«Nous n’avons plus peur»

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Getty Images Andréa Bescond a répondu à Fanny Ardant et à ses commentaires sur Metoo

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Andréa Bescond a répondu à Fanny Ardant et à ses commentaires sur Metoo

VIOLENCE SEXUELLE – Dans une longue interview accordée au magazine Parleur, Fanny Ardant est revenue largement (et à travers) le mouvement MeToo. Une interview intitulée “Je n’ai jamais voulu être une victime” qui piétine le mouvement propre au cinéma et ses porte-drapeaux Judith Godrèche et Juliette Binoche, mais aussi toutes les victimes de violences sexuelles en général.

Réagissant notamment à l’échec du nouveau film de Roman Polanski Palais dans lequel elle joue, la comédienne n’a pas mâché ses mots. ” Cette société accepte silencieusement ce mouvement #MeToo parce qu’elle a peur. La peur et le profit mettent les gens à genoux. Vous pouvez attaquer n’importe qui, personne ne bougera pour le défendre car chacun protège ses intérêts », accuse Fanny Ardant qui ne cache pas dans quel camp elle se trouve. Et ce n’est pas celui des victimes.

Andréa Bescond, césarisée pour son film Chatouilles, et une figure du mouvement féministe lui répond. Pour HuffPost, elle explique ce que l’interview de Fanny Ardant implique pour les victimes de violences sexuelles.

HuffPost. Faites-vous partie des personnes choquées par les propos de Fanny Ardant ?

Andréa Bescond. Je pense que c’est le genre de discours qui devrait être rendu invisible. L’entendre dire des choses comme ça ne m’affecte pas. Au contraire, je suis fier de proclamer qu’elle a tort, qu’il faut extraire ces agresseurs de l’industrie cinématographique. Je veux lui dire » Vous vous trompez Fanny Ardant, on n’a plus peur. » C’est drôle qu’elle dise que nous vivons désormais dans un monde régi par la peur. C’est tout le contraire dans la réalité. Nous, féministes, femmes et hommes, prononçons ce mot haut et fort parce que nous n’avons plus peur. Ne plus avoir peur de perdre nos postes, de modifier nos carrières pour sauver notre intégrité, afin que nos enfants et les générations suivantes soient mieux protégés.

« C’est certainement désagréable de se rendre compte à la fin de sa vie qu’on ne fait pas partie de ceux qui ont fait bouger les choses. »

Est-ce un conflit générationnel qui justifierait cette prise de parole ?

Il est presque trop tard pour que ces personnes ouvrent aujourd’hui les yeux sur la réalité de ce qu’elles ont vécu. Elle a 75 ans, et elle se dit probablement « Ah merde, le monde a changé, et je n’ai absolument pas participé à ce mouvement « . Peut-être que Fanny Ardant se dit vraiment que c’est scandaleux ce qui se passe, ces femmes qui « mettent ces hommes à genoux ». Même si Polanski est toujours accusé par dix femmes, en termes de palmarès, c’est mieux que les César. Il peut aussi y avoir un grand déni, une acceptation de la violence, je ne le connais pas personnellement. Je ne sais pas ce qu’elle a pu traverser. Mais je pense qu’il y a une vraie colère en elle.

Vous pensez à une colère personnelle à propos du film Palais ?

Elle a dû imaginer que ce film de Polanski allait créer un buzz incroyable. Là, elle se rend compte que très peu de cinémas veulent le distribuer, que l’ère Polanski, des cinéastes agressifs, est révolue. Elle se dit certainement « Il y a un vrai déclin de l’ancien monde dans lequel je vivais bien, j’existais, j’étais une star. Même dans mon environnement qui a toujours protégé ces hommes agresseurs, ça y est, Polanski, on ne veut plus de lui, Depardieu, on ne veut plus de lui. Bon sang, peut-être que je ne suis pas du bon côté. Dommage, coûte que coûte, je continuerai à défendre ce que j’ai toujours défendu, car mon honneur et ma réputation sont attaqués.». C’est certainement désagréable à la fin de sa vie de se rendre compte qu’on ne fait pas partie de ceux qui ont fait bouger les choses. Alors peut-être que cela l’aide à dormir la nuit, en pointant les autres du doigt.

Fanny Ardant s’en prend au MeToo du cinéma. Considérez-vous cela comme un refus du changement ?

Nous dire que nous avons peur et que nous sommes à genoux, que c’est du maccarthysme, est ridicule. Mais il faut savoir d’où ça vient. De quelqu’un d’un certain âge, qui vivait heureux dans ce vieux monde, où les agressions faisaient partie du système. Peut-être qu’il y a un peu de honte aussi quand elle voit cette nouvelle génération dire « Non, nous ne voulons pas qu’on nous pelote le cul. En fait, ça s’appelle une agression. On ne veut pas se mettre le doigt dans le froc, ce n’est pas notre truc. Tu ne veux pas non plus être obligée de te faire violer sur un plateau pour le plaisir du cinéma « . Nous choisissons le monde de la préservation de l’intégrité psychologique, physique et sexuelle d’une personne et d’un travailleur du cinéma.

« On sait aujourd’hui qu’avant d’être entendues, les propos des victimes sont critiqués. C’est le jeu, c’est le patriarcat qui se défend. »

Et que répondez-vous aux accusations de « violences » visant les féministes ?

Les suffragettes ont déclenché des bombes, on a fait des posts sur les réseaux sociaux, on a créé des hashtags, on a fait des manifestations très douces en prévenant les préfectures. Tout au plus, il y a des actions de Femen seins nus avec des slogans sur le corps. C’est impressionnant de renverser la situation et de prétendre que nous, les néo-féministes, sommes les plus violents. Prétendre que les autres détruisent les carrières et les gens est l’arme du patriarcat. Mais on se défend en prenant la parole, en déposant des plaintes – même si la grande majorité est déboutée – en rencontrant les ministres ou le Président, en dialoguant. Nous essayons de lutter au sein de ce système, nous n’essayons même pas de le renverser.

Fanny Ardant est encore aujourd’hui une icône du cinéma. Selon vous, son discours pourrait-il avoir un certain impact ?

C’est toujours dommage, quand on attend de ces femmes qui sont nos grandes sœurs, qu’elles nous inspirent, qu’elles s’élèvent contre ce vieux monde hyper-patriarcal et agressif. C’est toujours décevant pour un personnage aussi important, avec son parcours et l’admiration qu’on lui porte. Mais on sait aujourd’hui qu’avant d’être entendues, la parole des victimes est critiquée. C’est le jeu, c’est le patriarcat qui se défend. Il y aura toujours des femmes qui défendront les hommes violents. J’appelle les victimes qui ont parlé ou pas encore, à prendre conscience que c’est normal, dans toutes les luttes. Mais contrairement à ce que dit Fanny Ardant, personne ne veut être une victime. Ce n’est pas un souhait dans la vie. C’est un test.

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