Angelo Iacono et le comble de la bêtise

Angelo Iacono et le comble de la bêtise
Angelo Iacono et le comble de la bêtise

« La bêtise humaine est la seule chose qui donne une bonne idée de l’infini », écrivait Ernest Renan. Parfois, c’est tellement énorme qu’on se demande s’il faut en rire ou en pleurer.

En 2019, Sonia LeBel, alors ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, avait commis une gaffe embarrassante en déclarant que « le Québec est la seule province bilingue au Canada ». Nous avons charitablement accepté de croire qu’il s’agissait d’un lapsus.

Il n’y avait cependant aucune ambiguïté dans les propos tenus jeudi dernier par le député libéral fédéral d’Alfred-Pellan, Angelo Iacono, à Ottawa, lors d’une réunion du Comité permanent des langues officielles. «Je crois que le Québec, et je crois que le Canada, devrait être un pays bilingue, pour être plus fort et pas seulement être une province unilingue francophone, parce que là, vous excluez d’autres personnes qui veulent apprendre le français», a-t-il déclaré.

Ce n’est pas souvent qu’on trouve autant d’absurdités dans une même phrase.

Optez pour le Canada, mais comment le Québec serait-il plus fort en diluant sa spécificité dans l’ensemble anglo-canadien et comment le fait que le français soit sa seule langue officielle est-il susceptible d’exclure ceux qui le souhaitent ? apprendre ?

*****

M. Iacono faisait partie des députés libéraux qui ont « rempli » le comité pour éviter l’exclusion de leur collègue de Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin, qui avait qualifié de « pleins de conneries » deux chercheurs québécois venus témoigner là-bas.

D’ailleurs, certains pourraient voir dans ses propos une confirmation des conclusions de ces chercheurs, Frédéric Lacroix et Nicolas Bourdon, selon lesquelles la fréquentation des établissements d’enseignement postsecondaire anglophones du Québec contribue à son anglicisation.

On peut penser que son plaidoyer en faveur du bilinguisme semble plus inspiré par ses années passées à McGill et à l’Université d’Ottawa que par son passage à l’UQAM. Il est vrai que M. Iacono n’est pas un « enfant de la loi 101 ». Il entra à l’école à une époque où le libre choix de la langue d’enseignement était la règle et la communauté italienne en profita pour envoyer systématiquement ses enfants à l’école anglaise.

À moins de m’éloigner complètement du sujet, un député représentant une circonscription située à Laval ne peut cependant pas ignorer à ce point la dynamique linguistique du Québec et la difficulté d’intégration des nouveaux arrivants, qui s’est encore accrue avec l’afflux d’immigrants temporaires. .

Beaucoup soutiennent que l’important n’est pas la proportion de ceux dont la langue maternelle est le français, mais plutôt ceux qui l’utilisent dans l’espace public. Mais pouvoir utiliser une langue et la défendre sont deux choses différentes. M. Iacono se dit lui-même bien intégré à la majorité francophone, mais il ne se soucie clairement pas de son avenir.

Revenir à la situation d’avant 1974, lorsque la loi 22 faisait du français la seule langue officielle du Québec, ruinerait subitement 50 ans d’efforts. Reconnaître le bilinguisme, ce qui reviendrait à annuler la loi 101, serait tout simplement suicidaire.

Si l’anglais avait également le statut de langue officielle, son utilisation ne pourrait être soumise à aucune restriction. Cela signifierait l’inscription massive d’enfants immigrants et d’un grand nombre de francophones dans les écoles anglophones, ainsi qu’une anglicisation accélérée des lieux de travail et du visage de Montréal.

*****

Ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’un électron libre dit une bêtise. Lundi encore, Pierre Poilievre a dû repousser un de ses députés albertains qui avait remis en question le droit à l’avortement, réitérant pour la énième fois qu’un gouvernement conservateur ne rouvrirait pas la question.

En revanche, les propos de M. Iacono ne semblent pas susciter plus d’émotion dans les rangs libéraux que ceux de M. Drouin. Le leader parlementaire du gouvernement Trudeau, Steven MacKinnon, a simplement déclaré que le Parti libéral du Canada avait un « dévouement » envers « nos deux langues officielles du pays ». Le lieutenant québécois de M. Trudeau, Pablo Rodriguez, n’a pas non plus désavoué son collègue d’Alfred-Pellan.

Selon la députée bloquiste de Manicouagan, Marilène Gill, la multiplication des faux pas linguistiques révèle un problème culturel au sein du Parti libéral du Canada. Avant ceux de MM. Drouin et Iacono, c’était la députée de Saint-Laurent, Emmanuella Lambropoulos. Elle a dû démissionner du même Comité permanent des langues officielles pour avoir nié le déclin du français au Québec.

Il faut dire que M. Trudeau lui-même n’a pas donné l’exemple d’une grande considération pour le français en nommant un gouverneur général incapable de le parler — et un lieutenant-gouverneur unilingue anglophone au Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue au Canada.

Le pire, c’est qu’il ne semble même pas s’en rendre compte. Ou qu’il s’en fiche du tout.

A voir en vidéo

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV moins de 2 000 personnes mobilisées dans le Tarn
NEXT Football. Arthur Poincet, CTD 79, mobilisé pour la journée nationale des débutants