S’il revient à la Maison Blanche, Donald Trump défendra-t-il Taïwan en cas d’invasion chinoise ou fera-t-il de l’île démocratique un outil de négociation avec Pékin ? A quelques jours des élections présidentielles américaines, la question inquiète Taipei.
Le directeur de la CIA, William Burns, a déclaré l’année dernière que le président chinois Xi Jinping avait ordonné à son armée d’être prête d’ici 2027 à envahir Taïwan, que la Chine considère comme faisant partie de son territoire. Xi lui-même a récemment demandé à ses troupes de renforcer leur préparation à la guerre.
Face à cette menace, « l’incertitude serait plus grande sous un gouvernement Trump », estime Fang-yu Chen, professeur adjoint de sciences politiques à l’université Soochow de Taipei. Ce dernier rappelle que Trump avait laissé entendre, lors d’entretiens, que les États-Unis, principal allié et principal fournisseur d’armes de Taïwan, ne s’engageraient pas à défendre militairement l’île en cas d’attaque chinoise.
Cependant, au cours de son premier mandat, Trump, au grand désarroi de Pékin, a rapproché les États-Unis de Taiwan. Peu avant son entrée en fonction, il s’est même entretenu au téléphone avec la présidente taïwanaise de l’époque, Tsai Ing-wen, un geste sans précédent. Mais ses déclarations au cours de la campagne électorale actuelle laissent entrevoir un changement radical s’il remportait un second mandat.
Trump a ensuite semé le trouble en suggérant que Taiwan « devrait payer » les États-Unis pour sa défense. Il a également accusé l’île de « voler » l’industrie américaine des semi-conducteurs.
John Bolton, qui était conseiller à la sécurité nationale de l’ancien président avant de tomber en disgrâce, a récemment déclaré à la BBC que Taiwan serait « potentiellement grillée » si Trump revenait au pouvoir. Selon Wen-Ti Sung, chercheur au Global China Hub de l’Atlantic Council basé à Taipei, « il ne fait aucun doute que Taiwan est préoccupé par l’issue de la campagne présidentielle américaine ».
Ces préoccupations ne sont pas propres à Trump. Dans une récente interview, la candidate démocrate Kamala Harris a déclaré que Washington « ne devrait pas rechercher un conflit » avec la Chine et a refusé de dire si les États-Unis interviendraient militairement pour soutenir Taiwan.
Sung a déclaré qu’il craignait que Harris ne poursuive une politique moins clairvoyante que celle du président sortant Joe Biden. Il craint également le « caractère transactionnel et mercantiliste » de Donald Trump qui pourrait transformer Taïwan en un outil de négociation entre Washington et Pékin. “Trump est un électron libre”, déclare Greg Poling, chercheur au Center for Strategic and International Studies de Washington.
Selon lui, si le soutien à Taiwan a jusqu’ici fait l’objet d’un consensus entre démocrates et républicains, “on ne pourra jamais être complètement sûr de ce que pense Donald Trump lui-même, ce qui doit mettre les dirigeants de Taipei à l’aise”.