Depuis « La Maison du bout du monde » (1999), Michael Cunningham poursuit une œuvre pleine de nuances et de subtilités. Le romancier américain, né à Cincinnati et auréolé du prix Pulitzer pour « The Hours », dont Stephen Daldry a réalisé un film remarquable, s’intéresse aux fissures, aux doutes de ses personnages. Des femmes, des hommes et des enfants qu’il recadre avec une rare précision dans « Un jour d’avril ». Un sommet de finesse dont la construction pourrait rappeler celle des « Heures », où l’on naviguait entre trois lieux et trois époques.
Ici, Michael Cunningham a choisi d’encadrer trois mêmes journées. 5 avril de l’année 2019, 2020 et 2021. La majeure partie du roman est ancrée dans le quartier de Brooklyn à New York. Isabel Walker et Dan Byrne vivent dans un appartement avec leurs deux enfants, Nathan et Violet, âgés de 10 et 5 ans. Dan a eu un bref passé de rockeur. Il a enregistré un album qui n’a pas fonctionné et tente faiblement de faire son retour. Plutôt qu’une groupie sexy, Dan préférait une femme « remarquable bien que physiquement assez ordinaire ». Isabel, qui fait bouillir la marmite avec son travail de rédactrice photo dans un magazine chic.
Le Wolfe fictif
Au-dessus d’eux vit Robbie, le jeune frère gay d’Isabel. Sorte d’« enfant mâle », il envisageait de faire des études de médecine avant de devenir professeur. Récemment, Robbie a créé le profil fictif sur Instagram d’un certain Wolfe qui compte 3 407 « followers » et qu’il alimente avec Isabel.
Cunningham montre son art de la scène et du dialogue, sa façon de bouger
Garth, le frère de Dan, gravite également autour d’eux. Cet artiste cherche à se faire un nom et à entretenir une relation avec les échecs. Une femme qui enseigne Edith Wharton à ses élèves et avec qui il a eu un bébé, Odin, parce qu’elle voulait un enfant mais pas d’un donneur anonyme…
Le confinement
Avec sa délicatesse qui le caractérise, Michael Cunningham nous entraîne d’un de ses protagonistes à l’autre. Tout le monde va vivre l’épreuve du confinement tout en continuant à se débattre avec les aléas de l’existence. Chemin faisant, l’auteur de « Crépuscule » montre son art de la scène et du dialogue, sa façon d’émouvoir en décrivant Isabel s’isolant pour écouter le Requiem de Brahms. Ou le couple qu’elle forme avec Dan sombrant dans la monotonie et se demandant quoi choisir entre l’aiglefin et le poulet pour le dîner.
En plus de New York, « Un jour d’avril » permet de voyager en Islande. Là où Robbie part, prenant un exemplaire de « Mill on the Floss » de George Eliot. L’importance que Michael Cunningham accorde à Nathan, un jeune garçon obsédé par le film « Rock Academy », et à Violet, un gamin qui a des visions, n’est sans doute pas anodine. « One Day in April » cherche peut-être avant tout à répondre à la question posée par Robbie : « Croyez-vous vraiment que nous survivons réellement à notre enfance ? »
« An April Day » de Michael Cunningham, traduit de l’anglais (États-Unis) par David Fauquemberg, éd. Seuil, 320 p., 22,50 €, ebook 15,99 €.