Kamel Daoud publie un troisième roman intitulé Hourispublié chez Gallimard le 15 août 2024, orientant la rentrée littéraire. Après avoir remporté le prix du meilleur roman français de la revue culturelle Transfuge et le Prix des Lecteurs Landerneau 2024, cet ouvrage obtient le Prix Goncourt 2024. Il remercie, dans les premières pages, “les gens de Sciences Po qui ont donné refuge à cet écrit». C’est un honneur pour l’école de lui avoir donné un cadre pour écrire ce magnifique texte et de le compter parmi ses professeurs. Nul doute que ses cours sur le journalisme, l’écriture ou les relations franco-algériennes sont une Source d’inspiration pour les étudiants de Sciences Po.
Houris retrace le parcours d’Aube, un jeune algérien qui doit souvenir de la guerre d’indépendancequ’elle n’a pas vécu et qu’elle a oublié la guerre civile des années 1990qu’elle a elle-même vécu. Son drame est marqué sur son corps : une cicatrice au cou et des cordes vocales détruites. Muette, elle rêve de retrouver sa voix. Elle ne peut raconter son histoire qu’à la fille qu’elle porte dans son ventre. Mais a-t-elle le droit de garder cet enfant ? Pouvez-vous donner la vie alors qu’elle vous a presque été enlevée ? Dans un pays qui a adopté des lois pour punir quiconque parle de guerre civile, Aube décide de se rendre dans son village natal, là où tout a commencé, et où les morts lui répondront peut-être.
Kamel Daoud et Sciences Po
Il y a près de 10 ans, le journaliste et chroniqueur devenait auteur avec la publication d’un premier roman, Meursault, contre-enquête (éditions Actes Sud), pour lequel il a reçu le Prix Goncourt du premier roman. En 2017, il a publié Zabor ou les Psaumes (éditions Actes Sud) qui a remporté le Prix Méditerranée. En 2019, il a remporté le Prix mondial Cino del Duca pour son travail.
La même année, il devient le premier titulaire du chaire d’écrivain en résidence à Sciences Po. C’est le premier chapitre d’une longue histoire qui s’écrit entre l’écrivain et l’institution et qui prend la forme d’enseignements, de masterclasses et de dialogues avec les différents publics de Sciences Po.
Il dispense notamment des cours aux étudiants du Maison des Arts et de la Création (« L’écriture et la construction du sens » en 2019, puis « Un roman rétroactif ou comment démonter le livre pour écrire le sien » en 2024), ainsi qu’aux étudiants du Collège universitaire (« La guerre imaginaire d’Algérie ou comment penser aux autres selon soi » en 2024). Elle propose également des ateliers d’écriture aux étudiants en formation continue de l’Executive Education de Sciences Po.
En 2019, il donne des masterclasses sur Reims and Menton campuses sur les notions d’écriture engagée et de créativité et aborde l’exil (sous un angle à la fois politique et littéraire) avec la promotion deétudiants réfugiés à Sciences Po. La même année, il participe à un échange avec Enrico Letta, alors doyen de l’École des affaires internationales (PSIA) à Sciences Po, sur l’actualité algérienne. En 2024, il revient à Menton pour une conférence dans le cadre des Conférences de Menton organisées en lien avec le campus de Sciences Po, et participe également à des rencontres dans les lycées Convention Prioritaire partenaires de Sciences Po.
Nous avons choisi quatre faits marquants qui marquent la présence de Kamel Daoud à Sciences Po et qui permettent de découvrir autrement son travail et sa pensée.
Une leçon inaugurale sur la littérature et l’universalité
En 2019, le comité de sélection du chaise d’écrivain en résidence choisit à l’unanimité Kamel Daoud comme premier titulaire. Dans sa leçon inaugurale, il convoque la figure biblique de Jonas, envoyé par Dieu pour convertir les habitants de la ville de Ninive, à s’interroger sur la compétence universelle de la littérature, du roman et de son écrivain.
Pour Kamel Daoud, un moment clé pour tout candidat à l’écriture est de réussir «transformer l’histoire de soi en histoire de l’autre, de tous les autres. La formule est prétentieuse, mais il faut s’y consacrer. Écrire, c’est aussi ouvrir la conscience.» Il ajoute : «Une des règles de la créativité est le décloisonnement de la conscience, l’obligation de voyager à contre-courant de son monde et de risquer la tempête et le hasard..
Dialogue with Marie Darrieussecq
Au terme de son semestre de chaire d’écrivain en résidence, Kamel Daoud passe le relais à Marie Darrieussecq le 16 septembre 2019. L’occasion, pour ces deux grands écrivains de la littérature française, d’évoquer leur rapport à la langue française. Pour Kamel Daoud, le français est la langue dans laquelle se réfugie son corps, le «langage de la clandestinité, de la découverte de l’ailleurs et du voyage à petit prix». Pratiquer cette autre langue, c’est avoir un espace sûr pour soidans lequel il peut préserver sa personne.
Ce qu’il doit à Jules Verne
En 2023, Kamel Daoud est de retour en tant qu’enseignant à Sciences Po. Avant d’animer des ateliers d’écriture, d’enseigner le journalisme et de donner un cours sur la relation franco-algérienne, il a prononcé un discours sur l’influence des livres de Jules Verne dans son parcours et la formation de son imaginaire. Alors que les romans de l’explorateur l’aident à s’évader et à imaginer la liberté d’enfant, ce n’est que tardivement qu’il apprend que deux d’entre eux ont pour toile de fond des paysages qui lui sont familiersOran et Mostaganem, ville de sa naissance.
Il découvre ainsi que son «les évasions du jeune lecteur ne possédaient secrètement rien d’aussi exotique, d’aussi aventureux” et ça “certains des paysages de ses romans se trouvent sous [ses] les pieds alors [qu’il] je les cherchais, enfant, dans mes rêves». Kamel Daoud en tire une leçon : l’inconnu est parfois ce que l’on a sous les yeux et les histoires ont «le don fou de retravailler la création à partir de rien ou presque».
> Lisez le discours dans son intégralité.
Delphine Horvilleur et les conditions du dialogue
En avril 2024, Kamel Daoud et le rabbin Delphine Horvilleur se sont retrouvés pour un moment d’échange sur la place et le sens des mots dans le contexte de la tragédie dans laquelle est plongé le Moyen-Orient depuis le 7 octobre.
L’auteur invite méfiez-vous de la vérité et préférer les questions aux réponses. Il souligne surtout l’importance de s’approprier ses propos, de les prononcer et de continuer à penser à voix haute : «Si je suis ici, c’est parce que j’ai la vanité de poursuivre une mission, celle de penser à voix haute, de penser à voix haute. Je crois que si nous ne parlons pas, nous cédons souvent.. Généralement au plus radical. (…) Je suis là pour écouter, essayer de réfléchir, d’échanger et de raconter une expérience : pourquoi je pense ainsi.»
Actualités des anciens titulaires de la chaire d’écrivain en résidence de la saison littéraire 2024
- Maylis de Kerangal : Journée de surf (éditions Gallimard), sélectionné pour le prix Goncourt 2024, lauréat du prix Patrimoines 2024
- Alice Zéniter : Frappez l’épopée (Flammarion editions)