Le BEA-TT rend ses conclusions sur les incendies de bus électriques

En avril 2022, le même mois, deux bus électriques à batterie RATP Bluebus prennent feu spontanément. Même si ces deux événements n’ont fait aucun blessé, cela a donné lieu à une enquête technique du BEA-TT qui a rendu ses conclusions le 30 octobre 2024. TRM24 a pu les examiner, en voici un résumé. TRM24 avait déjà évoqué une série d’incendies qui ont touché des bus électriques à batterie.

L’analyse des données de télémétrie Bluebus lors de l’enquête du BEA-TT montre que pour l’incendie du 4 avril 2022 ” le courant d’autodécharge avait augmenté rapidement, passant de 50 mA à des valeurs comprises entre 150 et 200 mA. Cette augmentation n’a pas déclenché d’alarme car le traitement des données a été réalisé via un algorithme basé sur des valeurs moyennes et non des pics. ».

L’analyse de l’incendie du 29 avril 2022 est encore plus inquiétante et révélatrice des dangers des batteries lithium-ion. Dans ce cas “ le courant d’autodécharge avait eu tendance à augmenter dans les jours précédant l’incendie, sans atteindre le seuil de déclenchement de l’alarme. » Dans la littérature technique, il est rapporté de manière assez constante que les batteries lithium-ion de type NMC, NCA et LMP peuvent avoir des incendies spontanés bien après la survenance d’accidents ou d’incidents sur le véhicule. C’est pour cette raison que l’arrêté ministériel du 3 août 2018 impose la mise en quarantaine (et la surveillance associée) de tout autocar ou bus alimenté par batterie ayant subi un accident ou ayant subi un choc susceptible d’endommager ses accumulateurs.

Le dernier rapport du BEA-TT apporte surtout un certain nombre d’améliorations à apporter pour la sécurité des personnes et des services de secours. C’est 1ère La recommandation demande une modification du règlement ECE R100-3 afin que les dispositifs de surveillance des blocs-batteries puissent alerter le conducteur dans le cockpit lorsque la température du bloc-batterie dépasse une valeur critique. Le BEA-TT constate notamment que le critère d’autodécharge (signe d’alerte possible d’un court-circuit interne, précurseur d’un début d’incendie) pose une difficulté pour définir le seuil pertinent de déclenchement de l’alarme. Cela ne doit pas être ni trop faible car certains phénomènes de ce type sont tout à fait normaux et cela aurait des conséquences graves sur la disponibilité des véhicules, ni trop élevé car une panne avérée ne serait pas traitée correctement et ne permettrait pas d’identifier précocement un défaut tel que ‘ un court-circuit intercellulaire. (…) ».

Concernant la télémétrie, le BEA-TT suggère que les constructeurs et les exploitants puissent assurer la transmission, l’enregistrement et le stockage de toutes les données d’exploitation et d’exploitation pouvant fournir des éléments explicatifs sur des causes accidentelles pendant une période donnée. au moins 5 jours. Il demande à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) de proposer à l’ONU et à l’Union européenne d’intégrer ces dispositifs dans le cadre de l’homologation des nouveaux véhicules.

Sur la cause des incendies, le site gouvernemental géré par le ministère de l’Économie et des Finances, en donnait l’origine dès 2022 (voir http://rappel.conso.gouv.fr/fiche-rappel/17123/Rapex).

Le danger là où on l’attend le moins

Le BEA-TT a pu étudier les carcasses des deux bus. Le rapport détaille la conception des véhicules et souligne le fait que « l’habitacle est isolé des compartiments batteries situés sur le toit et en partie dos par cloisons en tôle inox « . Hélas, ces précautions furent totalement vaines : « En effet, bien que les toits qui protègent les habitacles soient en acier inoxydable, ils ont été pénétrés par les batteries sous l’effet de la chaleur, probablement à la suite d’un phénomène de fluage de l’acier. Pour mémoire, la température de fusion de l’acier inoxydable est de 1420°C, ce qui donne une idée des températures atteintes lors de ces incendies. « . Un des packs ayant traversé le plafond juste après l’évacuation des passagers ! Ces packs de batteries tombés au sol, toujours dangereux et sources d’incendies, ont également été Source de difficultés pour les services d’intervention et de secours lorsqu’il a fallu dégager les routes par la suite.

Dans ses 4ème recommandation, le BEA-TT demande donc à Bluebus de renforcer la protection du toit pour « permettre une évacuation complète des passagers en toute sécurité « . Plus généralement, on peut réellement s’inquiéter du comportement au feu des véhicules électriques à structures ou panneaux composites (fibre de verre -chez VDL- et/ou fibre de carbone -chez Ebusco-). Le BEA-TT constate que les packs de batteries ont généré une quantité de projections de métal en fusion, d’une portée de 3 à 4 mètres au-delà du bus. Cela aurait pu contribuer à de nombreuses blessures corporelles graves. Ce qui motive le 5ème recommandation du BEA-TT afin d’améliorer la protection des sorties de véhicules contre tout risque de telles projections en cas d’incendie.

Les pompiers face à de nouveaux dangers

Le BEA-TT s’est entretenu avec différents services départementaux d’incendie et de secours et a constaté qu’ils menaient leurs propres recherches et développaient leurs propres méthodologies d’action. Le SDIS de Vienne a organisé plusieurs journées techniques d’échanges sur les interventions sur les véhicules, notamment électriques ou gaz[1]. Mais le BEA-TT nécessite une plus grande coordination et une plus grande implication des services de l’État dans sa 6èmerecommandation. Elle demande formellement que la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l’Intérieur assure la gestion nationale de la diffusion de la recherche en matière de lutte contre les incendies de véhicules à énergies nouvelles (notamment électriques et à hydrogène).

Les dangers sont sans précédent : fumées toxiques, difficultés d’évacuation des épaves toujours dangereuses (risques de chocs électriques et/ou reprise des incendies). Le retrait des bus calcinés a pris 11 heures dans le premier cas, puis 6 heures dans le second. Le rapport alerte sur un danger propre aux véhicules à batterie : « il est presque impossible d’éteindre rapidement et complètement un incendie provoqué par ce type de batterie lithium-métal-polymère. De nouveaux départs d’incendie ont également été constatés lors de l’évacuation de la carcasse et du nettoyage de la voirie sur le lieu de l’incendie de la bibliothèque François-Mitterrand. « . Heureusement, le professionnalisme des deux chauffeurs de bus RATP a permis d’alerter les secours avec les informations pertinentes pour les deux interventions permettant « aux travailleurs de travailler en toute sécurité, notamment en ce qui concerne la protection contre les polluants émis et les projections de particules de métal en fusion, voire les explosions ».

Le BEA-TT souhaite, par mesure de précaution, dans sa 7ème et recommandation finale, que le dispositif d’alerte automatique d’urgence eCall (Règlement 2015/758 UE) transmettant la géolocalisation du véhicule, son type, sa catégorie, son numéro de série et son mode de propulsion soit étendu à toutes les catégories de véhicules et pas seulement aux voitures et les véhicules utilitaires légers. Il demande à la DGEC d’entreprendre des démarches auprès de l’Union européenne à cet égard.

Pour consulter le document dans son intégralité : https://www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr/paris-avril-2022-feus-de-deux-bus-electriques-r323.html

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