Joël SAGET / AFP / Grasset
Huit ans après « Petit Pays », Gaël Faye publie son deuxième roman, « Jacaranda », aux éditions Grasset.
Livres – Écrivez pour les morts et ne les oubliez pas. Écrivez aussi pour les vivants que l’horreur indicible a réduit au silence. Gaël Faye a remporté le prix Renaudot ce lundi 4 novembre pour son deuxième roman Jacaranda publié cet été aux Editions Grasset. Confirmation de succès pour l’écrivain franco-rwandais, également rappeur, huit ans après Petit pays et son prix Goncourt des lycéens.
Dans son premier roman en 2016, Gaël Faye emmène ses lecteurs au Burundi en 1993. Il raconte la guerre civile dans son pays natal puis le génocide des Tutsis au Rwanda à travers le regard d’un jeune garçon contraint à l’exil. Tout comme Gabriel dans Petit payset comme l’auteur lui-même, le narrateur de JacarandaMilan, est né d’une mère rwandaise et d’un père français.
Mais la ressemblance s’arrête là. Car les massacres qui ont stoppé l’enfance de Gabriel, Milan ne les a vus qu’à travers un écran de télévision. Gaël Faye prend cette fois pour narrateur un double national qui n’a connu que la France et ignore la moitié de ses origines.
« Il ignore son histoire. Et lorsque des conflits surgissent, on confond souvent ignorance et indifférence. »» raconte Gaël Faye dans une vidéo pour Grasset. Mais Milan veut comprendre, malgré sa vie confortable à Versailles et le silence de sa mère sur son passé.
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Jacaranda, ou le Rwanda à travers les âges
Jacaranda suit sa quête de 26 ans, à la recherche de ses racines et à la découverte d’un pays plus grand que les trois mois les plus sombres de son passé. Au fur et à mesure que le narrateur grandit, il retrace l’histoire du Rwanda à travers cinq générations de personnages.
Il y a la jeune Stella, une Rwandaise née après le génocide, qu’il a connue bébé et que l’on voit atteindre l’adolescence. Claude, qui a l’âge de Milan mais a une vie diamétralement opposée car il a perdu toute sa famille en 1964 et doit construire sa vie de jeune adulte dans un pays en ruine. Tante Eusébie, un personnage déjà présent dans Petit paysqui a choisi de rester au Rwanda après le meurtre de ses quatre enfants. Et la grand-mère d’Eusébie, Rosalie, rare témoin des derniers souverains et de la cour de Nyanza, qui a connu le pays avant l’invention des cartes d’identité « ethniques » par les colons belges.
Cette histoire multigénérationnelle rappelle que le génocide des Tutsis n’est pas une parenthèse figée entre le 7 avril et le 17 juillet 1994. Pour Gaël Faye, « c’était aussi une manière de remonter à la Source de la racialisation du peuple rwandais, avec la conséquence la plus dramatique possible. » Jacarandadont les dernières pages se déroulent en 2020, regarde aussi vers l’après. L’écrivain interroge le rapport de la jeunesse rwandaise aux commémorations annuelles qui durent un mois, montre la modernisation rapide de Kigali et rappelle le rôle de justice transitionnelle des gacaca, ces tribunaux de village qui jugeaient les bourreaux des Tutsis.
Le poids du silence
Au fil des décennies, Milan s’enracine dans ce pays qui est aussi le sien, à l’image des jacarandas, ces arbres au feuillage violet qui donnent leur nom au roman. Mais si Gaël Faye raconte avec délicatesse un pays qui se reconstruit grâce aux liens humains, Jacaranda « c’est aussi l’histoire du silence des familles, à l’ombre desquelles on grandit ».
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La mère du narrateur préfère garder le silence plutôt que de revivre ses traumatismes en en parlant. C’est le poids de son silence qui pousse Milan à vivre au Rwanda. Un élément autobiographique du livre : « Partir vivre au Rwanda, c’était renouer avec l’histoire familiale de ma mère, dont une partie m’était cachée. […] Je me suis senti confronté au silence »a déclaré Gaël Faye dans un entretien avec Livres hebdomadaires juillet dernier.
« Jacaranda est une tentative de mettre en cohérence mes trente dernières années avec le Rwanda »explique-t-il, admettant qu’il ne sait même pas si sa mère a lu Petit pays : “Elle ne m’en a jamais parlé”. Conscient de l’importance de la parole, Gaël Faye écrit pour lui et pour ceux qui ne peuvent pas, ou plus. Il décrit les réalités du stress post-traumatique pour les survivants et leurs descendants : le syndrome d’évitement qui nous enferme dans le silence mais aussi les épisodes dépressifs et les syndromes de revivre.
« Ce n’est pas un roman sur le génocide. C’est un roman sur les répercussions d’une violence extrême, à l’échelle humaine.il note à Grasset. L’auteur insiste : il ne s’agit pas d’un “Histoire du Rwanda” mais d’un “Histoire universelle”. Jacaranda » résonne d’autant plus fortement à la lumière d’autres tragédies récentes, de Gaza au Haut-Karabakh. Les répercussions de cette violence extrême sont encore à venir. La plume de Gaël Faye porte l’espoir de pouvoir, un jour, se reconstruire.
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