Un morceau de France en Terre Sainte est au centre de tensions diplomatiques entre Paris et Tel-Aviv. La visite à Jérusalem du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, jeudi 7 novembre, a été interrompue après que la police israélienne “armé” et “sans autorisation”selon lui, il aurait pénétré dans un site religieux appartenant à la France.
L’accident s’est produit à l’intérieur des limites du domaine national d’Éléona, propriété de la France depuis le XIXème siècle. Le site est situé sur le Mont des Oliviers à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville occupée et annexée par Israël depuis 1967. Il est l’un des quatre hauts lieux de spiritualité appartenant à la France dans la Ville Sainte, aujourd’hui gérés par les Français. consulat général à Jérusalem.
La domination française en Terre Sainte
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, la France acquiert quatre possessions à Jérusalem, principalement dans la partie orientale de la ville. La première à devenir propriété privée de l’État français fut l’église Sainte-Anne, offerte en 1856 à Napoléon III par le sultan ottoman Abdülmecid Ier, en signe de gratitude pour son soutien lors de la guerre de Crimée.
Cette église romane, construite par les croisés au XIIe siècle, fut le théâtre de précédents affrontements entre la France et Israël à deux reprises. Jacques Chirac, en visite à Jérusalem en 1996, a refusé d’entrer dans le bâtiment jusqu’à ce que les soldats israéliens armés qui s’y trouvaient aient quitté le bâtiment. Une scène similaire s’est produite en janvier 2020, lors de la visite d’Emmanuel Macron, qui a à son tour appelé les services de sécurité israéliens à quitter la domination française.
La France possède également le domaine d’Éléona, au centre de nouvelles tensions diplomatiques entre la France et Israël. Le site fut acquis une première fois à la fin du XIXème siècle par la princesse Héloïse de la Tour d’Auvergne qui y fit construire un cloître, conçu par Eugène Viollet-le-Duc. Ceci encadre la grotte, considérée par tradition comme le refuge du Christ à Jérusalem et le lieu de l’enseignement du Pater aux disciples. La princesse en fit don à l’État français en 1868.
Troisième domaine national de Jérusalem, le Tombeau des Rois est le seul site israélite des quatre enclaves françaises de Terre Sainte. Le site fut fouillé en 1863 par des archéologues français et acheté par la famille Pereire qui l’offrit à l’État français en 1886.
Depuis 1873, la France possède enfin le monastère d’Abou Gosh, ancienne commanderie croisée avec église et crypte, construite au XIIe siècle par les Chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean. Situé à l’ouest de Jérusalem, le domaine fut offert à la France par l’Empire ottoman en compensation de la perte de l’église Saint-Georges-de-Lod, donnée aux grecs orthodoxes en 1871.
Les institutions pieuses de Rome et de Lorette
La possession française de lieux de culte à l’étranger ne se limite pas à Jérusalem. L’État possède cinq propriétés ecclésiastiques romaines à travers les Pies Établissements de France à Rome et Lorette, fondation placée sous la tutelle de l’Ambassade de France au Vatican.
Ils comprennent aujourd’hui l’église Sainte-Trinité-des-Monts, l’église Saint-André-et-Saint-Claude-des-Francs-Comtois-de-Bourgogne, l’église Saint-Louis-des-Français, l’église de Saint-Nicolas-des-Lorrains, église Saint-Yves-des-Bretons. Les Pieux Établissements administrent également 13 bâtiments dans le centre historique de Rome, dont les loyers (environ 4,5 millions d’euros par an) servent à préserver le patrimoine français et les prêtres et religieux qui le font revivre.
La fondation a été critiquée pour sa gestion « approximatif, inefficace et risqué » des biens ecclésiastiques français à Rome, dans un rapport de la Cour des comptes publié en septembre.
Patrimoine non religieux
Il existe d’autres petits bouts de France disséminés à travers le monde, mais qui ne sont pas des sanctuaires religieux. C’est le cas de la Villa Médicis à Rome, ou encore de la forêt du Mundat à la frontière franco-allemande dont une partie se situe en Allemagne.
L’île britannique de Sainte-Hélène, située dans l’océan Atlantique entre l’Angola et le Brésil, abrite également des bâtiments et des terrains liés à l’exil de Napoléon Ier et appartenant à l’État français depuis 1857.
Enfin, la maison de Victor Hugo sur l’île de Guernesey est également propriété française – plus précisément de la municipalité de Paris – sous le contrôle de la Couronne britannique.