Comment amener les familles de personnes décédées suite à un arrêt cardiaque ou déclarées en état de mort cérébrale à donner leur consentement éclairé au prélèvement d’organes sur leur proche ? Bien qu’il ne soit interdit par aucune religion, l’acte est strictement tabou, qui consiste à prélever du corps d’une personne décédée pour perpétuer la vie d’une autre. Pour greffer, il faut d’abord ouvrir et prendre. Il faut soustraire. Pour les proches du défunt qui ne se seraient pas inscrits de leur vivant sur le registre national des refus, il s’agit de considérer ces gestes intrusifs en même temps que la douleur de la perte. Pour les soignants, il faut guetter la mort pour la faire reculer. Pour un donneur décédé, cinq à sept vies peuvent être sauvées. Terrible et merveilleux compte à rebours.
En France, au nom de la solidarité nationale, chacun est présumé donneur. Mais si 80 % des Français se disent favorables au don, seuls 47 % d’entre eux en ont parlé à leurs proches. C’est donc aux équipes médicales de prendre le relais pour expliquer sans conflit, discuter avec les familles pour que les volontés du défunt puissent être exaucées. La tâche est ardue : en 2023, le taux d’opposition a atteint un record en France à 36,1 %.
Aussi, il est du devoir des politiques publiques de réduire cette opposition au don d’organes. Une des pistes pour sa revalorisation pourrait être de placer plus naturellement le prélèvement dans le parcours de soins du patient, tout en considérant la greffe comme un droit à part entière. La possibilité de refus, qui garantit la pleine liberté d’un accord, doit être préservée. Elle ne doit plus constituer un obstacle à la prise en charge des 10 000 patients inscrits chaque année sur liste d’attente.
France