Le bilan des inondations apocalyptiques de cette semaine dans le sud-est de l’Espagne a atteint jeudi 158 morts alors que les recherches se poursuivaient pour “des dizaines et des dizaines de personnes disparues”.
Sur ce total, 155 décès ont eu lieu dans la seule région de Valence, de loin la plus endeuillée par les torrents de boue qui ont dévasté le sud-est du pays mardi soir et dans la nuit de mardi à mercredi. Auxquels il faut ajouter deux décès dans la province voisine de Castille-La Manche et un en Andalousie.
Le précédent bilan, qui datait de mercredi soir, faisait état de 95 morts, mais les autorités n’avaient pas caché qu’il fallait s’attendre au pire, sans toutefois donner d’information sur le nombre de personnes disparues.
Pour la première fois, le ministre de la Politique territoriale, Ángel Víctor Torres, a avancé une estimation à ce sujet, déclarant lors d’une conférence de presse à Madrid qu’il y avait jeudi soir des dizaines et des dizaines
de disparition.
Il a également annoncé que le gouvernement central avait accepté de mettre à la disposition du gouvernement régional toutes les ressources de l’armée
ouvrir des routes et atteindre dans tous les coins
de la zone touchée, ce qui laisse penser que certains villages sont encore coupés du monde.
M. Torres a également indiqué que 39 personnes avaient été arrêtées et que face aux pillages et à la criminalité
les forces de sécurité manifesteraient fermeté absolue
. Plus de 1 200 militaires sont déjà déployés sur le terrain, principalement dans la région de Valence, aux côtés des pompiers, policiers et secouristes.
Des milliers de soldats et de sauveteurs ont été dépêchés sur le terrain pour retrouver et aider les survivants.
Photo : Getty Images / Mateo Villalba Sánchez
Un décor post-apocalyptique
Au sol, le soleil est revenu jeudi, 48 heures après le drame, produisant un contraste saisissant avec le spectacle de désolation offert par toutes les localités de la région.
À Paiporta, une commune de 25 000 habitants située dans la banlieue sud de Valence, au moins 62 personnes sont mortes, selon la maire, Maribel Albalat. Toujours abasourdis, les habitants ont tenté de nettoyer les rues, couvertes de boue visqueuse, dans un triste décor. Il n’y a plus d’entreprise debout
a lâché David Romero, un musicien de 27 ans.
En visite à Valence, capitale de la région éponyme, le Premier ministre Pedro Sánchez a assuré que l’épisode de mauvais temps n’était pas pas fini
et a demandé aux habitants de cette région de reste à la maison
et de ne pas sortir
.
M. Sanchez faisait référence à un alerte rouge
lancé jeudi matin par l’Agence météorologique nationale (AEMET) pour certaines zones de la province de Castellón, située juste au nord de celle de Valence, où sont tombées de fortes pluies. L’alerte a toutefois été levée dans l’après-midi, passant à l’orange, ce qui traduit une diminution du danger.
Selon les autorités, des milliers de personnes sont toujours privées d’électricité dans la région. Je n’aurais jamais pensé vivre ça
a déclaré à l’AFP Eliu Sánchez, habitant de Sedavi, une ville de 10 000 habitants dans la banlieue de Valence, racontant une nuit cauchemardesque.
On a vu un jeune homme dans un terrain vague se réfugiant sur le toit de sa voiture
dit cet électricien de 32 ans. Il a essayé de sauter
sur un autre véhicule, mais le courant je l’ai emporté
.
Les trains à grande vitesse entre Madrid et Valence, suspendus depuis mercredi, le resteront au moins pendant deux à trois semaines
a indiqué le ministre des Transports, Óscar Puente.
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De nombreuses routes restent fermées, tandis que d’innombrables carcasses de voitures jonchent les routes, couvertes de boue et de débris.
Photo : Reuters/Eva Manez
Le réchauffement souligné
Selon l’AEMET, plus de 30 cm de pluie sont tombés dans la nuit de mardi à mercredi dans plusieurs localités de la région de Valence, avec un pic de 49 cm dans le petit village de Chiva. C’est l’équivalent d’une année de précipitations
a précisé l’agence espagnole.
La région de Valence et la côte méditerranéenne espagnole en général connaissent régulièrement, en automne, le phénomène dit de goutte froide
(le goutte froide
), une dépression isolée d’altitude qui provoque des pluies soudaines et extrêmement fortes, parfois pendant plusieurs jours.
Mais le phénomène n’avait jamais atteint une telle ampleur. La pire goutte froide du siècle
tel était le titre de la Une du quotidien Le pays.
Dans une première analyse, des scientifiques du World Weather Attribution, un réseau de référence qui étudie le lien entre phénomènes météorologiques extrêmes et changement climatique, ont estimé jeudi que le changement climatique est l’explication la plus probable
à la violence des intempéries en Espagne.
Selon cette analyse, les pluies torrentielles qui ont frappé l’Espagne étaient 12 % plus abondantes et deux fois plus probables que si le climat ne s’était pas réchauffé.
Les inondations dévastatrices en Espagne ont été causées par ce que les Espagnols appellent la « goutte froide ». Entrevue avec Robert Michaud, ancien météorologue, Environnement Canada.