Alors que le monde commence à espérer un cessez-le-feu à Gaza après la mort de Yahya Sinwar, le politologue Gilles Kepel, spécialiste du monde arabe, ignore l’importance de la situation dans l’enclave palestinienne sur les enjeux géopolitiques de la région. Invité au Forum vendredi soir, il estime que désormais la question “est de savoir comment se déroulera l’embrasement général” vers l’Iran.
Selon lui, Benjamin Netanyahu « doit avant tout sauver sa peau, politiquement et juridiquement. Il est considéré par de nombreux Israéliens comme ayant ignoré les avertissements concernant l’imminence du 7 octobre. Ainsi, plus Israël tue d’ennemis, plus il se fait une figure biblique », analyse-t-il. Le Premier ministre a ainsi remporté « une victoire symbolique très importante » en éliminant « celui qui a infligé la plus grande humiliation à Israël et à ses services de renseignement ».
Toutefois, si la mort de Yahya Sinwar « réconforte Netanyahu sur le plan intérieur, il ne bénéficie plus d’un réel soutien international », poursuit le politologue français. « Ni les Etats-Unis ni les dirigeants européens, qui ont pourtant soutenu Israël, ne croient pas que ce soit la solution. » Mais selon lui, l’objectif actuel du gouvernement israélien « est avant tout de tuer le régime iranien », principal ennemi d’Israël.
Yoav Gallant, l’alternative « raisonnable » ?
Pour se protéger, selon lui, la diplomatie iranienne joue la carte économique, menaçant l’approvisionnement en pétrole des Etats-Unis, dont le soutien est essentiel à l’Etat hébreu. “En ce moment, le ministre iranien des Affaires étrangères va partout, dans des pays où il n’a pas mis les pieds depuis dix ans comme l’Egypte, menaçant de cibler les puits de pétrole des pays du Golfe en cas d’attaque contre l’Iran”, observe Gilles Kepel.
« Le régime iranien est plutôt faible, car le Hezbollah, qui était son bastion, a été détruit », poursuit-il. Mais dans la configuration actuelle, Benjamin Netanyahu ne pourra rien faire sans l’approbation occidentale.
Et dans ce contexte il note un détail intéressant : « Hier, le premier à prendre la parole était Yoav Gallant, ministre de la Défense, une demi-heure avant son chef. Cela constitue une alternative plus raisonnable du point de vue des États-Unis et de l’Europe.»
