La Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord sont parfois présentés comme un « nouvel axe », plus ou moins coordonné dans leur hostilité commune à l’égard d’un Occident en déclin.
L’émergence d’un tel front, défini de manière minimaliste, est indéniable. En témoigne le sommet des BRICS qui s’est tenu à Kazan, en Russie, où, du 22 au 24 octobre, non seulement les représentants du « noyau dur » susmentionné, mais aussi un ensemble assez large d’États (neuf membres plus une vingtaine d’invités) souhaitaient rééquilibrer les relations économiques internationales, dans lesquelles l’Occident mènerait trop loin.
Convergence des griefs plus qu’un programme commun : nous ne sommes d’accord ni sur les méthodes ni sur les conceptions finales. Les BRICS ont des objectifs vagues, autour d’une assemblée hétérogène d’États, certains démocratiques, d’autres dictatoriaux, certains riches, d’autres pauvres, certains déclarés anti-occidentaux, d’autres… pas tellement.
Lorsque l’on examine en détail les relations entre ces pays, et notamment trois d’entre eux, on constate qu’ils diffèrent sur de nombreux points.
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Kiev et Washington ont révélé que Pyongyang avait envoyé, en octobre, jusqu’à 12 000 soldats, dont 500 officiers, pour combattre l’Ukraine sur le champ de bataille – des révélations faiblement confirmées par Vladimir Poutine, puis franchement confirmées par des photos satellite et des vidéos de terrain.
L’affaire contrarie sérieusement les autorités chinoises, qui sont certainement des soutiens diplomatiques et économiques d’une Russie en guerre, avec un adversaire commun et de multiples aides indirectes (achat massif de pétrole, livraison de pièces détachées). équipements « civils »)… Mais pour la Chine, l’aide directe et meurtrière à Moscou représente un tabou, une « ligne rouge » à ne pas franchir.
Ce que fait pourtant la Corée du Nord depuis plus d’un an, en fournissant des missiles et des obus d’artillerie par centaines de milliers… et désormais des soldats au sol – un précédent depuis le début de la guerre en Ukraine.
Livraisons d’armes américaines et européennes, conseillers occidentaux, « brigades internationales » (individus de divers pays qui s’enrôlent par idéalisme), mercenaires (russes et étrangers) auprès de l’armée de Moscou… tout cela témoignait déjà d’une internationalisation du conflit.
Mais envoyer des détachements entiers de l’armée d’un pays tiers est qualitativement différent.
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Pourquoi cette alliance militaire Moscou-Pyongyang ? Pourquoi la Chine est-elle en colère ?
Selon le spécialiste de la Corée du Nord Andreï Lankov, cité sur le site sud-coréen NK News, il s’agirait peut-être de « remonter le moral de l’armée russe et d’éviter une nouvelle vague de mobilisation impopulaire ».
Les choses ne se passent-elles pas aussi bien qu’on le dit sur le terrain pour la Russie ? Cependant, elle a conquis 500 kilomètres carrés dans le Donbass au cours du seul mois d’octobre, selon le New York Times. Chiffre à rapporter toutefois aux 100 000 kilomètres carrés occupés au total par la Russie en Ukraine : 0,5 %. Snacking modeste.
Selon le spécialiste chinois de la sécurité stratégique Zhao Tong (maintenant à Washington), indique Le mondeLa Chine n’a sans doute « pas été prévenue à l’avance », et elle est « très inquiète des conséquences de cet engagement ». Pékin estime notamment que les États-Unis et la Corée du Sud utiliseront ce prétexte pour renforcer leur alliance, accompagné d’éventuelles livraisons directes d’aide meurtrière de Séoul à Kiev…
Dans cet épisode, la Russie et la Corée du Nord assument pleinement leur rôle d’« États parias » perturbant l’ordre international… et y ajoutent un « parrain » mécontent, qui ne les contrôle plus vraiment. Contrairement aux deux autres, il est lié à cet ordre (économiquement). Même si son objectif politique et diplomatique à long terme inclut également une volonté de subversion et de renversement.
Mais pas si vite, ni de cette manière.
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