« Un an après Thomas, nous avons encore perdu un joueur violemment, c’est terrible. On se demande pourquoi eux, pourquoi notre club, à deux reprises. C’est injuste. » Au stade Donnadieu de Romans-sur-Isère (Drôme), le co-président du RC Romans-Péage, Tristan Tardy, rumine ses pensées, le regard dans le vide, tourné vers les bougies posées au bord de la pelouse en souvenir de Nicolas Dumas.
Les tirs étaient également dirigés vers la file d’attente où se trouvait Nicolas Dumas, avec deux autres amis du RC Romans-Péage, qui espéraient rejoindre une dizaine d’autres rugbymen ayant réussi à revenir. Une des balles a touché Nicolas à la tête. Tandis que ses amis lui viennent en aide, le tireur s’enfuit à bord d’une voiture pour l’instant non identifiée. L’enquête a été confiée au DCOS de Valence.
« Un gars bien, aimé et respecté de tous »
Le club de rugby du RC Romans-Péage a été une nouvelle fois frappé par le drame alors qu’il allait commémorer le décès de Thomas Perotto, licencié de 16 ans évoluant en équipe de jeunes, tué d’un coup de couteau lors d’un bal à Crépol en novembre. 19, 2023.
En ce beau dimanche ensoleillé, son coprésident Tristan Tardy a ouvert les portes du stade pour permettre aux amis de la victime de prier. Un portrait de Nicolas a été placé contre les vestiaires, face au terrain. Des bougies rouges ornées de quelques mots brûlent lentement à mesure que le jour s’écoule. “Pour toujours dans mon coeur petit frère”, “Merci pour ta sympathie mon petit Nico l’asticot”, peut-on lire sur certains.
« Je ne suis pas surpris par toute cette attention portée à lui. Nicolas était une personne très respectueuse, très humaine, très polie, souligne Tristan Tardy. Il a tenu à me saluer, même s’il a dû traverser tout le terrain. C’est un bon gars dans l’ensemble, comme tous les joueurs ici. Aimé et respecté de tous. »
« Il étudie le rugby avec nous depuis 2008, poursuit Patrick Bodoin, l’autre co-président du club. C’est sa maison. Il a évolué avec l’équipe senior fédérale 3, au centre ou sur l’aile. Ce n’est pas un grand gars mais un joueur très sympa, avec un excellent soutien. D’ailleurs, ses coéquipiers l’avaient surnommé Kolbe, du nom d’un fort joueur de rugby sud-africain. C’était un gagnant qui a tout fait pour avancer sur le terrain. Il blesse l’adversaire tout en étant juste, toujours prêt à désamorcer un combat. »
Tristan Tardy ajoute : « Le club de rugby, c’est plus que du sport, c’est de l’éducation. Nous menons des actions contre les discriminations, dans les écoles, les quartiers défavorisés, auprès des personnes handicapées. Nous avons une convention avec le centre pénitentiaire de Valence pour aider à la réinsertion des détenus. Nous en avions presque fini avec Thomas. Nous avions commencé à enlever les fleurs. Cela ramène la douleur, comme si quelqu’un ouvrait une plaie. Nous nous sentons impuissants, abasourdis. Je ne peux même pas parler de colère, c’est plutôt du découragement. Que dirons-nous aux gars dans le vestiaire lors du prochain match : Allez les gars, gagnez ? Cela n’a plus de sens… Le match risque d’être reporté. Le week-end prochain, il y aura peut-être les funérailles. La saison est gâchée. »
« Perdre un enfant est une blessure qui ne guérira jamais »
« J’adorerais jouer pour lui, malgré tout. La vie doit continuer”, pense l’un de ses coéquipiers, venu la nuit tombée avec d’autres membres du club, qui n’ont pas souhaité s’exprimer davantage. “Nous sommes dégoûtés”, déclare l’un d’eux, qui porte un tee-shirt à l’effigie de Thomas Perotto. Mardi, ils bénéficieront d’une cellule psychologique au club. “Surtout pour ceux qui étaient avec Nicolas”, explique Tristan Tardy. Ils ont essayé de lui prodiguer les premiers soins, ils étaient couverts de son sang. Mais quand quelqu’un reçoit une balle dans la tête, que faire ? »
Tout au long de la journée, les habitants de Romans se sont retrouvés nez à nez avec le portrait souriant de Nicolas. « Un gars de 22 ans, plein de vie, qui voulait juste vivre… et maintenant il n’est plus de ce monde. Quand on va en boîte de nuit, c’est pour s’amuser, pas pour se faire tirer dessus. Mais que pensent les gens qui viennent avec une arme à feu et tirent sur des enfants ? », demande Christine. « Ils restent impunis, nos politiques ne font rien. Je pense aux parents de Nicolas, perdre un enfant est une blessure qui dure toute la vie et qui ne guérira jamais. »
« C’est le rugby local qui est en deuil, même pas un an après Thomas », s’attriste Pierre Strapazzon, manager d’un club de la région, qui a tenu à venir lui rendre hommage. Nous ressentons beaucoup de tristesse. Nicolas était là au mauvais endroit, au mauvais moment. Il n’avait rien fait pour recevoir une balle dans la tête. »