« Water et Zan ne se parlent pas. » Fondateur du bureau d’études Alisé Géomatique, Hélène Durand met systématiquement le pied dans la fourmilière des urbanistes et hydrologues. Elle se réjouit aujourd’hui de ne plus prêcher dans le désert, comme l’illustre un récent appel d’offres du Grand Lyon : « A l’occasion d’une actualisation de sa cartographie du végétal dans la ville, la collectivité montre enfin « un exemple de intégrer les données sur les eaux pluviales dans une stratégie globale d’aménagement », se réjouit le géomaticien.
Risqu’O, un programme fondateur
Sur le long chemin qui avance peu à peu la légitimité de sa démarche, l’étape clé s’appelle Risqu’O. Soutenue par la région Occitanie en 2019 via son agence de développement économique Ad’occ, Hélène Durand a autofinancé 70% des travaux de recherche qui portent ce nom, dans une démarche ouverte rejointe par le département de l’Aude, l’établissement public territorial de bassin Mixte. Union des Milieux Aquatiques et des Rivières (EPTB-SMMAR) et l’agglomération de Carcassonne (Aude).
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Tout le monde a voulu tirer les leçons des inondations meurtrières de 2018 à Trèbes, en radiographiant le bassin versant voisin du Fresquel (Aude). Grâce au logiciel open Source Lizmap qu’elle a contribué à finaliser, la fondatrice deAlisé Géomatique cartographie les risques de ruissellement à partir de données d’occupation des sols extrêmement détaillées. Traversée par les écoulements pluviaux, la classification des zones agricoles par type d’activité fournit des informations précises, pour définir la vocation des sols, au regard des risques de ruissellement.
Opportunité manquée
Il manque cependant un acteur dans cette première étape : les services de l’État.. Hélène Durand le regrette d’autant plus qu’elle avait participé, dans les années précédant Risqu’O, aux prémices de l’élaboration de l’outil national de mesure de l’occupation du sol à grande échelle : l’OCS-GE, référence officielle dans le calcul de artificialisation, dans la foulée de la loi Climat et Résilience d’août 2021.
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Cette défection a contribué à maintenir un trou dans le racket de la prévention des risques d’inondationen l’absence d’échanges entre hydrologues et acteurs de la lutte contre l’artificialisation des terres. « Faute de capacité à contrôler l’étanchéité à l’échelle intra-parcellaire, l’OCS-GE manque de robustesse face au risque inondation », précise Hélène Durand.
Projet pilote dans les Hauts-de-France
D’où la tactique d’Alisé Géomatique, consistant à réduire ce fléau en s’appuyant sur des projets de territoire. Sa prestation la plus récente concerne l’élaboration d’un plan de cohérence territoriale (Scot) dans le Nord, où le bureau d’études travaille avec un hydrogéologue, aux côtés de l’association de Douais pour la promotion des techniques alternatives en matière d’eaux pluviales (Adopta), un ouvrage du phase d’essaimage dans la moitié nord de la France.
La question posée par l’appel d’offres répond exactement aux objectifs d’Alisé Géomatique : « Comment anticiper la trajectoire de développement, à la lumière des ressources en eau de demain, du territoire écossais ? » « Les données récoltées auront permis d’appréhender la solidarité amont et aval au-delà des frontières administratives de ce territoire très peuplé, plusieurs fois touché par trop et pas assez d’eau »testifies Hélène Durand.
Adieu au pipe-centric
Outre la bonne utilisation de l’outil sur le plan technique, sa satisfaction découle de la gestion politique et gouvernance démocratique du projet territorial : « Chaque acteur a exprimé sa vision associant l’eau et le Zan. Nous arrivons à un diagnostic à 360° qui couvre toutes les problématiques : périmètres de captage, trajectoire des espaces naturels agricoles et forestiers, étanchéité et formes urbaines, voirie, capacités de traitement des eaux usées, secteurs en tension, etc.
Alors que Risqu’O se heurte à une absence de réponse immédiate, Hélène Durand envisage avec espoir ce qu’elle appelle « la fin de l’approche canalisée » dans la gestion des eaux pluviales. De 2025 à 2030, les 12èmes programmes des agences de l’eau offrent, selon elle, l’opportunité d’un changement d’échelledans ce registre.