Qu’est-ce que le deuxième mandat de Donald Trump va changer pour les alliés américains en Asie ? Qu’il s’agisse de Taïwan, du Japon ou de la Corée du Sud, tous ces pays ont félicité le vainqueur des élections présidentielles américaines, souhaitant que l’alliance étroite avec Washington se poursuive et se renforce à l’avenir. Mais la crainte est là : lors de sa campagne, l’isolationniste Donald Trump a rappelé que les pays asiatiques profitant du « parapluie » de protection américain devraient plutôt compter sur eux-mêmes. Et il a notamment exhorté Taïwan à payer pour se défendre contre la Chine. L’expert en géopolitique, Emmanuel Véron, enseignant-chercheur associé à l’Inalco, répond à Heike Schmidt.
RFI : Avec Donald Trump à la Maison Blanche, l’île de Taïwan doit-elle craindre de perdre son principal allié au profit d’une Chine de plus en plus menaçante ? ?
Emmanuel Véron: Taïwan est un sujet absolument fondamental dans la rivalité sino-américaine, notamment au vu des pressions chinoises quotidiennes. Et dans ce contexte, rappelons le maintien dans le temps des garanties de sécurité américaines, notamment le Taiwan Relations Act qui a été signé et dicté en 1979. Depuis 1979, ce cadre juridique et ce soutien aux garanties américaines ont été maintenus avec une certaine agilité au fil des années. du temps, avec de la formation, du matériel, car le Échine vise à neutraliser ce type de soutien. Désormais, en effet, l’administration Trump s’intéressera aux liens d’interdépendance, notamment sur les microprocesseurs, les semi-conducteurs et les technologies avancées taïwanaises, sans pour autant abandonner Taïwan. L’administration américaine n’a aucun intérêt à abandonner Taïwan et à favoriser stratégiquement une Chine qui veut dépasser complètement la puissance américaine d’ici 5 à 10 ans. On a donc ce jeu où Taiwan est un peu le centre de gravité de cette relation sino-américaine.
Et qu’en est-il de la menace de Donald Trump de facturer davantage les armes américaines livrées à Taiwan ?
Le sujet des montants des échanges commerciaux, et notamment du soutien militaire, a été évoqué. La question est évidemment en négociation. Mais derrière tout cela, ce qui est intéressant, c’est le contexte stratégique où règne un intérêt particulièrement fort à garantir la sécurité et à soutenir Taiwan dans sa singularité dans les relations internationales.
Pour autant, la Chine peut-elle espérer un désengagement américain de l’Indo-Pacifique pour renforcer son contrôle sur cette région ?
Quand on regarde le premier mandat de Donald Trumpil y a l’installation d’un vrai sujet, d’une vraie politique vis-à-vis de la Chine, et notamment à travers le renforcement des alliances stratégico-militaires en Asie-Pacifique avec le Japon, la Corée du Sud, Taiwan que nous avons évoqué, mais également des Philippines. Cela signifie renforcer les exercices conjoints, renforcer les relations diplomatiques, y compris dans le domaine du renseignement, en bref, parce que c’est une priorité stratégique et militaire pour les ÉTATS-UNIS. On voit donc mal l’administration Trump revenir sur ces sujets. Alors, au contraire, il faut observer de près le renforcement de ces mêmes liens avec un complément de militarisation, un complément de renseignement avec ces pôles de puissance asiatique que sont le Japon, la Corée du Sud ou des pays intermédiaires comme les Philippines associés auxquels on retrouvera Australie et Inde, et nous arrivons ici au nouveau « minilatéralisme » de la part des organisations internationales comme Aukusqui sont des partenariats stratégiques-militaires et commerciaux.