez leurs arrière-grands-parents. Mais la situation n’est pas tenable pour cette mère de famille, dont le fils de 17 ans risque de partir prochainement à la guerre, avec peu d’espoir d’y revenir. « Tout était déjà difficile. Un désastre. Alors sans réfléchir, nous avons décidé de partir. Nous avions des connaissances en France, nous nous appuyions sur ce réseau.
La Hongrie, Budapest, la France, puis Toulouse et enfin Salviac. « Pendant quelques jours, nous avons été hébergés chez des locaux », traduit le fils d’Anna dans un excellent français. Et puis, un logement a été mis à leur disposition. Ils y sont restés un an et demi.
Christine Piette, directrice de Soliha Lot, accompagne deux autres familles à Salviac et rencontre rapidement Anna. « En tant que bailleur social, des mesures d’intermédiation locative nous avaient été confiées par l’Etat. Mais Anna n’en a pas bénéficié, car nous n’avons pas géré son dossier.
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Dans la maison cadurcienne d’une grand-mère ukrainienne
Comme par hasard, Soliha venait d’accompagner un Cadurcien dans la restauration de la maison vide de sa grand-mère, d’origine ukrainienne. “Quand je lui ai parlé d’Anna, il a tout de suite dit oui et nous avons organisé leur déménagement.”
« Nous ne savions dire que trois choses : bonjour, bonne journée et merci », se souvient Anna, qui connaît depuis bien d’autres mots en français, mais ne cesse de répéter « Merci France ». Parce que son fils a pu apprendre le français en trois mois. Depuis, il a suivi une formation de développeur informatique. Sa fille de 13 ans va à l’université. Anna a trouvé un emploi chez Phyt’s. Sa mère, quant à elle, est conduite quotidiennement par son mari pour nettoyer les maisons et les bureaux. « Ils sont courageux et exemplaires, un modèle d’intégration. Ils travaillent, gèrent leur bail, paient leurs factures. Et puis, ils ont cette forme de reconnaissance et d’humilité, vouloir nous déranger le moins possible, alors que nous sommes là pour les aider», reconnaît Christine Piette avec émotion.
Tout cela leur rend donc la vie plus simple, pas plus facile. Parce que le mari d’Anna ne peut pas les rejoindre. « Il est venu une fois. Il y a internet pour se voir mais ce n’est pas pareil », avoue l’aîné. En France, ils ont le statut de « déplacés » et doivent renouveler leur titre de séjour tous les 6 mois. « Rentrer à la maison ? Je ne sais pas, je n’y pense pas, c’est trop tôt.
Tous les cinq n’ont qu’un seul espoir : que la guerre prenne fin. « Il faut que cela cesse, mais nous craignons la division du pays. Quels territoires resteront ukrainiens ?», demandent-ils.